LE MONDE | 30.03.2012
Par Philippe Jacqué
Le renforcement des sanctions américaines et européennes vis-à-vis de l'Iran et la toute nouvelle alliance signée avec General Motors sont en train de jouer un vilain tour à PSA Peugeot Citroën. Déjà confronté à un marché européen déprimé, le constructeur français voit se dérober le marché iranien, son premier débouché à l'export.
Avec 458 000 véhicules écoulés - sur un total de 3,5 millions - en 2011, l'Iran est, en volume de véhicules vendus, le deuxième marché dans le monde pour la marque au lion, derrière le marché français. Le total des achats iraniens s'élève à 1,6 million de véhicules. PSA, via son partenaire local Iran Khodro, détient 30 % de ce marché. Mais tout pourrait s'arrêter cette année.
Mercredi 28 mars, United Against Nuclear Iran ("Unis contre un Iran nucléarisé"), un lobby américain hostile à Téhéran, a interpellé General Motors pour qu'il force PSA, dont il détient désormais 7 % des actions, à cesser tout commerce avec l'Iran.
Dans un communiqué, publié mercredi, GM a précisé qu'il avait "discuté du problème avec Peugeot". "Nous en avons retenu qu'ils avaient décidé de suspendre la production et l'expédition de matériel vers l'Iran il y a quelque temps, avant que nous signions notre alliance avec eux, et nous avons décidé de maintenir cette suspension", assure le constructeur américain.
"Depuis février, l'envoi vers l'Iran de kits d'assemblage a été gelé ", confirme-t-on à la direction de PSA. "Cette décision n'a pas été prise pour répondre à des pressions de GM, jure PSA. Nous faisons face à une situation géopolitique compliquée et les sanctions mises en place, notamment vis-à-vis des banques, ne nous permettent plus de garantir le financement de nos activités sur place."
Quand les premiers envois ont cessé, mi-février, Javad Najmeddin, le PDG d'Iran Khodro, assurait dans Donya Ehtessad, le grand quotidien économique iranien, que "les sanctions n'affecteront pas nos relations avec PSA. Les deux entreprises continuent à travailler ensemble".
CHÔMAGE TECHNIQUE À VESOUL
Pour le groupe français, l'arrêt des exports de pièces va avoir un "impact relativement limité financièrement", assure PSA, puisque ce marché représente 1,5 % à 2 % de son chiffre d'affaires (42,7 milliards d'euros) en 2011. Cela correspond à 640 à 850 millions d'euros de manque à gagner.
Les premières victimes du gel des envois d'éléments, reconduit en avril, puis sans doute dans les mois à venir, sont les 350 salariés en charge de ces envois au sein du centre mondial des pièces détachées de Peugeot Citroën, à Vesoul (Haute-Saône). Depuis février, ils sont au chômage technique, envoyés en formation ou redéployés vers d'autres services sur ce site, qui compte plus de 3 000 salariés.
Également installé en Iran, Renault, lui, dit ne pas avoir "de souci. Même si travailler là-bas est toujours compliqué, l'an dernier nous avons produit et vendu 93 578 véhicules, contre 46 587 en 2010", explique-t-on à la direction du constructeur, ce qui lui permet de détenir 6 % de part de marché. Et sur les deux premiers mois de 2012, la firme au losange a écoulé 19 500 véhicules, notamment ses Tondar90, la version locale de la Logan, contre 8 850 sur la même période en 2011.
S'il devait tirer un trait sur l'Iran, PSA perdrait 15 % de ses ventes (en volumes), ce qui le ferait dégringoler au classement mondial des constructeurs. Mais Peugeot devrait en conserver certaines, puisque Iran Khodro poursuit la vente sous licence des 405 et 206 qu'il fabrique de plus en plus avec des pièces produites localement. Il devra trouver une solution pour les pièces qu'il importait.
(http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/03/30/psa-peugeot-citroen-subit-le-contrecoup-des-sanctions-contre-l-iran_1678225_3234.html)