Le Parisien.fr - 28.02.2012
Une gérante de société poursuit en appel les sociétés de téléachat de Pierre Bellemare pour rupture abusive de contrat, procédure en cours depuis dix-sept ans.
Le pot de terre aura-t-il gain de cause contre l’empire du téléachat? Cet après-midi, la cour d’appel de Paris doit mettre un point final à une procédure fleuve qui oppose depuis près de dix-huit ans Nadia Blancaneaux, une ex-esthéticienne qui avait tout misé sur le téléachat, et la société de Pierre Bellemare, avec qui elle avait fait affaire en 1992 mais qu’elle accuse depuis de l’avoir évincée d’un juteux contrat de cosmétiques.
À cette époque, la jeune femme a l’idée de proposer des produits de beauté « révolutionnaires » au célèbre camelot de la télé : des produits « cryo-esthétiques », en fait de la simple crème fraîche agrémentée d’additifs bovins. Un contrat d’exclusivité est conclu avec son fournisseur de crème et aussi avec la société de Bellemare, SETV (Société européenne de télévente). Les marges sont très confortables : un coffret, acheté 210 F (32 €) est revendu à Bellemare 645 F (98 €) et proposé à l’antenne 1245 F (189 €). Nadia Blancaneaux va même embaucher Nicoletta et Hervé Vilard pour vanter les mérites de sa crème à l’écran. Bingo, les ventes explosent. Mais très vite, elle se rend compte que Pierre Bellemare et son fournisseur travaillent en direct et se passent de ses services, en dépit des deux contrats d’exclusivité. La saga judiciaire ne fait que commencer.
Car l’histoire, simple sur le papier, va rapidement s’embourber dans les méandres du droit commercial. Nadia commence par perdre son procès contre son fournisseur, puis est déboutée lorsqu’elle attaque la société de Pierre Bellemare. La subtilité tient dans le fait qu’à l’époque, l’empire se basait sur deux sociétés plus ou moins distinctes, et Nadia n’aurait pas attaqué la bonne. Au fil des procédures, la société de Nadia dépose même le bilan. Persuadée d’être dans son bon droit, elle rachète le passif afin de pouvoir poursuivre son action. Las, le tribunal de commerce, en 2008, a estimé que les faits étaient prescrits.
Avec sa nouvelle avocate, Nadia a remis sa procédure d’équerre. Elle a fait ses comptes : après dix-huit ans, elle a fait estimer son manque à gagner à 143 M€. « J’ai tout perdu, dit-elle dans une colère difficilement contenue. Croyez-moi, si j’avais fait ne serait-ce qu’une seule faute, jamais je ne me serais attaquée à un tel empire. »
Françoise Bellemare, fille et avocate de Pierre, se dit pourtant « sereine ». On ne saura pas ce qui s’est véritablement tramé en 1992. Mais sur le plan du droit, elle estime avoir l’avantage. « On ne peut pas constamment changer d’argumentation et demander à la justice de revenir sur des choses déjà jugées », conclut-elle.
(http://www.leparisien.fr/faits-divers/l-ex-estheticienne-reclame-143-meur-a-pierre-bellemare-28-02-2012-1881869.php)