Le Point.fr - 02/02/2012
par Anne Jeanblanc
Par températures négatives ou par chaleur caniculaire, l'homme peut supporter des conditions difficiles s'il s'y prépare.
Contrairement à certaines idées reçues, il n'existe pas de gène particulier permettant de résister au grand froid. La preuve, si les Esquimaux peuvent vivre sous des températures polaires, c'est grâce à une adaptation acquise par l'expérience. Autre lieu commun à éviter, une bonne rasade d'eau-de-vie n'est pas la meilleure solution pour se réchauffer, loin de là. Certes, l'alcool apporte un "coup de fouet calorique", mais il est très rapidement suivi d'un engourdissement des réponses physiologiques. Enfin, les gelures ne se soignent surtout pas de façon énergique, à coup de frictions et de flagellation. Car les traumatismes ne peuvent en aucun cas participer à la guérison des tissus fragilisés par l’œdème.
Ces quelques clichés sont énoncés dans la nouvelle édition du guide Survivre, comment vaincre en milieu hostile. Un ouvrage réactualisé en fonction des informations scientifiques récentes et des innovations technologiques qui constituent le testament du Dr Xavier Maniguet(*), spécialiste de médecine aéronautique, de médecine tropicale et de médecine du sport, instructeur de voltige aérienne, parachutiste et nageur de combat, entre autres. Un homme qui connaissait donc bien le terrain et qui est décédé dans un accident d'avion en mars 2009 avant cette nouvelle parution.
Mieux vaut se réfugier dans un abri
Comme les spécialistes de la météo ne cessent de nous le rappeler depuis deux jours, il y a la température réelle et celle ressentie. Car le vent augmente nettement la sensation de froid et les déperditions calorifiques. "Pour une température de - 20 °C, un corps nu se refroidit de 20° C en une heure sans vent, et en 80 secondes dans un blizzard de 120 km/h", précise le spécialiste. En revanche, le refroidissement sera tempéré si l'on a la chance de bénéficier de quelques rayons de soleil.
Pour combattre le froid, la première solution est de bouger. Mais toute activité musculaire produit quatre fois plus de chaleur que d'énergie mécanique. C'est donc un fort mauvais rendement qui a, néanmoins, l'avantage de nous réchauffer l'hiver. De plus, il faut des réserves alimentaires suffisantes pour nourrir l'organisme. Le frisson thermique est, lui, une activité involontaire. Cette réponse physiologique à l'agression thermique a une efficacité limitée et devient même totalement inutile par grand froid. D'autre part, quand le cerveau est informé de la baisse de la température cutanée, il commande une diminution du calibre des vaisseaux. Cette vasoconstriction, qui explique la pâleur en cas de froid, a surtout pour intérêt de conserver la plus grande partie du sang pour les organes vitaux.
En pratique, en cas de températures très basses, mieux vaut se réfugier dans un abri, même succinct, plutôt que de rester exposé au vent. Plusieurs vêtements superposés, séparés par des couches d'air, sont plus thermoprotecteurs qu'une seule épaisseur, aussi grosse soit-elle. De plus, les vêtements synthétiques sont hydrophobes et ils sèchent donc rapidement, ce qui est confortable et pratique. D'autre part, il faut boire beaucoup d'eau par grand froid, car l'atmosphère est en général sèche. Enfin, la prévention locale des gelures consiste d'abord à bien protéger ses extrémités - en plus des gants, moufles et chaussettes, les chaufferettes sont très utiles - et ensuite à appliquer des substances grasses sur la peau. Tout en sachant que l'idéal, quand c'est possible, est de ne pas prolonger le temps passé dehors.
(http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/anne-jeanblanc/grand-froid-les-recettes-d-un-specialiste-02-02-2012-1426687_57.php)