Le Figaro - 20.05.2014
par Antoine Lhermenault
L’université des Antilles-Guyane est plongée dans un scandale de détournement de fonds publics
Selon le site Mediapart, plusieurs millions d’euros de subventions européennes ont disparu dans des montages opaques à l’université des Antilles-Guyane (UAG). Une information judiciaire pour "
détournement de fonds publics" et "
escroquerie aux subventions en bande organisée" a été ouverte.
Qu’il s’agisse du rapport d’information du Sénat consacré à l’avenir de l’université, publié à la mi-avril, ou d’un rapport de la Cour des comptes, non-public mais consultable en ligne, de janvier 2013, les soupçons liés à l’utilisation illégale de fonds publics au sein de l’Université Antilles - Guyane se multiplient. Une information judiciaire pour "
détournement de fonds publics" et "
escroquerie aux subventions en bande organisée" a été ouverte le 7 avril. L’un des laboratoires de l’université, le Centre d’étude et de recherche en économie, gestion, modélisation et informatique appliquée (CEREGMIA), et son directeur, le professeur Fred Célimène, sont particulièrement visés.
En réalité, dysfonctionnements et rappel à l’ordre s’accumulent au sein de cette université de 12.000 étudiants. Ces dernières années, l’organe de recherche, rattaché à l’UFR de sciences juridiques et économique de la Martinique, s’est mis à solliciter avec succès des subventions européennes. Depuis 2009, ce ne sont pas moins de neuf conventions de financement qui ont été conclues entre le laboratoire et le Fonds européen de développement régional (FEDER), dont cinq dépassant les 1,5 millions d’euros. Ces crédits étaient destinés, pour une majeure partie, à corriger des déséquilibres régionaux, mais leur suivi, normalement obligatoire, est aujourd’hui introuvable.
Le 21 octobre dernier, la présidente Corinne Mencé-Caster, élue en janvier 2013, expliquait que "
plus de 10 millions d’euros de recettes sont à recouvrer, dont certaines sont d’ores et déjà irrécupérables" et que "
jusqu’ici les crédits liés aux conventions (ndlr, de projets de recherche) pouvaient être ouverts dans leur quasi-totalité sans suivi véritable, ni politique de recouvrement des recettes".
Très régulièrement, les pièces justificatives des dépenses seraient, selon
Mediapart, sans aucun rapport avec l’objet des programmes de recherche: 19.026 euros d’ "
accessoires et de pièces automobiles", 4068 euros d’"
abattage d’arbres" ou encore, 651 euros de "
frais divers" dépensés au magasin "
Nice looking". Des pièces justificatives, très certainement jugées inéligibles, qui empêchent le remboursement des sommes du FEDER à l’université. La gestion douteuse du CEREGMIA fragilise donc aujourd’hui l’établissement dans sa globalité.
Le rapport d’information du Sénat apporte une résonance particulière à cette affaire, en revenant sur la mort d’un ancien agent comptable de l’université, en 2001. À l’époque, le corps, retrouvé sans vie au pied des falaises de l’Anse-Bertrand, avait amené les autorités à conclure à un suicide. Un évènement qui n’est plus sans rappeler les mots du directeur du laboratoire, Fred Célimène, à l’adresse du nouveau service de l’agence comptable. L’économiste, s’irritant de devoir joindre de nouvelles pièces justificatives, écrivait le 22 octobre 2013: «
Je sais bien que votre chef a des consignes. Sauf qu’elle doit savoir que j’en suis à mon 12e agent comptable et qu’ils sont tous partis en mauvais état ». Sûrement, car elle s’est attaquée frontalement à toutes ces zones d’ombre, la nouvelle présidente, Corinne Mencé-Caster, aujourd’hui placée sous protection, est régulièrement menacée de mort.
(http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/l-universite-des-antilles-guyane-accusee-d-avoir-detourne-des-millions-d-euros-5402/)