En visite en Turquie, Gérard Larcher, le président du Sénat français, et sa délégation pluripartite ont exprimé une position nettement en retrait de celle de Sarkozy à propos de l'admission de ce pays dans l'U.E.
Pour le président de la chambre haute, la France "
ne doit pas fermer les portes de l'avenir", allusion au rejet inexplicable de la candidature d'Ankara à l'organisation européenne. Il revendique ainsi pour l'assemblée qu'il représente une approche "autonome" de la question, bien aux antipodes de celle du chef de l'Etat.
En vérité, le Sénat, dans un passé encore récent, s'était aussi distingué, à propos de la Turquie, par deux prises de position différentes de celles de l'Assemblée nationale qui reflètent davantage encore les convictions du président de la République. Il avait rejeté, sous la précédente législature, l'inscription à son ordre du jour de la question du génocide arménien, d'une part. Il avait également dit, d'autre part, son mot, au sujet du référendum désormais exigible avant l'admission de tout nouveau pays dans la communauté européenne.
Pour ne pas se mettre en porte à faux avec la position officielle, Larcher prend, bien sûr, la précaution de n'exprimer là que son sentiment propre, celui de concourir à jeter des passerelles, pour ne pas hypothéquer l'avenir. "
Nous voulons être des passeurs, travailler à rapprocher les points de vue", a-t-il déclaré en substance. Un sénateur de l'UMP a même souhaité : "
continuer à accompagner le processus de négociation, sur les chapitres qui sont ouverts et ceux qui devront l'être, pour pouvoir préparer l'avenir ensemble".
Sur le même plan d'ailleurs, les autres Européens, notamment ceux engagés dans la coalition guerrière d'Afghanistan, se rendent à l'évidence. Le pied de nez jeté jusqu'ici à l'égard de la Turquie, un pays qu'ils reconnaissent acquis en toute loyauté à la défense des intérêts continentaux, y compris particulièrement au plan militaire, dérange nombre d'entre eux. Et ceux-ci s'interrogent même sur le non fondé du suivisme qui a caractérisé leur attitude derrière les gesticulations de la France sarkozienne. D'autant plus qu'Obama lui-même a tenté, tout au début de son installation, de plaider pour l'admission d'Ankara dans l'U.E., il ne reste plus en fait qu'à lever le verrou parisien pour répondre aux aspirations d'Ankara.
Le mot juste d'un représentant turc disant que "
Sarkozy commet la même erreur envers la Turquie que Mitterrand avec l'Allemagne de l'Est", tombe précisément à point pour expliquer un entêtement, dissimulant mal une influence sioniste dans le discours de Sarkozy, qui va à contresens des intérêts français.