Omar El-Bachir inculpé de génocide

Après le Serbe Slobodan Milosevic et le Libérien Charles Taylor vient le tour d’Omar El-Bachir, président du Soudan de faire l’objet d’une inculpation par la Cour pénale internationale de la Haye à raison du génocide qu’on lui impute indirectement au Darfour. Le procureur de cette cour a prononcé officiellement cette réquisition en sus du gel et de la saisie des biens de l'homme fort de Khartoum. Il le rend responsable de l’assassinat par l’armée de 35 000 de ses compatriotes civils et de la déportation de près de trois millions d’autres concitoyens menacés par les hostilités sévissant dans cette région du sud.

Le gouvernement soudanais se dit, bien sûr, non concerné par ces menaces de la C.P.I. qu'il décharge de toute compétence sur le sujet. "Nous ne reconnaissons nullement ce qui vient de la CPI, qui n'a pas d'existence à nos yeux", a déclaré à l’agence Reuters un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

De telles poursuites à l’égard du premier responsable du Soudan risquent, selon les observateurs, de mettre en cause le difficile processus de sécurisation des ethnies menacées, dont la mise en place n'est pas encore achevée par les soins des forces combinées de l’ONU et de l’U.A.

Le conflit régnant dans la région remonte en vérité au milieu des années soixante, où une rébellion conduite par le colonel John Garang, dans l’objectif de provoquer soit la sécession du sud dit chrétien, soit l’extension à cette région des droits seulement réservés à la population musulmane du reste du pays, ne s’est jamais éteinte. Fort du soutien arabe, le président Numeiry, à l’époque, avait employé les moyens les plus rudes pour contrer ce mouvement, sans jamais parvenir, lui comme ses successeurs, à l’enrayer.

Le problème est qu’aujourd’hui, dans ces territoires du Darfour, des sociétés chinoises, succédant aux compagnies anglo-américaines qui ont abandonné leurs recherches sous la pression des événements locaux, ont mis au jour d’importants gisements pétroliers qu’elles entendent exploiter, en dépit des manigances sciemment organisées par le monde occidental pour les en déposséder. Cela explique d’ailleurs pourquoi Pékin, contournant les sanctions internationalement prises à l’égard de Khartoum pour le priver d’armements, continue de satisfaire ses besoins, comme le montrent les photos des armes et engins militaires, made in China, recensés dans la zone des combats.

Enfin, de là à ce que la Cour pénale internationale reçoive mandat du Conseil de sécurité de l’ONU pour mettre à exécution sa menace de juger El-Bachir, il n’y a pas grande chance, Pékin comme Moscou restant susceptibles d’opposer leur droit de véto, d’un côté, et, de l'autre, le monde arabe ne pouvant livrer à la vindicte le premier responsable de l’un de ses pays.

Comme il fallait s'y attendre, le premier pays à réagir à la décision du procureur de la CPI est naturellement l'Algérie.

Par la voix de son ministre des A.E., Mourad Medelci, le gouvernement en appelle à ses pays frères, d'une part, et à la Russie et la Chine, d'autre part, pour faire barrage, au niveau du Conseil de sécurité, à l'initiative de la Haye.

Il craint, semble-t-il, que les poursuites exercées contre Omar el-Bachir ne constituent un précédent grave. Il est vrai que les tueries de Tizi-Ouzou non encore jugées peuvent faire l'objet d'un dépôt de plainte à la Cour pénale internationale, puisque le régime en place continue absurdement de faire la sourde oreille aux sollicitations des familles de victimes. Il est vrai aussi que 7000 familles revendiquent toujours sans succès que justice soit faite dans l'enlèvement, la séquestration et sans doute la mort de l'un des leurs par les autorités militaro-policières engagées dans la lutte contre le terrorisme, durant la dernière décennie. L'ONU elle-même ne cesse de rappeler Alger au devoir de faire la lumière sur le sort réservé à ces disparus. Ce n'est donc pas un quelconque sentiment de justice ou d'équité qui fonde cette sortie prévisible du gouvernement algérien.

A coup sûr, les frères arabes ne manqueront pas de se joindre à lui, chacun d'eux ayant, lui aussi, un ou plusieurs dossiers de même type à couvrir.

Le mandat d'arrêt international vient d'être lancé, aujourd'hui même, par la Cour pénale internationale, contre le président Omar el-Bachir, président en exercice du Soudan.

