Romandie.com - 22.12.2011
Paris (awp/afp) - Déboires de Photowatt, fermeture de BP Solar, faillite de l'allemand Solar Millenium: la filière solaire mondiale traverse une crise de croissance douloureuse, accentuée tantôt par des errements stratégiques, une concurrence exacerbée ou des revirements gouvernementaux.
Après le placement en redressement judiciaire le mois dernier de Photowatt, pionnier français de la fabrication de panneaux solaires, le secteur a subi deux autres chocs cette semaine.
Le géant pétrolier britannique BP a tiré un trait sur ses 40 ans de présence dans le solaire en décidant l'arrêt de sa filiale BP Solar, pour recentrer ses investissements dans les énergies renouvelables en faveur de l'éolien et des biocarburants. Et en Allemagne, un second fabricant de panneaux, Solar Millenium, a mis la clef sous la porte quelques jours après son rival Solon.
CONCURRENCE CHINOISE
Un paradoxe alors que les panneaux solaires se multiplient comme des petits pains. Selon le cabinet d'études Solarbuzz, la puissance cumulée des installations photovoltaïques mondiales a été multipliée par six en cinq ans, pour atteindre 12 gigawatts l'an dernier.
Si la concurrence exacerbée des fabricants chinois, aux coûts de main-d’œuvre imbattables, est souvent invoquée par les acteurs du secteur, notamment dans le cas de Photowatt, d'autres facteurs se cachent derrière les difficultés de la filière.
En effet, au-delà du "dumping" dont la Chine est régulièrement accusée, les fabricants de panneaux solaires souffrent d'une surproduction générale, liée à l'irruption d'une multitude d'acteurs attirés par une demande exponentielle. De quoi faire dérailler les modèles d'activité des industriels financièrement les plus fragiles, ou qui ne disposent pas d'atouts technologiques leur permettant de se démarquer.
Dans ce contexte mouvant, les erreurs de stratégie ne pardonnent pas. Selon Arnaud Mine, qui dirige la commission photovoltaïque du Syndicat des énergies renouvelables, c'est ce qui a précipité la chute de BP Solar, une société qu'il connaît bien pour avoir dirigé ses activités françaises.
La filiale de BP, au départ spécialisée dans la gestion de projets, a été victime d'un changement de cap malvenu, au profit de la fabrication de panneaux solaires, une activité qui s'est complètement effondrée avec la surproduction actuelle.
VOLTE-FACE DES GOUVERNEMENTS EUROPÉENS
"BP s'est complètement cherché et a changé plusieurs fois de stratégie", explique M. Mine avec amertume, en rappelant que d'autres concurrents comme Elf ou Shell sont aussi "entrés et sortis du solaire sur la base de malentendus".
Enfin, le secteur est également déstabilisé par la volte-face des gouvernements européens, qui ont revu à la baisse des mécanismes de subventions qui s'étaient avérés trop généreux.
Ainsi, en France, après le moratoire de trois mois imposé il y a un an sur la construction de centrales solaires, le gouvernement a remis à plat les règles du jeu, et le tarif de rachat de l'électricité photovoltaïque par EDF a été abaissé à plusieurs reprises.
"Il y a eu des incohérences terribles, une succession de choix et de non choix qui sont préjudiciables à la filière", déplore ainsi M. Mine. Or, "on ne crée pas une industrie sans un minimum de stabilité".
La candidate écologiste à l'élection présidentielle en France, Eva Joly, a quant à elle imputé le dépôt de bilan de Photowatt à "une décision gouvernementale absurde qui (...) a été prise pour protéger l'énergie nucléaire", en référence au moratoire mis en place l'an dernier.
(http://www.romandie.com/news/n/FOCUSLa_filiere_de_l_energie_solaire_secouee_par_une_crise_de_croissance221220111512.asp)