"A part les pertes humaines et les dégâts matériels, comment va le pays ? avait interrogé Sir Winston Churchill autour de lui, à la suite des désastreux bombardements causés à Londres par l'aviation nazie.
- Il va bien, sauf que ces dégâts…
- Non, interrompit Churchill, je parle de la Justice.
- La Justice va bien, votre excellence.
- Dans ce cas, je peux dormir tranquille… "
Pour protester contre les atteintes à la liberté d’exercice de leur métier, les avocats algériens se mettent aujourd’hui en grève, sur l’ensemble du territoire national.
La comparution, aujourd’hui même, devant le tribunal de Remchi, de leur confrère, Chatri, du barreau de Tlemcen est la goutte qui fait déborder le vase. Pour avoir voulu intenter, au nom de son mandant, des poursuites contre une juge qui se serait rendue coupable de faux, cet avocat, tel l’arroseur arrosé, s’est trouvé vite embringué dans des poursuites engagées contre lui-même par le parquet général.
Il faut dire aussi que les avocats n’ont eu jusqu’ici que de multiples raisons de se plaindre des diverses restrictions, sinon du peu de considération qui sont devenus leur lot quotidien. C’est à croire que pour mieux régenter le peuple à leur guise, il ne manque aux dirigeants du pays que d’asservir les défenseurs de justice, dernier rempart existant contre les débordements de toute sorte qui sont de longue date déjà l’apanage du pouvoir politique. Cela explique d’ailleurs la raison d’être du projet de loi portant statut de l’avocat, concocté en 2001, par les services d’Ouyahia, alors ministre de la Justice, qui, à l’époque, avait soulevé d’ailleurs la réprobation générale du corps concerné.
Si la charge des magistrats a été multipliée ces dernières années, au point de leur faire traiter 140 à 200 dossiers par audience, en moyenne, la défense déclare ne pas accepter plus longtemps une justice aussi expéditive qui empiète dangereusement sur ses droits.
Les avocats considèrent, en tout cas, qu’ils restent vaille que vaille et à jamais partie prenante dans les réformes quelles qu’elles soient ayant trait à la justice, aux droits de la défense, au statut des avocats et à la liberté d’exercer librement leur métier. Il faut absolument redonner à la justice ses lettres de noblesse, considère-t-on, si l’on veut vraiment s’acheminer vers un Etat de droit.