Un événement d'une exceptionnelle gravité, qui s'est déroulé mardi soir au tribunal de Béjaïa, repose le problème de la détention des armes à feu des forces de police algériennes, tout particulièrement.
En effet, s'il est courant d'observer que tel flic, sous le coup de la colère ou simplement d'une forte émotion, a dégainé son arme pour abattre une personne souvent proche, il est extrêmement rare qu'il s'en serve pour prendre en otage un procureur de la République, dans l'exercice de ses fonctions.
C'est bien ce dont s'est rendu coupable un policier en civil, vers 21 heures, ce jour-là, pendant que l'on attendait le verdict concernant son propre frère, un délinquant impliqué dans une sombre affaire de stupéfiants. Sans le moindrement mesurer les conséquences de son acte, ce flic s'est avancé vers le vice-procureur, sous les yeux stupéfaits du public assemblé dans la salle, pour le menacer de son arme, parce que le magistrat venait de requérir une peine de 10 ans de prison contre l'inculpé. Il aura fallu un certain temps de palabres avec les autres flics se trouvant dans le tribunal pour résoudre le policier mentalement déséquilibré à lever sa menace contre le représentant du ministère public.
L'emploi abusif des armes de service par le corps de la police amène quelques interrogations. Il s'agit d'abord de savoir si, pendant la formation de ce personnel, l'accent est particulièrement mis sur le devoir de ne sortir son arme qu'en cas d'extrême nécessité imposée exclusivement par la menace de mort visant le porteur de l'arme. Dans l'exercice de leurs fonctions, ensuite, les policiers armés sont-ils l'objet de rappels permanents de cette règle immuable, sans l'application de laquelle l'on ne peut parler d'un corps veillant à la sécurité du citoyen. Enfin, insiste-t-on toujours à inculquer aux membres de ce corps l'obligation d'avoir un comportement qui ne tienne d'aucun privilège les soustrayant à la justice pour chacun de leurs actes illégaux ou répréhensibles.
L'on sait, bien évidemment, que par esprit de corps les policiers se soutiennent toujours quand ils doivent affronter un tiers étranger à leur service, et qu'en conséquence nombre d'abus sont ainsi commis aux dépens de la justice et de la loi. Mais de là à ce que ces dépassements fassent la règle, le législateur doit impérativement intervenir pour imposer des jalons et des sanctions appropriées. Sans quoi le peuple tout entier tombe dans le piège qui lui est tendu.
C'est pourquoi donc l'attentat de Béjaïa mérite-t-il un traitement des plus rigoureux si le corps de police accepte de balayer devant sa porte.