mâchicoulis
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| Sujet: Bernard Pivot: "Je n'ai jamais pratiqué la lecture en diagonale" Dim 24 Avr - 19:38 | |
| Chat sur l'Express.fr - 22.04.2011 Par Laurent Martinet et Emmanuelle Bernard Pivot, ancien présentateur de l'émission mythique Apostrophes et actuel membre du jury Goncourt, publie Les Mots de ma vie (Albin Michel), autobiographie déguisée qui lui permet de faire un retour sur sa carrière et sur sa vie. Il a répondu à vos questions. Any : Avant de vous écouter de façon assidue lors de vos émissions Apostrophes, et Bouillon de Culture, je ne lisais que les classiques. Vous êtes celui qui m'a aidée à découvrir les contemporains. Encore merci ! Ma question : À la télévision, quelle différence faîtes-vous entre un animateur de magazine littéraire (que vous avez admirablement mis en évidence) et un présentateur d'émission sur les livres ? Et avez-vous pu transmettre ce savoir-faire ? Merci à vous .... et bonnes lectures ! Bernard Pivot : Je me suis souvent interrogé sur mon "savoir-faire" et sur les raisons du succès des émissions que j'ai animées. Mais on ne peut pas mettre cela en équation. Chaque animateur d'émission littéraire ou culturelle trouve la bonne manière de donner la parole aux créateurs et de donner envie aux téléspectateurs d'aller à leurs œuvres. Phiphi : Avec Jacques Chancel vous m'avez donné la passion des livres. Avez-vous une méthode de lecture particulière, comment abordez-vous un livre, avez-vous pratiqué la lecture dite "en diagonale" lorsque parfois vous manquiez de temps face à la moisson de livres à paraitre ? Combien de temps gardez-vous en mémoire un livre lu sans être obligé de le relire ? Pouvez-vous nous donner des conseils d'une méthode de lecture afin de pouvoir mieux aborder le livre? Bernard Pivot : La méthode de lecture que j'ai toujours suivie est celle que m'ont enseignée les instituteurs et les professeurs, c'est-à-dire commencer par le début, lire paragraphe par paragraphe, chercher la signification des mots inconnus, etc. Je n'ai jamais pratiqué la lecture en diagonale ni la lecture rapide en général, car le style est primordial, et comment goûter le style, la musique d'un auteur quand on confond un livre avec une piste d'athlétisme? Si ça n'est qu'un livre parmi d'autres, il s'efface automatiquement de ma mémoire, je reconnais les chefs d'œuvre, du moins les livres qui m'ont enthousiasmé, à ce qu'ils restent longtemps présents dans ma mémoire. Mais, cinq ans après, si je dois en parler, il faut que je le relise. Sevan14 : cher Bernard Pivot , combien de livres possédez-vous et quel est votre livre de chevet ? Bernard Pivot : Je n'ai pas de livre de chevet, parce que je ne lis jamais au lit. Je lis toujours assis, sur du dur, généralement devant une table, où est posée une feuille sur laquelle je prends des notes. Je ne lis jamais sans un stylo pour souligner les passages importants, les expressions intéressantes, les mots bizarres, nouveaux, vieillots, etc. Je déteste lire dans la mollesse. Et entre mon domicile à Paris et ma maison de campagne, je dois posséder tout au plus 1500 à 2000 livres, ce qui est peu, parce que j'en ai énormément donnés. Et garder des livres dont on sait qu'on ne les relira jamais me paraît inutile. Eurydice : C'est après avoir regardé Apostrophes que j'ai lu pour la première fois un livre avec plaisir. Il s'agissait d'un récit magnifique : Equinoxiales de Gilles Lapouge. Merci à vous ! Bernard Pivot : Votre rencontre avec la lecture ne pouvait pas mieux tomber qu'avec cet ouvrage, dont j'admire depuis longtemps le style enchanteur, si particulier. Helena : Je travaille dans l'édition car j'aime les mots; mes cadeaux à l'époque étaient des dictionnaires, et j'ai aimé faire votre dictée. Ma question est la suivante : Je voulais savoir pourquoi ce goût des mots? Bernard Pivot : Ce goût des mots me vient de la lecture, pendant la guerre - je n'avais que 7 ou 8 ans - d'un petit Larousse du début des années 30. J'adorais faire un rallye à l'intérieur du dictionnaire, et je notais sur un carnet à 3 sous les mots qui me plaisaient, en particulier les plus longs. A cette époque, plus un mot était long, plus il me semblait important et nécessaire. J'ai donc lu un dictionnaire avant de lire des romans. Cyceron : Quel regard portez-vous sur l'offre culturelle en télévision aujourd'hui ? Pensez-vous qu'elle soit en progression, en régression sur le service public et sur l'offre plus générale de la TNT ? Bernard Pivot : L'abondance