Pour ne rien déroger avec les pratiques courantes dans le monde arabe, le gouvernement de sa majesté Mohamed VI poursuit ses règlements de compte avec la presse de son pays. Le dernier journal a faire les frais de sa sortie de bouclier est le quotidien El-Massa, en langue arabe. Ce dernier vient d'être condamné, le 1er décembre dernier, pour diffamation envers le bâtonnier de Rabat à lui verser des dommages et intérêts à hauteur de 54 500 euros. Or, il y a seulement un mois, un autre procès de même type a abouti à la condamnation du quotidien à une première amende de 550 000 euros pour diffamation envers quatre substituts du procureur royal. Le quotidien avait qualifié l'un d'eux d'homosexuel, précise le journal Le Monde qui publie l'information.
Le problème posé par ces deux condamnations successives est de savoir où s'arrêteront de telles poursuites auxquelles d'autres journaux risquent d'être également exposés.
Certes, la condamnation d'El-Massa vise surtout sa chronique "Chouf t'chouf" (Regarde) qui intéresse nombre de lecteurs pour ses insertions croustillantes qui ne ménagent quasiment personne et particulièrement le monde du pouvoir. " J'ai des ennemis et je dérange. Mais le rôle des journalistes, c'est précisément de déranger ! Nous devons poser des questions telles que : où va l'argent public ? Avons-nous une vie politique digne de ce nom, au Maroc ? A quoi ressemblera la société marocaine dans le futur ?", se défend le chroniqueur Rachid Niny.
D'autres journaux ont déjà payé lourdement leur tentative de briser le carcan qui enserre le monde de la presse marocaine. Condamné, en 2006, à une amende de 3 millions de dirhams, le Journal hebdomadaire a fini par mettre les clefs sous le paillasson. Le fondateur de l'hebdomadaire Demain, Ali Lemrabet, ayant été interdit, en 2005, de pratiquer le journalisme durant 10 ans, a préféré s'expatrier en Espagne. Ahmed Benchemsi, directeur des hebdomadaires Tel Quel et Nichane a écopé, lui, d'une lourde amende avant qu'un arrangement n'autorise sa levée.