Ce dernier est poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour, théâtre d'un conflit où 300 000 morts ont été dénombrés, selon l'ONU, contre seulement 10 000 soutient le régime soudanais. 2,7 millions de personnes ont été par ailleurs déplacées à cause de ce conflit et l'on estime à 100 000 environ le nombre d'entre elles qui ont péri par suite dans les camps de réfugiés à cause de la faim et du manque de soins.

Le dirigeant inculpé rejette naturellement cette décision qu'il considère nulle et non avenue. Il a ordonné l'expulsion immédiate de toutes les ONG activant au Darfour.

La C.P.I. enquêtait sur l'affaire du Darfour depuis 2005, en vertu d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Elle a mis en garde l'inculpé qu'il peut être arrêté n'importe où et n'importe quand s'il venait à quitter son pays, chaque Etat étant tenu d'exécuter une décision relevant de l'ONU.

C'est désormais un vrai bras de fer qui s'engage à propos du mandat d'amener publié par la C.P.I. Si les principales puissances occidentales applaudissent cette décision, il n'en va guère de même du côté russe, arabe, africain et surtout chinois.

Pékin s'est même déclaré opposé à semblable extrémité qui ne manquera pas de déstabiliser le Soudan en première ligne et nombre d'autres pays africains, ensuite. Il a saisi le Conseil de sécurité pour l'inviter à suspendre cette procédure et invité ses membres à entendre les objections des pays arabes et africains.

La Chine, qui a investi largement dans le domaine pétrolier au Soudan, est accusée par ailleurs de fournir des armes à ce pays et de faire la sourde oreille aux appels de la communauté internationale l'invitant à peser de tout son poids pour faire cesser les violences exercées au Darfour.

La Commission de l'Union africaine n'est pas restée non plus impassible devant la mesure prise par la C.P.I.. Par la voix de son président, Jean Ping, elle se dit indignée de la discrimination faite jusqu'ici dans le traitement des problèmes internationaux : "« Nous constatons que la justice internationale ne semble appliquer les règles de la lutte contre l'impunité qu'en Afrique comme si rien ne se passait ailleurs, en Irak, à Gaza, en Colombie ou dans le Caucase », a-t-il été déclaré.

L'Egypte et la Russie, de leur côté, craignent que cette initiative de la CPI ne crée un "dangereux précédent" pouvant se traduire par des conséquences négatives tout particulièrement au Soudan.

« J'ai un message pour toutes les missions diplomatiques présentes au Soudan, les organisations non gouvernementales (ONG) et les Casques bleus. Ils doivent respecter les lois locales sinon ils seront expulsés du pays sur le champ», a répondu Omar el-Bachir à l'appel qui lui a été adressé de revenir sur la décision d'expulser les organisations humanitaires du Soudan, en représailles au mandat d'arrêt international lancé contre lui.

Omar el-Bachir a même précisé à ce sujet que les autorités de son pays allaient assurer le relais de ces organisations pour prendre en charge les populations en détresse du Darfour.

Mais, apparemment, ces dernières ne sont pas confiantes dans la capacité du régime soudanais de réaliser ce qu'elles avaient fini, elles, par maîtriser au bout d'une longue expérience.

Comme on pouvait s'y attendre, Alger, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Medelci, a "rejeté catégoriquement" le mandat de la CPI lancé pour l'arrestation d'Omar el-Bachir du Soudan.

Le ministre a considéré ce mandat "injuste", estimant qu'il constitue une "véritable menace pour la paix, la sécurité et la stabilité au Soudan", en déplorant qu'il relève "de la politique de deux poids deux mesures dans le traitement des crises".

Rejoignant les déclarations d'autres Etats, Medelci a souligné "le soutien de l'Algérie aux positions des Etats arabes et musulmans ainsi qu'à celles des autres Etats étrangers rejetant le mandat d'arrêt émis par la CPI contre le président soudanais".

Il a enfin exprimé son souhait que "la campagne internationale de soutien" au président soudanais influe sur les membres du Conseil de sécurité de l'ONU pour les amener "à annuler la décision de la CPI".

