Les bombes se multiplient à Kaboul

Le pays que l’on croyait, il y a un temps, libéré des talibans barbares retombe désormais dans leur escarcelle, tant et si fortement d’ailleurs que les troupes de l’OTAN, qui occupent le terrain, ne cessent de demander des renforts pour contrer leurs incursions ou leurs embuscades. Aussi, ne se passe-t-il plus de semaine, voire de jours où l’on n’annonce pas quelque massacre, quelque tuerie, qui les culpabilise, dans ce qui fut longtemps considéré comme le repaire inviolable de Bin Laden.

Il faudra même désormais ajouter Kaboul au nombre des villes martyres, où deux ou trois bombes font plus de ravages parmi les autochtones que n’inscrivent toutes les opérations militaires menées dans la journée par les armées coalisées, en Afghanistan comme en Irak.

En y ajoutant, ensuite, les lourdes bavures sanglantes qui sont directement imputables à ces dernières qui semblent paradoxalement oublier que leur mission est justement de rétablir ou de mettre de l’ordre dans les deux pays dévastés, nous obtenons alors des chiffres quotidiens de victimes innocentes aussi inquiétants qu’ils ne sauraient justifier plus longtemps la présence de ces armées étrangères en Irak comme en Afghanistan, sauf à poursuivre évidement des intérêts occultes que seule l’existence de pétrole alentour peut susciter.

Au demeurant, l’illégalité de ces opérations n’étant plus à démontrer, d’autant que l’ONU ne les a jamais approuvées, il devient évident que la communauté internationale payera cher des précédents de cet ordre.

Selon l’AFP, citée par Le Monde d’aujourd’hui, Hamid Karzaï, président de l’Afghanistan, a condamné, samedi dernier, les opérations dites « sans discernement », des forces de l’OTAN, qui ont coûté la vie à 90 civils. Il a de plus promis que « cela ne serait plus toléré ».

Au nombre de ces opérations qu’il a énumérées, Karzaï a notamment cité celle du bombardement aérien, effectué, au cours de la nuit de jeudi à vendredi dernier, dans la province d’Helmand, ayant causé la mort de 25 personnes, dont 9 femmes et trois enfants. Dans l’autre province de l’Oruzgan, au sud, 52 autres civils ont encore été tués, durant les trois jours de combat, a ajouté Karzaï.

Les commandants des forces de l’OTAN ont, de leur côté, déploré, au cours de leurs entretiens avec les chefs tribaux d’Helmand, la mort de 25 civils afghans, sous le bombardement aérien.

Placé à la tête de l’Afghanistan, par les pays membre de cette OTAN qui tue aussi aveuglément ses compatriotes, comme on tuait d’autres innocents à d’autres époques et sous d’autres cieux, Karzaï possède-t-il vraiment quelque autorité, physique ou morale, pour empêcher la coalition, devenue la véritable maîtresse de son pays, de poursuivre ce qu’elle appelle le nettoyage des poches de résistance rebelles ? Il est permis d’en douter…

Le dernier massacre, vendredi, dans la province d’Helmand (au sud), de soixante-cinq civils par des bombardements aveugles des troupes occupant, illégalement encore - faut-il le rappeler -, l’Afghanistan n’est-il pas la preuve que Hamid Karzaï n’est en réalité qu’un polichinelle n’ayant prise nulle part sur la décision des coalisés, civils ou militaires ?

Et John Thomas, le porte-parole de l’OTAN, en répondant qu’il n’y a : "aucune preuve pour confirmer certains chiffres élevés dont les médias ont fait état", a-t-il encore conscience de sa turpitude sinon de l’absurdité de sa déclaration ? En s’empressant d’annoncer victorieusement, à grand renfort de publicité, la mise hors de combat de 35 talibans, décomptés sans nul doute dans le périmètre immédiat des bombardements, les troupes coalisées se sont-elles seulement donné la peine de dénombrer les civils éliminés sous les mêmes coups de boutoir ? A moins de confondre civils et combattants sous la même étiquette d’ennemis à abattre, comme l’ont fait jadis les troupes américaines ou françaises sur d’autres terrains de guérilla, comme en Indochine ou en Algérie…

A cause de ces bavures ou de ces bévues, c’est selon, le monde à venir se souviendra sans nul doute, sans risque de se tromper, que l’esprit ayant présidé hier à l’élimination des Vietminh, des Vietcong ou des fellaghas n’a en vérité guère évolué. Il ne peut en aucun cas se défaire de sa connotation raciste ou colonialiste qui a été et restera toujours la sienne. Et les intégristes islamistes de tout bord auront ainsi de biens beaux jours devant eux à exploiter à leur guise.