L'EXPRESS.fr - 13.01.2012
par Marina Rafenberg
Après l'appel lancé dans Libération par une cinquantaine de personnalités mobilisées contre la déscolarisation des jeunes, LEXPRESS.fr revient sur ce phénomène communément appelé "le décrochage".
Qui sont les "décrocheurs"?
Ce sont des jeunes sortis du système scolaire sans diplôme ni qualification. Ils ont abandonné les bancs de l'école à la fin de la scolarité obligatoire - à 16 ans - et n'ont pas de diplôme du second cycle. Au mieux, ils ont un Brevet. Selon le ministre de l'Éducation nationale, Luc Chatel, 223 000 lycéens sont sortis du système éducatif sans diplôme entre juin et octobre 2011, dont 160 000 ont été "perdus de vue". Selon l'INSEE, en 2010, cela représentait 12,8% des 18-24 ans. Les "décrocheurs" sont majoritairement issus de milieux défavorisés, tant économiquement que culturellement.
Est-ce un phénomène récent?
Depuis les années 1970, de nets progrès ont été constatés en terme de scolarisation. Ainsi, au sein d'une génération, la part des élèves déscolarisés de manière précoce a fortement diminué entre 1975 et 2005, passant de 25% à 6%. Mais depuis 2005, la situation ne s'améliore plus et on constate même une légère augmentation.
La France est-elle particulièrement touchée par le problème?
Au sommet européen de Lisbonne, en mars 2000, les gouvernements des pays de l'Union s'étaient mis d'accord sur un objectif à atteindre en 2010: le taux de jeunes quittant l'école sans avoir obtenu un diplôme d'études secondaires ou un diplôme professionnel ne devait pas dépasser 10%. Cet objectif (prolongé depuis jusqu'en 2020) n'a pas été atteint: le décrochage scolaire touche en moyenne 14% des jeunes dans l'Union européenne - avec un taux record pour le Portugal et l'Espagne, selon Eurostat. L 'Allemagne avec 11,9% de décrocheurs en 2010, fait légèrement mieux que la France (12,8%).
Quelles solutions ont été envisagées?
En 2009, le président de la République, Nicolas Sarkozy, avait élevé la lutte contre le décrochage scolaire au rang de priorité nationale. Il avait alors lancé le plan "Agir pour la jeunesse". Depuis, 100 plates-formes locales dans 10 régions ont été mises en place afin de repérer plus rapidement les jeunes en situation de décrochage et de leur proposer une solution: apprentissage, formation, école de la deuxième chance... 16 établissements de réinsertion scolaire (ERS) ont permis d'accueillir 152 élèves depuis la rentrée 2010. Ces internats ont pour objectif de réinsérer les élèves au bout d'un an dans le système classique. Ils viennent compléter les dizaines de lycées dits alternatifs, tels les micro-lycées, lycées autogérés ou collèges expérimentaux. Ces structures scolaires de petite taille (80 à 100 élèves) permettent aux élèves déscolarisés de reprendre les études. Les adolescents sont bien encadrés. Chaque professeur est le "référent" de deux ou trois lycéens.
L'Académie de Créteil compte par exemple trois micro-lycées. Dans celui de La Courneuve (Seine Saint-Denis), le taux de réussite au bac 2011 a atteint 78%, un score plus qu'honorable dans ce département. Les écoles de la seconde chance, quant à elles, idée défendue par Édith Cresson et adoptée par la Commission européenne en 1995, ont des résultats très satisfaisants: le taux de sortie "positive", soit vers une formation qualifiante soit vers l'emploi, atteint à 64%.
Depuis octobre 2010, le gouvernement a également mis en place un dispositif d'échanges de données entre l'ensemble des services de l'État et les acteurs de la formation initiale et de l'insertion. Ainsi, le nombre des élèves en situation de décrochage peut être précisément évalué.
La lutte contre l'absentéisme a, elle aussi, été accentuée. La loi du 28 septembre 2010 renforce les moyens d'action des responsables de l'Éducation en cas d'absences répétées. L'absentéisme fait souvent partie des premiers indices du décrochage.
Quels sont les résultats?
Selon certaines voix critiques, ces initiatives (micro lycées, ERS, école de la seconde chance) concernent peu de personnes et sont très onéreuses. Selon l'afev (Association de la fondation étudiante pour la ville), il faut proposer des solutions globales pour prévenir le décrochage. L'association estime que ce phénomène est lié à l'échec scolaire. Pour elle, l'école ne doit plus être synonyme de "souffrance" (l'afev prône la suppression des notes), le collège doit être repensé comme le "prolongement de l'école primaire", et la filière professionnelle revalorisée. D'autres acteurs soulignent l'incohérence de certaines mesures prises par le gouvernement. Ainsi, la Fespi (Fédération des établissements scolaires publics innovants) dénonce la suppression de postes dans plusieurs lycées qui remet en cause le fonctionnement expérimental de ces établissements.
(http://www.lexpress.fr/actualite/societe/education/education-comment-aider-les-decrocheurs_1071204.html)