Les propos de Medelci ne traduisent, en réalité, que la préoccupation des dirigeants d'Alger devant le précédent que risquent de constituer les poursuites exercées contre le président soudanais. Deux affaires portées par-devers le tribunal de la Haye risquent en effet de suivre le même tracé que les massacres du Darfour. D'une part, les milliers de disparus algériens de la décennie quatre-vingt-dix ; d'autre part, l'assassinat resté impuni des 120 manifestants kabyles de 2001 à Tizi-Ouzou constituent deux sujets gravissimes pouvant motiver l'intrusion de la CPI dans les affaires algériennes et déboucher de même sur d'autres mandats d'arrêt internationaux.

"La décision du gouvernement du Soudan est une décision souveraine et légitime sur laquelle nous ne reviendrons jamais, et cela ne doit pas faire l'objet de discussions", a déclaré le délégué soudanais à l'ONU, Mohamed Youssif Abdelmannan. Par cette mise au point, le Soudan répond donc principalement aux pressions exercées, à travers l'ONU, par la représentante américaine, Susan Rice.

Celle-ci déclarait en effet, lors d'une réunion du Conseil de sécurité : "Nous appelons la communauté internationale à faire pression sur le gouvernement du Soudan pour qu'il revienne sur l'expulsion et pour qu'il ne fasse rien qui aggrave encore la situation", avant d'ajouter : "Le président Bachir a provoqué cette crise. Il doit réparer immédiatement". "Le président soudanais Omar Al-Bachir doit être tenu responsable de chaque mort dans les camps du Darfour, d'où il a décidé d'expulser treize des plus importantes ONG internationales".

Sans l'intrusion calculée de Bush dans cette question épineuse, pour défendre des intérêts américains de toute évidence, le Darfour, problème créé dans les années soixante, resterait toujours relégué aux oubliettes. L'odeur du pétrole découvert dans la région avait piqué si fort les narines de l'ancien président américain qu'il aurait sans doute été capable d'y envoyer une expédition militaire, juste pour mettre le grappin dessus, comme il l'a fait en toute impunité à Bagdad. Quant aux malheureux soudanais souffrant dans cette région, c'est bien le diable que le cow-boy texan, d'ordinaire si inhumain et si sanguinaire, s'en intéresse vraiment.

Assez d'hypocrisie !

La visite qu'a effectuée Omar el-Bechir au Caire sonne comme une espèce de défi à la CPI qui a émis un mandat d'arrêt international à son encontre.

Hosni Moubarak l'a reçu avec tous les honneurs dus à sa fonction. Mieux, le président égyptien se considère non lié par les résolutions de la Cour pénale internationale, n'ayant pas apposé sa signature sur le traité de Rome qui l'a fondée.

Pourtant, l'Egypte est, dans le monde arabe, le partenaire le mieux placé des USA et de la France qui sont à l'origine de l'émission du mandat lancé contre el-Bechir. Hosni Moubarak est, d'autre part, le vice-président de l'Union pour la Méditerranée, le "machin" créé l'an passé par Sarkozy et qui prend apparemment toutes les allures d'un organe mort-né.

En plus d'avoir des liens très étroits avec l'Egypte sous le drapeau de laquelle il a servi lors de la guerre de 1973, el-Bechir devrait aux services spéciaux de ce pays d'être monté à la tête du Soudan.

Pour le Caire, en vérité, l'intérêt de préserver la cohésion de ce dernier, et donc sa sécurité nationale, ainsi que la bonne qualité des rapports établis de longue date avec Khartoum, prime sur des considérations politiciennes de second plan de Washington ou de Paris.

Il semble, enfin, que l'invitation d'el-Bechir en Egypte soit motivée par le besoin d'écarter sa présence au sommet de Ligue arabe, prévu lundi prochain au Qatar, pour donner tout leur sens aux résolutions de ce dernier consacré à la Palestine. Autrement dit, Moubarak veut surtout éviter que l'attention ne se focalise alors sur el-Bechir aux dépens du problème palestinien, beaucoup plus préoccupant et urgent.

El-Bechir, contrairement aux supputations des agences de presse, est arrivé ce matin à Doha, dans l'intention de participer aux travaux du sommet de la Ligue arabe prévu à partir de demain au Qatar.

Comme au Caire, le président soudanais a été reçu avec tous les honneurs, sur le tarmac de l'aéroport international de Doha, par l'émir Cheikh Hamad ben Khalifa Al-Thani.

