L'UPM s'imposera-t-elle vraiment, rien n'est moins sûr

Ces dernières semaines, le projet de l'Union pour la Méditerranée initié par Sarkozy, à mesure que se rapproche la date du sommet prévu pour le 13 juillet à Paris, semble buter sur des obstacles de plus en plus difficiles à surmonter.

S'il est vrai que des pays comme l'Egypte, le Maroc ou la Tunisie n'ont témoigné jusqu'ici d'aucune réserve sérieuse qui jette quelque ombre sur leur adhésion, d'autres, comme l'Algérie, la Libye et la Syrie, du côté sud, ne partagent pas en vérité la vision de Sarkozy qui voudrait prendre le pas sur d'autres initiatives antérieures, assez dignes d'intérêt, comme le processus de Barcelone. Ces trois pays cités, pour des considérations politiques qui leur sont chères, se disent peu disposés à s'associer dans un semblable projet qui place d'ores et déjà Israël en pole position, ce même pays qui massacre sans discontinuer des populations palestiniennes.

Mais, d'autres pays de la rive nord, qui appartiennent certes à l'Europe mais sont loin de la rive méditerranéenne, ne partagent pas non plus l'opinion de Sarkozy et de quelques-uns de ses collègues. C'est le cas du Royaume uni et de la Hollande que rebute la participation au financement de l'opération. C'est aussi le cas de la Pologne qui préfère que l'Europe fasse plutôt l'effort de se rapprocher de l'Ukraine au lieu de la rive sud de la Méditerranée.

C'est pourquoi, aujourd'hui même, la Commission européenne vient-elle de proposer une série de projets à inscrire au nombre des ambitions de l'UPM, même si, du moins en partie, ils contreviennent aux idées retenues par Sarkozy. On lit, en particulier, la création d'une autoroute reliant les cinq pays d'Afrique du nord, depuis la Mauritanie jusqu'en Libye, la dépollution de la Méditerranée, le développement de l'énergie solaire ou encore la coopération en matière de protection contre les catastrophes naturelles. Enfin, l'UE souhaite que l'UPM s'intéresse à la modernisation des infrastructures portuaires pour répondre au besoin de développement du commerce entre les rives nord et sud.

Quand l'on additionne donc toutes ces réticences pour les placer dans l'environnement de Sarkozy, qui se noie déjà dans d'insolubles problèmes autrement plus épineux dans son propre pays, l'on peut raisonnablement douter de l'issue du prochain sommet devant consacrer le lancement de son cher projet.

Ne serions-nous pas - ici et maintenant - uniquement dans une problématique purement étatique et strictement politicienne ?

L'interpénétration des populations, au sein des territoires du Nord (notamment) et des territoires du Sud (moins perceptible) de la Méditerrannée n'a jamais été aussi importante.

Certes, il n'est pas là question d'échanger des investissements industriels contres des approvisionnements en hydrocarbures ni même contre de simples produits plus courants.

Là n'est pas seulement la question du containment des migrations issues du Sud avec la perspective l'intégrer le Nord pour s'y fondre plus ou moins et plus ou mons longtemps.

De quoi parlons-nous ?

Uniquement des rapports diplomatiques ?

Uniquement des accords économiques ?

Ne serions-nous pas déjà entrer dans le secteur des échanges culturels ?
Des échanges interpersonnels ? Des échanges interfamiliaux ?

Cette fois, tout semble vérifier la thèse selon laquelle Bouteflika boude sérieusement ce projet d'UPM si cher à Sarkozy.

toutsurlalgerie annonce la visite prochaine du président algérien à Paris, deux semaines environ avant le sommet devant consacrer le lancement de cette Union.

L'invitation à la visite lui a été remise par Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur. Kouchner, lors de son dernier passage, a tenté à son tour de lever sans succès les objections de Bouteflika. C'est à Sarkozy, à présent, de tenter dans un dialogue en tête à tête avec le président algérien de le convaincre de l'importance de l'enjeu attendu de cette assemblée et surtout du rôle que l'Algérie peut y jouer.

Alger, qui a officiellement annoncé son intention de se faire représenter par un ministre à ce sommet, entend ainsi notamment marquer son désaccord profond sur la distribution des postes déjà faite par Sarkozy à l'occasion de ses rencontres avec Mubarak, Mohamed VI et Benali. De plus, la question saharienne restant au centre de ses préoccupations, le président algérien veut ainsi amener Français et Espagnols devant leurs responsabilités, puisque c'est surtout sur eux que s'appuie le Maroc pour s'accrocher mordicus au plan d'autonomie du Sahara occidental dont il vante les mérites en toute occasion.

