LEMONDE.FR avec AFP | 02.01.12 |
Le président allemand, Christian Wulff, empêtré dans une affaire de prêt privé, faisait l'objet de nouvelles pressions, lundi 2 janvier, accusé d'avoir tenté d'empêcher la publication d'informations par la presse.
Le quotidien de Munich
Süddeutsche Zeitung, qui a lancé les premières révélations, écrivait lundi que M. Wulff avait menacé le rédacteur en chef du puissant quotidien populaire
Bild, à l'origine de l'affaire, de rompre tout lien avec le journal s'il rendait publique cette histoire.
Le journal bavarois poursuit dans son édition à paraître mardi en indiquant qu'il a reçu une confirmation écrite de
Bild que le président avait également appelé Mathias Döpfner, président du directoire des éditions
Springer, maison-mère de
Bild. Celui-ci lui aurait rappelé que la rédaction du journal était indépendante.
MENACES JUDICIAIRESDans un article à paraître mardi, Kai Diekmann, rédacteur en chef de
Bild, écrit que M. Wulff a menacé l'auteur de l'article de poursuites judiciaires dans un message sur le répondeur de son téléphone portable, le 12 décembre, soit la veille de la publication des premières informations. Le président avait auparavant envoyé au journal une réponse aux éléments figurant dans l'article à paraître, mais s'était rétracté juste avant le bouclage.
Toujours selon le responsable du quotidien le plus lu d'Europe – 2,9 millions d'exemplaires vendus et 12 millions de lecteurs revendiqués –, le président a présenté des excuses deux jours plus tard, pour le contenu de son message et le ton employé.
"
Après un vaste débat rédactionnel, la rédaction de Bild a renoncé à évoquer cet incident. Mais cette (décision) n'a eu aucune conséquence sur la suite de notre enquête et sur les questions qui étaient ou sont encore posées au sujet de ce crédit immobilier", a ajouté M. Diekmann.
Une porte-parole du président a assuré, lundi, que la liberté de la presse était pour M. Wulff "
un bien d'une très grande valeur". "
Concernant des rendez-vous en tête à tête ou des conversations téléphoniques, le président ne donne par principe aucun renseignement", a-t-elle précisé, estimant que le chef de l'État avait "
pratiqué la transparence".
UN PRÊT DE 500 000 EUROSDepuis la mi-décembre, M. Wulff est mis en cause pour avoir bénéficié d'un prêt immobilier avantageux auprès d'un couple de riches entrepreneurs. Bien qu'il ait un rôle essentiellement honorifique, le président allemand se doit d'être une autorité morale. M. Wulff et son épouse, Bettina, ont emprunté 500 000 euros à la femme d'un chef d'entreprise d'Osnabrück (Nord-Ouest) afin d'acquérir une maison. Ce ne sont pas tant les conditions d'obtention de ce prêt que les déclarations de M. Wulff à ce propos qui ont donné naissance à l'affaire, dans un pays très à cheval sur la morale de ses responsables politiques.
En février 2010, M. Wulff avait dû s'expliquer devant le Parlement régional de Basse-Saxe, État qu'il dirigeait, sur sa relation avec cet entrepreneur, Egon Geerkens, avec lequel il a parfois passé des vacances. Il avait assuré n'avoir aucun lien d'affaires avec cet ami de longue date. S'appuyant sur l'existence du prêt,
Bild a accusé M. Wulff d'avoir menti devant le Parlement. Peu avant Noël, M. Wulff a présenté des excuses, reconnaissant ne pas avoir été "rigoureux".
Par ailleurs, le président est soupçonné par plusieurs médias, lundi, d'avoir obtenu de la banque régionale du Bade-Wurtemberg (BW) un prêt à des conditions avantageuses en remerciement de son rôle dans un sauvetage financier du constructeur automobile
Porsche en 2009.
Les journaux évoquent un possible conflit d'intérêts, M. Wulff ayant siégé en tant que chef du gouvernement régional de Basse-Saxe au conseil d'administration de
Volkswagen, marque sœur de Porsche, et la BW étant la banque du constructeur de voitures de sport.
(http://www.lemonde.fr/europe/article/2012/01/02/le-president-allemand-rattrape-par-les-affaires_1624895_3214.html)