Grâce à sa ténacité et à sa détermination d'aller au bout de son objectif, Téhéran réussit, après moult tergiversations notamment de Moscou manipulé par les grandes puissances, à mettre la dernière touche sur les travaux de construction de sa première centrale nucléaire de Bouchehr.
Entamé il y a tant d'années, voire trois ou quatre décennies, le projet lancé à l'époque déjà du shah, autrement dit dans les années soixante-dix, a achoppé, dès le départ, sur le manque de volonté des Français, les premiers engagés à le construire, de s'y impliquer sérieusement. Le shah, que Giscard d'Estaing se félicitait, par ailleurs, de compter parmi les financiers les plus sûrs pour booster l'économie française, n'avait pas tardé à révéler sa véritable et unique préoccupation : attirer l'argent iranien sous différentes formes dans l'industrie française mais faire traîner les choses quant à la réalisation attendue de la centrale iranienne. L'épisode très controversé de l'entrée de Téhéran au capital d'Euratom, l'organe qui impulsait la dynamique nécessaire au développement de l'industrie nucléaire en France, en dit suffisamment lourd sur les rapports devenus conflictuels entre l'Iran de Khomeini et l'Etat français dirigé alors par Giscard d'Estaing puis par François Mitterrand.
S'étant replié, par suite, sur l'Allemagne, Téhéran a cru un instant pouvoir y trouver la coopération que Paris lui avait tant refusée. A son tour, Berlin, dont les intérêts le rapprochent depuis longtemps déjà de l'Europe, a monnayé petitement son savoir-faire et usé de divers procédés dilatoires avant de se dessaisir totalement du projet. Les Russes, qui ont pris leur succession, ont bien sûr promis aussitôt de faire mieux. Le temps juste de prendre connaissance de l'état d'avancement des travaux, ils se sont aussitôt perdus dans les méandres d'une soi-disant bureaucratie pour camoufler, en réalité, leur désir de peser sur la décision iranienne et l'amener à abandonner ses recherches nucléaires. N'est-ce pas que la Russie est la voisine immédiate de l'Iran ?
Depuis bien plus d'un an déjà, les Iraniens n'ont cessé de rappeler à l'ordre leurs partenaires, pourtant payés d'avance, afin d'activer le montage de la centrale de Bouchehr. Moscou, cédant au besoin de sauver ses relations avec l'Europe et les USA, fait la sourde oreille, en essayant de justifier son retard par la rusticité qui rend les installations frappées d'obsolescence, avant même leur réception. C'était en même temps une manière pour lui de jouer en faveur du démontage des vieux matériels mis en place pour les remplacer par de nouveaux et de sa propre fabrication, pour pouvoir servir encore, ultérieurement, de moyen de pression éventuellement. On aura compris là que des intérêts à long terme sont en jeu, qui s'appuient aussi sur des calculs stratégiques.
Tout cela aurait pu naturellement se terminer en queue de poisson si Téhéran n'avait continué de montrer une volonté aussi inlassable qu'inébranlable d'exiger des comptes de Moscou, pour le forcer à activer la finition du projet sinon à se retirer moyennant de lourdes indemnisations.
Les événements survenus dans le Caucase, l'été dernier, sont venus à point nommé pour donner un véritable coup de fouet aux relations bilatérales liant la Russie à l'Iran. Moscou, en effet replacé dans l'oeil du cyclone à cause de son invasion jugée intolérable de la Géorgie, se retrouve, depuis cette date, quasiment au ban du monde occidental, qui ne lui ménage plus ses attaques, parfois déloyales, pour tenter de le déstabiliser à tout prix.
Aussi, aujourd'hui, en apportant son concours franc à l'achèvement des travaux dont il a la charge en Iran, entend-il faire montre lui aussi de sa résolution de ne plus se laisser marcher sur les pieds, par ce bloc occidental. C'est une autre manière pour lui d'afficher son refus de jouer aux marionnettes.