L'UPM étant enfin une perspective inenvisageable sans l'Algérie, placée géographiquement au coeur des territoires concernés, il y a apparemment de fortes chances que des solutions de compromis finissent par arrondir les angles des deux côtés.

Le Maroc, selon une dépêche de l'AFP reprise par le journal Le Soir d'Algérie dans sa publication d'aujourd'hui, semble prendre très au sérieux sa participation active à l'UPM.

Ainsi, prévoit-il, sous la houlette d'André Azoulay, conseiller de Sa Majesté, l'organisation de colloques internationaux, entre les 4 et 6 juin prochain, dans les villes de Fès et Tanger. A ces rencontres, seront débattues les principales questions politiques, économiques, culturelles, etc., touchant à l'UPM pour tenter d'en évaluer d'ores et déjà les obstacles et les contraintes notamment humaines pouvant freiner le processus.

Il faut là souligner l'empressement du royaume à obtenir son inscription au rang des pays privilégiés qu'il convoite toujours et de longue date déjà auprès de l'Union européenne. Et si la France est appelée à présider, pendant le second semestre prochain, aux destinées de cette dernière, Rabat est naturellement dans son vif intérêt de caresser dans le sens du poil ce projet d'UPM si cher à son initiateur Sarkozy.

C'est en principe aujoud'hui que les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l'U.E. doivent examiner l'initiative conjointe de la Pologne et de la Suède demandant à leurs partenaires de renforcer leurs liens avec l'Ukraine, la Moldavie, la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan.

Bien que l'on ne sache rien encore du contenu de ce projet, certaines indiscrétions laissent entendre que l'on vise principalement la suppression des visas de tourisme, la mise en place de zones de libre-échange pour les services et les produits agricoles et la refonte enfin de la réglementation en vigueur sur le sujet.

"Nous pensons que ces pays doivent faire partie de la famille européenne", a déclaré par téléphone à l'AFP le ministre polonais des Affaires européennes, Mikolaj Dowgielewicz, qui ajoute : "Il est dans l'intérêt de l'Union de les aider. La Pologne aimerait que des accords de libre-échange soient conclus avec tous ces pays."

Semblable initiative vient rappeler au besoin les préoccupations divergentes des différents Etats composant l'U.E. Les rapports de voisinage et les échanges pouvant s'exercer entre des pays riverains peuvent, en effet, influer considérablement sur des projections qu'ils voudraient plus larges.

Une réunion des ministres des Affaires étrangères du Forum méditerranéen (Formed) s'est tenue aujourd'hui à Alger, dans le cadre d'une première approche du projet français de l'UPM.

Selon les médias, elle s'est achevée sur un désaccord profond qui est lié à la présence d'Israël dans cette union. Tout particulièrement, le ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a suspendu la participation de son pays aux éclaircissements attendus de Paris à propos de la participation de Jérusalem. Pour lui : «Ce n'est pas l'UPM qui doit faire la normalisation (des relations) entre Israël et les pays arabes, à laquelle n'était pas parvenu le processus de Barcelone. » Autrement dit, il n'est pas question que l'on se serve de cette union pour forcer la main aux Arabes à l'effet de reconnaître Israël, chose que n'a pu obtenir en son temps le processus de Barcelone. Il appartient aux Arabes seuls de décider de l'avenir de leurs rapports avec Israël, lesquels sont conditionnés par l'évacuation préalable des territoires palestiniens occupés par l'Etat hébreu.

Les prochains jours nous diront si Sarkozy, en déclarant : « S’il devait en manquer un ou deux (comme pays participants à l'UPM) , eh bien, nous verrons bien », peut se dispenser de la présence algérienne, et même libyenne, à son UPM.

Le sommet, prévu le 13 juillet à Paris, pour le lancement de l’UPM devra se contenter de la présence du prince Moulay Rachid, à la place du roi du Maroc, celui-ci s’étant déclaré empêché à cette date. Certes, Toutsurlalgerie.com, qui donne cette information, pense que la présence d’Israël à cette assemblée motiverait du moins en partie la défection du souverain chérifien. Mais, en vérité, les raisons doivent être recherchées ailleurs, Rabat s'étant toujours fait fort d'entretenir de manière continue et à peine voilée des relations bilatérales assez consistantes avec l'Etat hébreu.

Ce journal électronique ajoute que la présence de Kadhafi et de Bouteflika est considérée comme exclue d’ores et déjà. Mais, en ce qui concerne l’Algérie, son absence à ce sommet ne doit pas être interprétée comme l'expression de son opposition formelle à ce forum. Alger entend préserver la nature presque privilégiée de ses relations avec Paris. La visite prochaine de Fillon, le Premier ministre français, y est d'ailleurs toujours attendue avec intérêt, puisque l’on s’active à la préparation des contrats commerciaux devant être signés à cette occasion.

