La Tribune.fr - 24.02.2012
par Romaric Godin
C'est peut-être un scandale d'ampleur européenne qui couve actuellement dans le bureau du procureur d'Athènes : le gouvernement de Georges Papandréou aurait invité l'Elstat, l'institut statistique grec, à surestimer le déficit 2009 pour mieux faire passer les réformes auprès du peuple grec.
Le procureur d'Athèmes, Grigoris Peponis, a obtenu jeudi de la Vouli, le parlement grec, une commission parlementaire d'enquête concernant le niveau du déficit public hellénique en 2009.
Révélations
L'affaire a débuté en septembre dernier lorsqu'une employée de l'Elstat, Zoé Gorganta, a révélé que le chiffre du déficit public de 2009 avait été gonflé artificiellement lors de sa révision à la hausse en novembre 2010 de 13,6 % à 15,4 % du PIB. Selon cette employée, qui a été immédiatement licenciée, ces chiffres auraient été aggravés à dessein afin que le déficit grec dépassât celui de l'Irlande, devînt ainsi un record dans la zone euro et pût faciliter dans les esprits grecs l'acceptation des mesures d'austérité douloureuses proposées par le gouvernement.
Responsabilités politiques
Derrière ces accusations se glissent évidemment les figures du premier ministre socialiste de l'époque, Georges Papandréou et de son ministre des Finances d'alors Georges Papakonstantinou. La responsabilité des ministres devra du reste être une des principales questions auxquelles devra répondre la commission d'enquête parlementaire. Mais la question de la responsabilité européenne ne manquerait pas de se poser. L'Elstat a été fondée en août 2010 sur le modèle des autres instituts statistiques européens. Son principal critère a été l'indépendance du pouvoir politique afin que ne se reproduise pas les « trucages » de comptes qui avaient permis entre 2000 et 2004 au pays d'entrer sans difficultés dans la zone euro. Eurostat, du reste, a validé la correction de novembre 2010 sans broncher.
Défense de l'Elstat
Le président de l'Elstat depuis sa fondation, Andreas Georgiou, se défend pied à pied depuis le début de l'affaire. Pour le moment, il n'est pas mis en examen, le procureur ayant voulu transmettre l'affaire au parlement d'abord, mais il risque pour « atteinte à la sûreté de l'État », la prison à vie. Il a néanmoins soumis au procureur un dossier de 74.500 pages pour lui expliquer le mode de calcul du déficit et a effectué mercredi une déposition de 110 pages. Selon le quotidien grec Ekathimerini, il aurait alors insisté sur la surveillance européenne qui aurait alors entouré ses calculs, gage pour lui de leur justesse. Il réfute en tout cas toute pression gouvernementale et proclame son indépendance absolue. À Luxembourg, Eurostat proteste également de la régularité absolue des comptes grecs.
Combat politique
La commission parlementaire devra donc déterminer s'il y a eu falsification ou s'il s'agit encore d'une « théorie du complot » sans fondement. Il est à souhaiter qu'elle puisse agir en toute indépendance dans un climat politique grec lourd, malgré le gouvernement « d'union nationale » de Lukas Papadémos. Cette affaire a ainsi été l'occasion de plusieurs passes d'armes entre la Nouvelle Démocratie, accusée d'avoir falsifiée les comptes de 2000 à 2004, et le Pasok de Georges Papandréou. Si cependant il s'avère que ces accusations étaient fondées, le rôle de l'Union européenne en Grèce prendrait alors une couleur bien trouble. Et son engagement sur place pour "contrôler" les comptes grecs, décidé mardi dernier, [aurait]
une certaine saveur.
(http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20120224trib000684783/athenes-aurait-gonfle-son-deficit-en-2009-pour-justifier-l-austerite.html)