Le Soir d'Algérie - 25.10.2011
Le défunt président Houari Boumediène n’était donc pas ce parangon de la bravoure que l’histoire officielle avait travaillé à façonner. Mohamed Salah Yahiaoui nous apprend, en effet, que lors du coup d’État du 19 juin 1965, Boumediène avait prévu de fuir le pays en cas d’échec de sa tentative de destituer le président Ahmed Ben Bella.
Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) - Les langues se délient et révèlent parfois des faits importants jusque-là méconnus. Même homéopathiques, ces déballages, devenus récurrents depuis que des «historiques» ont entrepris d’écrire et de publier leurs mémoires, dévoilent souvent des faces cachées de statures dont l’éclat est un pur produit du vernissage officiel. Et c’est à la lecture des mémoires récemment publiés de Tahar Zbiri que Mohamed Salah Yahiaoui, qui joua un rôle actif de premier ordre dans le coup d’État, a eu l’éclair de témoigner sur cette folle nuit algéroise.
En vrai, il prend, dans Echourouk d’hier, soin de partager une confidence qui lui a été faite par l’ancien ministre de l’Agriculture et membre du Conseil de la révolution Tayebi Larbi à la mort de Boumediène en 1978. « Vous ignorez quelque chose à la fois important et dangereux et qui a trait à la nuit du 19 juin 1965. La nuit où vous meniez une des plus dangereuses opérations et que vous étiez entre la vie et la mort… un autre groupe de membres du Conseil de la révolution (et il me cite les noms de Boumediène, Medeghri, Bouteflika, Kaïd Ahmed, Cherif Belkacem et Chabou Abdelkader) a préparé un avion au niveau de l’aérodrome militaire de Boufarik, en prévision d’un échec éventuel de l’opération », a témoigné Mohamed Salah Yahiaoui qui, au passage, a précisé que la confidence lui a été faite au siège du parti (FLN, ndlr) dont il était responsable exécutif.
Mohamed Salah Yahiaoui a relevé que, dans ses mémoires, Tahar Zbiri n’a pas mentionné ce fait. Ce qui signifie qu’il était lui également mis au parfum de cette préparation à la fugue et à l’exil en cas d’échec. Il serait d’ailleurs intéressant de découvrir vers quelle contrée d’accueil Boumediène et ses amis de putsch ils avaient prévu de s’envoler en cas d’avortement de leur coup d’État. La réponse à cette question est détenue par au moins un des six compagnons cités par Tayebi Larbi qui est toujours de ce monde, le président Bouteflika, en l’occurrence. Mais va-t-il trahir ce qui apparaît comme un secret jalousement gardé ? Peu probable, d’autant que le fait l’implique. Cela étant, Mohamed Salah Yahiaoui, qui n’a su la chose que 13 années plus tard, a tiré une conclusion : « Cette opération a montré, une nouvelle fois, que nous étions toujours considérés, nous dirigeants de l’intérieur, comme second collège. »
S. A. I.