De plus, ajoute ce journal, la main tendue de Sarkozy à la Syrie pour l’intégrer à ce sommet n’est pas étrangère au besoin de combler, par un pays directement engagé dans le conflit israélo-arabe, le vide ainsi créé en Afrique du nord. Sachant, il est vrai, que Damas est en ce moment en pleines négociations séparées avec l’Etat hébreu, par l’intermédiaire d’Ankara, les chances de rétablir la paix entre les deux pays belligérants doivent être exploitées à fond. Et l'assemblée de l'UPM en offre une occasion de choix qu'Assad pourrait saisir pour reprendre sa place dans le concert des nations.

C’est par l’entremise de Sarkozy que Bouteflika annonce son intention de s’associer à la réunion de l’UPM prévue le 13 juillet à Paris. "Le président Bouteflika m'a demandé de rendre publique sa réponse. Il sera présent à Paris pour le sommet de l'Union pour la Méditerranée", a déclaré le président français à l'issue d'une rencontre à Toyako (Japon) du G8 à laquelle des dirigeants africains, dont Bouteflika, étaient conviés.

A l’UPM une quarantaine de chefs d’Etats et de gouvernements sont attendus pour donner corps au projet cher à Sarkozy de l’Union pour la Méditerranée. Et seul Mouammar el-Kadhafi semble avoir décliné l’invitation.

Quant au président algérien, il ne peut se passer du forum que lui offre ce rassemblement pour tenter de faire accréditer sa candidature à un « troisième mandat » auprès de ses voisins tout particulièrement, sachant pertinemment que le peuple algérien la rejette. Il essaiera donc de trouver à l'extérieur l'aval lui manquant pour continuer de présider aux destinées de son pays...

Pour la première fois dans l'histoire, Bachir Al-Assad, président syrien, et Ehud Olmert, Premier ministre israélien, se sont retrouvés à la même table pour discuter du projet de Sarkozy mais en même temps pour tenter de contenir le gros des différends qui les opposent jusqu'ici. De ce côté-là déjà, un grand pas semble avoir été fait, puisque le Syrien vient de déclarer aux journalistes qu'il serait heureux que la paix s'établisse et que des relations diplomatiques s'installent entre Damas et Jérusalem. Autrement dit, il est temps d'en finir avec l'état de belligérance qui caractérise les rapports des deux pays ennemis depuis 1948.

D'un autre côté, Olmert et Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, se disent tous deux confiants d'établir bientôt un accord de paix qui mettra fin aux hostilités qui endeuillent les deux pays.

Sarkozy, en réussissant à réunir tous ces protagonistes dans un but pourtant autre, peut s'estimer heureux d'avoir peut-être enclenché le vrai processus de paix tant attendu au Proche Orient.

L'Union pour la Méditerranée, projet si cher à Sarkozy, bat aujourd'hui vraiment de l'aile, constate-t-on, parfois avec tristesse, des deux côtés de la Méditerranée.

L'agression israélienne sur Ghaza du mois dernier a signé en vérité la rupture de tout rapprochement entre Israël et les pays arabes. Et Sarkozy pourra vanter tout son soûl les bienfaits d'une union mort-née, il ne réussira en tout cas jamais à ressouder la fracture créée, dans l'indifférence générale en Europe, par les derniers bombardements très meurtriers et aveugles de Tel-Aviv sur des populations civiles.

Bien sûr, il se trouvera toujours des flatteurs du genre Mohamed VI du Maroc ou Hosni Moubarek d'Egypte qui voudraient tirer le plus grand profit principalement économique de cette union décrédibilisée, mais ils seront bien les seuls à soutenir un projet désormais condamné à rejoindre les oubliettes.

De plus, si Sarkozy a tenté de donner vie à une idée allant dans le sens évidemment des intérêts immédiats de la France et de l'U.E., cela se passait juste avant l'éclatement de la crise internationale qui remet en cause tous les équilibres mondiaux. Aujourd'hui, chacun est à la recherche d'une solution miracle pouvant le tirer d'affaire, du moins pour ce qui est de l'immédiat. Il n'y a donc point de projection à faire à moyen terme et moins encore à long terme, tant que la menace ne révèle pas ses véritables limites.

D'ailleurs, ne perd-on pas de vue en même temps tout le processus de la mondialisation, à l'heure où chacun se démène à trouver sa propre sortie du bourbier ?