LePoint.fr - 16.01.2012
par Jean-Michel Décugis et Aziz Zemouri
EXCLUSIF. Le Point s'est procuré l'attestation d'un témoin qui aurait été victime de "fortes pressions" de la part de la police des polices.
"Quand j'ai dit que je ne signerais pas ce qui était écrit, ils ont dit qu'ils allaient s'occuper de ma femme enceinte et faire en sorte qu'elle soit reconduite en Russie. Ils m'ont aussi menacé de me retirer ma carte de séjour et de me faire repartir en Roumanie si je ne signais pas sans relire." Le Point.fr a pu se procurer un élément de l'enquête : l'attestation accablante d'Alexandru Moisei, un témoin entendu au début de l'enquête de l'IGS qui aurait été "truquée" à des fins politiques. Cet immigré roumain, qui avait obtenu une carte de séjour en juin 2007, raconte comment des policiers l'ont mis sous pression pour qu'il mouille un haut fonctionnaire.
Des policiers de l'IGS sont aujourd'hui soupçonnés d'avoir manipulé des P-V, déformé des déclarations de personnes en garde à vue et modifié des comptes rendus d'écoutes téléphoniques pour provoquer au total la mise en cause de cinq fonctionnaires, dont quatre ont été mis en examen en 2007. Accusés d'avoir indûment délivré des titres de séjour, ils avaient été suspendus de leurs fonctions avant d'être blanchis définitivement en janvier 2011 par la cour d'appel de Paris.
Scandale sans précédent
Parmi les fonctionnaires visés figuraient Yannick Blanc, patron de la police générale à Paris, jugé proche de Ségolène Royal, candidate socialiste à la présidentielle de 2007, et Christian Massard, officier de sécurité de l'ancien ministre socialiste de l'Intérieur Daniel Vaillant. Depuis, neuf plaintes, dont trois pour faux en écriture publique, ont été déposées. À ce jour, huit informations judiciaires confiées à quatre juges d'instruction ont été ouvertes pour faire la lumière sur ce scandale sans précédent dans les annales de la préfecture de police de Paris.
Le préfet de police Michel Gaudin, entendu comme témoin assisté, a apporté son soutien aux fonctionnaires de l'IGS dans un entretien accordé au journal Le Monde, qui a révélé l'affaire : "En l'état actuel de mes informations, je n'ai connaissance d'aucun manquement qui puisse leur être reproché. En outre, aucune de ces personnes n'a été mise en examen. Ces fonctionnaires conservent tout mon soutien." Mais les témoignages accablants se succèdent : la semaine dernière, Le Point.fr révélait qu'un commandant de police semblait avoir été trahi par l'IGS, son propre service, qui aurait falsifié sa signature.
Le témoignage d'Alexandru Moisei vient noircir encore le tableau. Ainsi, comme Le Point a pu le vérifier, Alexandru Moisei évoque de "fortes pressions" de la part des policiers lors de son audition "Ils interprétaient à leur façon ce que je disais, par exemple que je couchais avec Bruno Triquenaux (NDLR : l'adjoint de Yannick Blanc) et que celui-ci prenait de l'argent sur des cartes de séjour qu'il faisait. Quand j'ai contesté ce qu'ils avaient écrit, ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas passer trois quarts d'heure de plus avec moi, qu'ils étaient pressés et que je n'avais pas la possibilité de corriger."
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