Observatoire de la diversité - 8.12.2011
par Maria Candea
Le Parisien, la Dépêche, Libération et Le Monde se sont fait l’écho la semaine dernière, dans l’indifférence générale, d’une information donnée comme fait divers. Le Monde du droit titre sobrement “Le préjudice d’abstinence sexuelle peut donner droit à réparation” (30.11.2011). Lors d’un divorce à Nice, l’époux a été condamné à verser à son ex-épouse 10 000 euros au titre de “dommages et intérêts pour absence de relations sexuelles pendant plusieurs années”.
On apprend que l’époux condamné à Nice avait essayé de se justifier en appel, avait parlé non d’absence mais d’espacement des relations sexuelles au fil du temps en raison de problèmes de santé et de fatigue chronique liée aux horaires de travail. Tentative vaine, car la cour d’appel d’Aix a confirmé le premier jugement et le chef d’accusation, en mai 2011. L’histoire est passée inaperçue depuis, et le restera apparemment, malgré les quelques entrefilets parus il y a quelques jours.
On se souvient du cas, en 2008, d’un époux qui avait demandé l’annulation de son mariage parce que son épouse n’était pas vierge : le scandale avait été unanime, et le ministère de la Justice s’était auto-saisi et avait fait appel d’une première décision de justice favorable à l’époux. La levée de boucliers avait été impressionnante, à juste raison. Mais il faut dire que l’époux était musulman et pas “français de souche”, ce qui favorise tout de même les mobilisations de masse.
Probablement que dans le cas de Nice ils sont “de souche” tous les deux, et quoi qu’il en soit, l’affaire ne semble pas choquer. Le ministère de la Justice ne s’est pas auto-saisi, la jurisprudence exécrable ne semble poser problème à personne. Tout est conforme à la loi, le tribunal de Nice et la cour d’appel d’Aix ont donc eu raison d’avoir estimé à un tarif clair l’absence de rapports sexuels durant le mariage.
Dès lors, cette affaire mérite tout de même plus de publicité, car il s’agit bien là des tarifs de la prostitution conjugale rendus publics ; et visiblement le non respect du contrat conjugal peut coûter cher. Ces tarifs mériteraient de figurer clairement dans les livrets remis par les mairies à tous les couples futurs mariés de France : toute personne mariée ou future mariée a intérêt à connaître exactement la grille de calcul du montant qui pourra être exigé par le/la partenaire dès qu’il y a eu abstinence.
On aimerait aussi savoir si ce montant est dégressif ou non avec l’âge des protagonistes, comment il se calcule s’il y a une différence d’âge entre les époux, et s’il y a un forfait par mois d’abstinence, ou bien si cela se calcule par trimestre… En tout cas, les femmes et les hommes au foyer ont intérêt à assurer un maximum de ce côté, sinon elles/ils risquent d’entendre un langoureux “tu n’as pas envie, chéri-e ?! on est le 12 aujourd’hui, demain ça fera trois mois ! Tu es sûr-e, chéri-e, que tu as les moyens de ne pas avoir envie ?”...
Grâce au tribunal de Nice, le désir et l’absence de désir se monnaient dans le couple. Merci, pour la jurisprudence. Les notions d’affection, de complicité, de consentement doivent sérieusement être nuancées par les capacités financières des marié-e-s. Et par ces temps de chômage en hausse, gare aux couples qui tiennent malgré la quasi-absence de rapports sexuels : ce sera à celui qui attaquera le premier au tribunal...
Il paraît que le nombre de mariages ne cesse de diminuer, en France. Si les gens connaissaient mieux le droit français en matière de mariage et de divorce, cette institution finirait par être abolie d’office, faute de volontaires.
(http://observatoire2.blogs.liberation.fr/diversite/2011/12/la-prostitution-conjugale-tarif%C3%A9e-%C3%A0-nice.html)