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par André Larané
En 1664, sur ordre du jeune roi Louis XIV, un corps expéditionnaire français tente de prendre pied à Jijel, en petite Kabylie, afin de mettre fin au piratage barbaresque. L'expédition débouche sur un fiasco complet sur lequel le Roi-Soleil veillera à imposer un pudique silence...Gravure d'époque représentant le débarquement français à Djidjelli (alias Gigeri)L'expédition est placée sous le commandement du duc de Beaufort, cousin du roi. Sous ses ordres, le comte de Gadagne dirige l'armée et le chevalier Paul la flotte. Il est secondé dans ce rôle par Abraham Duquesne.
Les Français pénètrent sans difficulté dans la ville kabyle mais heurtent très vite les sentiments de la population en occupant un marabout (lieu saint) et un cimetière. Les habitants, remontés, entrent en résistance et multiplient les escarmouches contre l'occupant. Ils reçoivent le soutien de janissaires venus d'Alger.
Dans le camp français, des dissensions se font jour entre le duc de Beaufort et le comte de Gadagne. Le 22 octobre, le premier est rappelé en France par son royal cousin. Dans le même temps arrivent de Toulon quatre vaisseaux chargés de ravitaillement et de troupes de renfort, sous les ordres du marquis de Martel.
Mais c'est trop tard. Assiégés dans la ville de Jijel, les Français prennent le parti de se retirer. C'est chose faite le 31 octobre 1664.
Parmi les navires du marquis de Martel, qui embarquent à la hâte les rescapés du siège, figure un grand et vieux vaisseau, La Lune. Il se présente le 5 novembre en rade de Toulon, surchargé par près d'un millier d'hommes et faisant eau de toutes parts.
À Toulon, son arrivée met en lumière le fiasco de Jijel. Pour calmer les humeurs de l'opinion, l'Intendant général de la Marine prend prétexte d'une épidémie de peste pour ordonner à La Lune de se rendre en quarantaine aux îles d'Hyères voisines.
Le rafiot n'a pas le temps d'y arriver. Il se casse littéralement en deux et coule d'un bloc avec ses passagers et son équipage à l'extrémité de la rade de Toulon. On recense tout au plus quarante survivants parmi lesquels le capitaine du navire, le commandeur de Verdille (80 ans), qui a pu s'agripper à une planche.
Menée à bien en 2013, l'exploration archéologique du vieux vaisseau a fourni de précieuses indications aux historiens sur la marine du Grand Siècle.
(http://www.herodote.net/31_octobre_1664-evenement-16641031.php)---
Annexes *
Lettre de Louis XIV au comte de Gadagne (12 septembre 1664)« AU COMTE DE GADAGNE.
Vincennes, le 12 septembre 1664.
Monsieur de Gadagne, j'ai vu, par votre lettre du 25 d'août, le détail de ce qui s'est passé dans le trajet de mes troupes et depuis leur descente en Afrique. Je vous avoue que je n'avois point ouï parler de Bugie dans les termes que vous m'en parlez, et je veux croire avec vous qu'on y auroit pu réussir: mais comme c'est une chose faite, il ne faut plus penser maintenant qu'à s'établir à Gigeri; car j'y suis fort résolu, et je prétends en venir à bout, à quelque prix que ce soit. C'est pourquoi, et vous et tous les officiers se doivent mettre dans l'esprit que la chose réussira; qu'il n'y a qu'à prendre patience, et à faire travailler avec application, empêchant aussi avec soin la dissipation des outils et des autres choses de cette nature qui, bien que de peu de valeur, sont tout à fait nécessaires à la conservation de ce poste.
Sur-tout, il faut bien étudier le terrain des environs, afin de reconnoître les endroits d'où vous pourrez avoir du bois avec moins de peine et de péril.
Les cent chevaux que je vous envoie vous en faciliteront les moyens; et de plus, j'ai donné ordre que vous ayez quelques charrettes, tant pour voiturer le bois, après qu'il sera coupé, que pour servir à tel autre usage que vous jugerez à propos.
Je suis très-aise de ce que vous me mandez des bonnes intentions de toutes les troupes en général, n'ayant point de plus grand plaisir, que d'entendre leurs louanges: vous pouvez témoigner à d'Arci, à Cauvisson et aux autres qui furent détachés à la dernière occasion, que je sais ce qu'ils ont fait, et que je me souviendrai d'eux.
Vous pouvez témoigner aussi au régiment de Normandie, la satisfaction que j'ai de tout le corps, et dire en particulier à Cadaillan, que je suis fort content de lui.
Je ne suis pas surpris de voir, que mes compagnies des Gardes s'offrent à faire toutes choses pour me servir et me plaire, sans trouver rien de difficile; car je n'attendois pas moins de leur affection, après ce que j'ai écrit; et même je suis persuadé qu'elles le feront de bon cœur et avec moins de façon, que celles du dernier corps qui soit à mon service. Aussi vous les assurerez du gré que je leur en sais, et continuerez au surplus à me mander en détail, les actions que chacun fera pour signaler son courage ou son zèle dans les rencontres, afin que je puisse traiter chacun selon son mérite.
Cependant, comme je sais qu'il y a quelques officiers qui ne règlent pas leurs discours selon mes intentions, il est bon de les avertir que j'en suis bien informé, et qu'ils ne peuvent mieux faire pour mon service ni pour eux-mêmes, que de réparer le passé par une conduite toute contraire. Après avoir entretenu ceux qui viennent du lieu où vous êtes, j'ai trouvé tous leurs rapports uniformes sur ce point-là : ils m'ont dit beaucoup d'autres choses qui ne s'accordent pas de même; mais je saurai bien dans la suite discerner la vérité, par les actions et les discours de ceux qui restent à Gigeri : et me remettant au surplus à ce que j'ai commandé aux sieurs le Tellier Page d'aide sur l'homonymie et Colbert Page d'aide sur l'homonymie d'écrire, soit à Charuel ou au chevalier de Clerville, je prie Dieu, etc.14. »
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Lettre de Louis XIV au duc de Beaufort (12 novembre 1664)« AU DUC DE BEAUFORT.
Paris, le 12 novembre 1664.
Mon cousin, le sieur de la Roche m'a rendu votre lettre et expliqué de vive voix le détail de la dernière attaque de la redoute de Gigeri ; à quoi j'ai pris beaucoup de plaisir, non seulement pour le succès d une action si glorieuse, mais aussi pour le bonheur que vous avez eu de couronner votre séjour en ce pays-là par un service de cette importance, et même pour le nouveau lustre qu'une blessure aussi favorable que celle que vous avez reçue, ajoute à votre valeur: vous croyant maintenant en Provence, et peut-être déjà parti pour vous rendre auprès de moi, il seroit superflu de vous faire plus longue lettre ; je pourrai m'entretenir plus commodément avec vous à votre arrivée ici, et il me suffit par avance de vous dire, que je suis entièrement satisfait de vous15. »
source : Wikipedia - Expédition de Djidjelli