des chaînes par rapport à l'époque où je travaillais à la télévision fait que l'offre culturelle est évidemment plus répandue. Il existe notamment des chaînes entièrement dévouées à l'histoire et à la musique. Sur les chaînes du service public, on parle beaucoup de livres, jamais on n'en a autant montrés, mais parle-t-on beaucoup de littérature? Seule La Grande Librairie est réellement une émission littéraire, les autres sont des émissions culturelles au sens large du terme. Il se trouve quand même que la France est de tous les pays occidentaux celui qui fait la plus large part à la culture sur sa télévision. Nodog : Vous êtes un homme dont la respectable pensée se situe plutôt dans la partie droite de l'hémicycle des tendances politiques, que pensez-vous de l'état moral de la droite de gouvernement actuelle ? Bernard Pivot : Je suis un citoyen attentif à la politique, mais très critique, pessimiste, ironique et persifleur. Pour la droite comme pour la gauche. Et bizarrement, j'ai le regret depuis toujours de n'avoir jamais été un militant capable de foi, d'optimisme, de naïveté et de dévouement. Sarahkhan : Certaines émissions majeures d' Apostrophes et de Bouillon de culture sont-elles en vente en DVD. Je vous remercie et vous prie de croire en l'excellence de nos sentiments. Bernard Pivot : Ne sont en vente en DVD que les grands entretiens d'Apostrophes et de Bouillon de Culture, c'est à dire les tête-à-tête faits avec les grands écrivains de mon époque: Duras, Simenon, Yourcenar, Cohen, Levi-Strauss, Jouhandeau, Guilloux, Soljénitsyne, Nabokov, etc. Gousti : Est-ce que Bernard Pivot connait l'histoire de la couverture de Lire parue avec Hubert REEVES ? Bernard Pivot : Non, je ne suis pas au courant. Arsène : Monsieur Pivot, dans quelle langue lisez-vous Nabokov ? Il porte en effet tellement d'attention au choix de ses mots que ses livres écrits en anglais et en russe semblent intraduisibles... Qu'en pensez-vous? Bernard Pivot : Je n'ai lu Nabokov qu'en français, étant bien incapable de le lire et de l'apprécier en anglais ou en russe. Aladine : Pourquoi n'avoir jamais répondu à mon courrier et à l'envoi de mes manuscrits? Merci ! Bernard Pivot : Je suis étonné que vous n'ayez pas eu de réponse de ma part. Car j'ai une lettre toute prête pour dire que je ne lis jamais de manuscrit. Faute de temps, et parce que lire un manuscrit, c'est le travail des éditeurs, et que je n'en suis pas un. Anonymous : Permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour votre dévouement aux lettres, et de vous remercier pour les fabuleux moments passés lors des Dicos d'Or. Quelle est votre opinion sur les livres numériques ? Avez-vous déjà essayé l'un de ces appareils ? Bernard Pivot : Oui. j'ai relu Alice au pays des Merveilles sur une tablette. Expérience intéressante, mais sans avenir pour moi, parce que je suis très attaché au livre, à son esthétique, à sa sensualité. Mais je reconnais que si j'étais jeune, je serais très attiré par les tablettes, en particulier pour la lecture des journaux. Helena : Merci de votre réponse à ma première question ! Voici la deuxième : comment trouvez-vous les romans de nos jours? Bernard Pivot : Dans les romans de nos jours, on découvre le même foisonnement de sujets et d'écriture que dans les romans publiés il y a trente ans. L'égocentrisme du romancier français se porte toujours bien. Je trouve que, peut-être sous l'influence des romanciers anglo-américains, les écrivains français s'ouvrent davantage à des thèmes et à des sujets contemporains. Le meilleur exemple en est Houellebecq. Rg06 : D'abord merci pour votre carrière qui a été un exemple d'humilité et d'intelligence! Vous avez popularisé la littérature, en rendant accessible au plus grand nombre des sujets complexes,. Vous nous manquez Monsieur. Allez-vous revenir ? Juste un peu svp ! Je ne pense pas me tromper en vous disant que nous devons être une bonne vingtaine de millions de personnes en France à vous regretter. Personne ne vous a remplacé. J'en ai marre de ne plus avoir mon PIVOT hebdomadaire. Il est temps d'agir! Bernard Pivot : Merci pour vos compliments et vos regrets. Mais je ne reviendrai pas à la télévision, ne serait-ce que parce que je ne serais plus aujourd'hui capable de faire physiquement et intellectuellement une émission comme Apostrophes ou Bouillon de Culture. http://www.lexpress.fr/culture/livre/bernard-pivot-je-n-ai-jamais-pratique-la-lecture-en-diagonale_985627.html | |
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