Une analyse assez pertinente de la situation en Afghanistan conduit l'ambassadeur de sa Majesté britannique à n'entrevoir d'autre issue à Kaboul que celle de remplacer Hamid Karzaï par un dictateur dit "acceptable". Malgré tous les renforts militaires qu'elle peut mobiliser, la coalition enlisée sur place ne parviendra jamais à venir à bout de la résistance qui lui est opposée, déplore, par ailleurs, l'honorable représentant de Londres.
Dans un entretien qu'il avait eu avec son confrère français, et qui a fait l'objet d'un résumé transmis au Quai d'Orsay, d'où le Canard enchaîné en aurait obtenu communication, le diplomate anglais estime que : "La situation est mauvaise, la sécurité empire ainsi que la corruption. Le gouvernement afghan a perdu tout crédit". Il ajoute encore : "Nos paroles publiques ne doivent pas nous illusionner sur le fait que l'insurrection est en mesure de nous rendre la vie de plus en plus difficile, y compris dans la capitale".
Cet aveu d'impuissance ressemble à s'y méprendre à celui que les gouvernements français et américain avaient fini par reconnaître dans le passé, après avoir installé, toutes proportions gardées, des fantoches semblables à la tête de Saïgon, de Rabat ou de Tunis, au plus fort des révoltes populaires soulevées par les nationalistes pour l'indépendance. Les généraux de pacotille qui se sont succédé à Saïgon, tout comme Ben Arafa à Rabat et je ne sais plus quel bey à la solde des colonisateurs à Tunis, n'avaient jamais représenté que leur propre petite personne et n'avaient d'autre souci que celui de remplir leurs poches aux dépens des contribuables.
Le seul mérite de l'ambassadeur britannique est de réaliser que rien ne peut finalement être imposé à un peuple qu'il n'ait décidé lui-même de son plein gré. En l'occurrence, la prétention agitée avec insistance par Bush et ses amis d'instaurer la démocratie à Kaboul, comme du reste à Bagdad, est à ranger simplement au nombre des divagations auxquelles Bush et ses amis nous ont tant habitués. Aussi, Karzaï comme son homologue de Bagdad disparaîtront-ils pour se volatiliser dans la nature, au premier signe de retrait des occupants étrangers. Et leur remplacement éventuel par des dictateurs prendrait également fin, tôt ou tard, dans les mêmes conditions, n'en déplaise à l'ambassadeur britannique.