La torture à l'américaine est indigne d'une superpuissance

De crainte que la divulgation des vidéos, ayant enregistré des scènes de torture de présumés terroristes, n'exposent les tortionnaires et leurs familles aux représailles d'Al-Qaïda, la CIA, dont on sait les graves implications, aux côtés de l'armée américaine, dans la torture généralisée entreprise à l'échelle de tous les camps qu'elles contrôlent, vient d'annoncer la destruction d'au moins deux d'entre elles, des plus violentes , laisse-t-on supposer.

Essayant de justifier l'injustifiable, de la manière utilisée par ceux-là mêmes, les anciens officiers de l'armée française engagés dans la guerre d'Algérie, qui les ont par ailleurs initiées à la pratique de ce genre de bestialités et de sadisme inédits dans l'histoire de l'humanité, le général Haiden, directeur de la centrale, a cru devoir préciser que ce type d'interrogatoires aurait constitué la meilleure source de renseignements pour lutter contre l'organisation terroriste.

Ce sont les mêmes arguments dénués de sens moral, qui ont été servis à profusion naguère par Massu et ses collègues et repris tout au long des années 60 et 70 dans le cadre de l'Opération Condor en Amérique latine, qui sont avancés aujourd'hui encore, sans soulever la moindre objection, au nom de la défense de la sacro-sainte civilisation occidentale. Le pire est encore que le président Bush lui-même et sa bande de gangsters ont cautionné de bout en bout pareilles extravagances où le monde entier a été rendu témoin de photos aussi indécentes que criminelles qui montrent de soi-disant terroristes irakiens se masturbant collectivement ou se sodomisant sous les yeux enchantés de leurs tortionnaires débiles et méritant tous, eux comme leurs commanditaires à tous les niveaux, d'être pendus hauts et courts.

Le ministère de la justice indique dans un communiqué publié aujourd'hui qu'il a ouvert une enquête préliminaire à propos de la destruction des vidéos annoncée par le général Hayden, directeur de la CIA. De cette enquête dépendra, en théorie, la suite à donner éventuellement à leur contenu.

En dépit des préoccupations que ce type de révélation n'a pas manqué de susciter immédiatement auprès des associations de défense des droits de l'homme, il n'y a en vérité rien à attendre ni de la CIA qui est associée à cette enquête (bizarrement, pour s'autoflageller ?) ni de la justice, elle-même.

Les procès tenus jusqu'ici à propos des violences commises notamment dans les camps de prisonniers irakiens, et dont les photos insupportables ont fait le tour du monde, se sont quasiment terminés en queue de poisson. Aucun des officiers responsables, excepté un capitaine qui a écopé de quelques mois de prison avec sursis, n'a été sérieusement inquiété à cette occasion. Au niveau des sous-fifres, pour amuser sans doute la galerie, on s'est certes donné la peine de juger une dizaine d'entre eux, mais au bout du compte, les inculpés s'en sont tous sortis sans grands tracas : des peines légères seulement ont été infligées à quelques uns d'entre eux, en dépit du témoignage pourtant accablant, écrit et à charge du général Sanchez, anciennement engagé en Irak.

Devant la caméra d'ABC News, John Kiriakou, un ancien de la CIA, a bien confirmé l'usage de la torture par noyade appliquée notamment au terroriste Zoubeydah, en 2002.

Ayant bien assimilé la rengaine si bien enseignée par ses concepteurs, les anciens officiers français de la guerre d'Algérie, il n'a manqué de préciser : "Que se passerait-il si nous ne soumettions pas une personne à la technique de noyade et qu'un attaque survienne ? J'aurais alors du mal à me pardonner moi-même. Comme beaucoup d'Américains, je suis partagé entre l'idée que le simulacre de noyade est de la torture et la qualité des informations souvent obtenues grâce à cette technique."

On ne pouvait espérer davantage d'un officier tellement convaincu de la justesse de son affirmation, et ce, comme il était courant hier en Algérie, qu'il se disait totalement couvert par la hiérarchie, jusque et y compris la Maison Blanche qui fait de la torture, à ce jour encore, une règle impérative à observer.

Décodé, un tel message envoyé par un responsable de la CIA, une agence qui s'est rendue par ailleurs tellement célèbre par ses tueries souvent gratuites et ses exactions les plus condamnables, donne la mesure de l'abaissement au stade bestial de la première puissance mondiale.