zdnet.fr - 23.10.2014
Par Olivier Chicheportiche |
Avis d'expert : Selon une vaste étude menée par la Hadopi, seulement un tiers des lecteurs numériques ont acheté au moins un livre électronique au cours des 12 derniers mois. Ils sont jugés trop chers, ce qui favorise mécaniquement le piratage.
Si les Américains ont clairement pris le virage du numérique pour la consommation de livres (sur Amazon, les ventes de ebooks sont supérieures à celles d'ouvrages classiques), en France, le papier fait bel et bien de la résistance.
Ainsi, selon une vaste étude menée par l'Ifop pour le département Recherche et Veille de la Hadopi, seulement 11% des Français sont des lecteurs de livres numériques, champs englobant les romans, les livres pratiques, scolaires mais aussi et surtout les bandes-dessinées et les mangas. C'est un avant-tout un homme de 15-24 ans, plutôt CSP+.
L'étude souligne que la consommation de livres électronique relève plus du hasard que d'une réelle volonté. "L’arrivée au numérique se fait le plus souvent par opportunité. Le support (un smartphone, une tablette...) constituant notamment une porte d’entrée importante vers la lecture sur ce format", peut-on lire.
D'ailleurs, le principal support pour lire des e-books n'est pas la liseuse (24% des sondés) mais la tablette (37%) ou le PC portable (33%). 74% des lecteurs lisent
sur un seul appareil.
Trop chers
Autre indicateur pas vraiment rassurant pour les éditeurs, 71% des lecteurs de livres numériques se les procurent le plus souvent ou exclusivement gratuitement. 20% seulement téléchargent aussi bien des titres gratuits que payants et 9% le plus souvent de manière payante.
"La consommation gratuite correspond à une population peu lectrice qui considère le livre numérique comme une opportunité de découvrir des ouvrages à moindre frais et non comme une activité à part entière", peut-on lire dans l'étude. Au global, 26 euros sont dépensés en moyenne par lecteur au cours des 12 derniers mois.
Le prix des e-books constitue évidemment le principal frein. La gourmandise des éditeurs plombe le marché avec des tarifs numériques identiques voire supérieurs parfois aux versions papier ! 59% des lecteurs considèrent que les livres numériques sont chers (13% déclarent qu'ils sont "vraiment chers"). La profondeur du catalogue représente également un des obstacles à l'achat.
Du coup, la part des contenus illégaux est importante. Comme à l'époque des MP3 musicaux vendus au prix fort, les lecteurs se tournent vers les plates-formes illicites. 23% des lecteurs y ont recours de temps en temps, 11%, souvent, soit une part globale de 34%. "Un offre chère légitimant le sentiment de s'organiser voire de se défendre face à une offre inadéquate", peut-on lire. 41% des utilisateurs de moyens illégaux expliquent que leur première motivation est le prix.
La fâcheuse habitude des éditeurs à truffer les ebooks de DRM (verrous techniques bridant l'interopérabilité) est, pour 45% des sondés, un frein pour la consommation des livres numériques. Encore une fois, la ressemblance avec le marché de la musique numérique à ses débuts est troublant. Trop cher, trop verrouillé, catalogue trop réduit...
Faudra-t-il autant de temps pour que les géants du livre acceptent d'assouplir ce marché pour enfin le faire décoller ?
(http://www.zdnet.fr/actualites/e-book-les-francais-privilegient-le-gratuit-et-l-illicite-39808325.htm)