Sarkozy a beaucoup à apprendre

Il est des blessures profondes, qui ont nécessairement besoin d'être soignées à temps, de façon à les circonscrire d'abord avant de les attaquer en profondeur. Quand la médication est bien choisie, ces blessures disparaissent, avec le temps, en laissant parfois quelques vagues cicatrices qui se résoudront peu à peu. Il en est d'autres, superficielles, qui se cicatrisent d'elles-mêmes. Simples égratignures sans gravité, elles disparaissent aussi vite qu'elles se sont installées. D'autres, enfin, sont d'apparence aussi négligeable qu'on ne se donne pas également la peine de les soigner sur le moment. Mais, ignorées trop longtemps, elles suppurent, et finissent par empoisonner l'existence de la vie humaine. Celles-là sont difficilement guérissables, du moins sans laisser des traces indélébiles qui mettront des années avant de s'estomper superficiellement.

Le discours de Dakar, en juillet dernier, de Sarkozy ressemble par trop à une blessure de ce dernier type. Faute d'avoir été traité à temps, le mal qu'il a produit devient difficile à résorber.

Sur le moment, en effet, pas même son hôte, le président Wade, n'avait cru devoir répliquer à l'orateur, pour l'amener sinon à résipiscence, du moins à atténuer le propos d'une rare violence. A force de ronger l'esprit de Wade qui, et il faut le croire, avait sans doute fait de gros efforts sur lui-même pour tenter de lui donner un sens, ce propos a fini par forcer le président sénégalais à s'ouvrir publiquement de son mal. Avec l'esprit de l'escalier ou saisi par le remords, il estime aujourd'hui ladite déclaration aussi inacceptable, venant d'un président français, qu'indigne de son vrai rédacteur, Guaino. Pour Wade, Sarkozy est enfin un novice qui, en politique, "a beaucoup à apprendre", et Guaino "en retard de cinquante ans".

En laissant entendre que "l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire et que le paysan africain, qui, depuis des millénaires vit avec les saisons, dont l'idéal de vie est d'être en harmonie avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles", Sarkozy s'est attribué, en effet, un rôle excessif de juge qui dépasse de loin les attributions qui sont celles d'un chef d'Etat devant, avant toute chose, faire de la mesure de son langage, une règle cardinale et stricte.

Aussi, pour ce bouillant et impétueux donneur de leçons, dont nombre d'observateurs commencent à découvrir le manque flagrant de culture, il est naturellement bon qu'un homme de la trempe de Wade, à la culture hautement remarquable et mondialement attestée, se soit décidé, mieux que n'importe quel autre de ses collègues africains, à réduire en poussière une déclaration aussi indigeste que d'inspiration plutôt raciste. Et c'est d'ailleurs sur un terrain aussi porteur et défendable que le ministre algérien aurait dû avoir l'intelligence d'attaquer le président français, dont le langage extrémiste n'est plus qu'un secret de Polichinelle.