Le Point.fr - 17/08/2011
par Anne Jeanblanc
Le cytomégalovirus, retrouvé chez plus de la moitié de la population française, pourrait devenir une nouvelle cible pour les cardiologues.
Une équipe du centre de cardiologie de l'hôpital de Chaoyang à Pékin annonce avoir établi, pour la première fois, un lien entre le cytomégalovirus (CMV) et la forme la plus commune d'hypertension, celle dite "essentielle" car sa cause n'est pas connue. Souvent associée à des facteurs génétiques et à une mauvaise hygiène de vie, cette maladie s'aggrave avec l'âge. Elle est souvent impliquée dans les accidents cardiaques ou vasculaires cérébraux. Selon le travail publié dans la revue américaine Circulation, des centaines de millions de personnes dans le monde seraient concernées par cette découverte.
"Le CMV appartient à la famille des herpesviridae, comme les virus de l'herpès et de la varicelle", rappelle le Dr Sébastien Hantz (Laboratoire de virologie du CHU de Limoges et centre national de référence des cytomégalovirus). "Dans les pays industrialisés, il est présent chez 50 à 60 % de la population. On le retrouve dans les différents sécrétions corporelles : la salive, les urines.... et il s'acquiert souvent au cours de l'enfance, en crèche ou à l'école. Une fois contractés, ces virus persistent toute la vie dans l'organisme, à l'état latent." Les infections sont la plupart du temps asymptomatiques chez les individus dont le système immunitaire fonctionne correctement. Elles peuvent, en revanche, être très graves chez les personnes qui souffrent du sida ou qui ont bénéficié d'une greffe d'organe en raison du traitement immunosuppresseur qu'elles doivent alors prendre.
En pratique, les spécialistes chinois ont commencé par rechercher la présence de CMV chez les personnes à étudier. Ils l'ont retrouvé dans près de 95 % des cas, ce qui est la moyenne de la prévalence dans leur pays. Ils ont ensuite créé deux groupes de patients, les uns hypertendus, les autres pas. "Mais quand ils ont mesuré la charge virale, ils se sont rendu compte qu'elle était plus élevée dans le groupe des hypertendus", explique le Dr Hantz. "Cela veut dire que le virus était plus actif, qu'il se multipliait (se répliquait) davantage que chez les normotendus." De plus, ils ont montré que les virus des hypertendus produisaient en plus grande quantité une substance intervenant dans des voies qui pourraient augmenter la tension artérielle.
Un vaccin ?
Certes, le CMV est bien plus fréquent en Chine qu'en France. Dans notre pays, son rôle dans l'hypertension pourrait donc être moins important que d'autres facteurs de risque. "Mais cette piste mérite d'être explorée, même si les résultats chinois ne sont pas directement transposables", estime Sébastien Hantz. En revanche, il tempère l'optimisme de l'un des auteurs de l'étude, Yang Xinchun. Ce dernier a expliqué à l'AFP que cette découverte pourrait conduire à terme à la mise au point d'un vaccin qui permettrait d'empêcher la survenue d'hypertension. "Les travaux concernant le vaccin anti-CMV sont encore préliminaires", affirme-t-il. "Certes, un essai a montré une efficacité de 50 % sur la prévention de l'infection congénitale chez des femmes à très haut risque. Mais d'autres études doivent confirmer ce premier résultat." En attendant, les règles hygiéno-diététiques et les médicaments traditionnels restent de mise.