C'est le quatrième voyage à l'étranger que réalise ainsi le chef d'Etat soudanais, placé pourtant sous le coup d'un mandat d'arrêt international délivré le 4 mars dernier par la CPI.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki Moon, est également attendu dans la capitale du Qatar pour participer au sommet arabe. Sa présence au côté d'Omar el-Bechir semble, au demeurant, ne le gêner en rien : "Le Soudan est un pays membre des Nations unies alors que la Cour pénale internationale est un organisme judiciaire indépendant qui n'interdit pas à l'ONU de traiter avec le Soudan", a déclaré a la presse un responsable de l'ONU, sous le couvert de l'anonymat.

Les pays arabes et même tous les Etats d'Afrique considèrent, d'ailleurs, qu'ils ne sont en rien tenus à l'exécution du mandat d'amener en question, provenant de surcroît d'un tribunal formé par les seuls Occidentaux et dont ils n'ont jamais approuvé la création. L'un comme l'autre, en effet, chaque chef d'Etat peut être poursuivi pour une raison ou une autre, tant ils font tous fi de la notion des droits de l'homme quand ce n'est pas tout simplement de la morale élémentaire.

Le président du Malawi Bingu wa Mutharika, président de l'Union africaine, a affirmé, dimanche à Kampala à l'occasion d'un sommet, que l'inculpation d'Omar el-Béchir, président du Soudan, pour génocide au Darfour, "porte atteinte à la paix et à la sécurité en Afrique".

Le président de l'U.A. a tenu à préciser : "Mettre un chef d'Etat en exercice sous le coup d'un mandat d'arrêt porte atteinte à la solidarité africaine, ainsi qu'à la paix et à la sécurité en Afrique pour lesquelles nous nous sommes battus pendant des années".

Les pays membres de l'U.A. ont déjà fait savoir qu'ils n'avaient pas l'intention de répondre aux différents mandats d'arrêts pris contre el-Bechir et déplorent que la C.P.I. limite les poursuites qu'elle exerce aux seuls responsables africains.

Apparemment, ils n'ont pas tort, puisque des chefs d'Etat de pays occidentaux, comme les USA, le Royaume uni, mais aussi Israël et tant d'autres n'ont jamais été seulement désignés à la vindicte publique pour les tueries aveugles, les tortures et tous les autres débordements qui les accusent, durant déjà la seule décennie en cours.

Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne, a interpellé le Kenya au devoir d'arrêter Omar el-Béchir, en visite actuellement chez lui à l'occasion de la promulgation de la nouvelle constitution. L'on sait que le président soudanais est sous le coup de deux mandats d'arrêt internationaux émis par la C.P.I. (Cour pénale internationale) pour génocide et crimes de guerre au Darfour.

"La Haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères est préoccupée par la visite du président Omar el-Béchir au Kenya, un pays qui a ratifié le statut de Rome instituant la CPI", indique un communiqué de ses services.

"Elle rappelle fermement qu'il importe que tous les Etats membres de l'ONU respectent l'application des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité de l'ONU (...) Elle demande instamment au Kenya de respecter ses obligations de droit international et d'arrêter et de remettre au tribunal les personnes inculpées par la CPI", est-il également écrit dans le même communiqué.

Apparemment, la diplomate européenne semble ne faire cure de la résolution prise à ce sujet, en assemblée générale, par l'U.A., lors de sa dernière session. L'organisation continentale s'était pourtant dite non intéressée par les états d'âme de l'UE comme des États-Unis à propos des débordements pouvant être reprochés à des dirigeants africains et ce tant que le Conseil de sécurité se drape faussement de la couverture de la communauté internationale pour imposer sa loi sur la planète, en faisant abstraction totale des actes plus graves encore commis par certains États de la sphère occidentale. L'exemple d'Israël qui se moque totalement de la légalité internationale est toujours là pour apporter la preuve des penchants inacceptables de cet Occident borgne. S'il fallait citer un autre exemple, les Africains pourraient viser Washington en premier, pour ses multiples tueries aveugles perpétrées régulièrement par drones sur des territoires libres et indépendants comme ceux du Pakistan et du Yémen, au prétexte que ses forces sont à la chasse des terroristes. Que de victimes innocentes de telles attaques ont causées sans jamais susciter la moindre réprobation ni de l'U.E. ni même de la Russie, du Japon ou de la chine.