Avec insistance, depuis quelque mois, les spécialistes financiers du monde entier analysent, non sans une sérieuse préoccupation, les effets catastrophiques et apparemment incontournables de la chute annoncée du dollar.
Devenu quasiment monnaie de singe, dès 1971, par suite de la décision prise par Nixon, au plus fort de la guerre ruineuse du Vietnam, de détacher désormais le dollar de sa valeur or, le billet vert, qui a fait depuis la fortune des USA, menace d’engloutir l’ensemble de l’économie mondiale dans une ruine qui rappelle de triste mémoire la célèbre crise de 1929.
Pour bien comprendre le mécanisme ayant abouti à cette extrémité, il faut expliquer comment le monde occidental, tout particulièrement, s’est laissé prendre au piège tendu à l’époque par Nixon.
Rappelons d’abord que de Gaulle, qui n’était pas dupe, avait longtemps guerroyé contre le monopole abusif institué par le dollar sur la scène économique internationale, même si de son temps la monnaie américaine était garantie par sa contrevaleur or que la Réserve fédérale débloquait à tout moment en contrepartie des billets verts qui lui étaient présentés. Il faut dire que les transactions internationales libellées essentiellement, pour ne pas dire totalement, en dollars, dès la fin de la seconde guerre mondiale, n’ont jamais profité qu’à l’expansion directe des seuls USA, dont la foison de papier monnaie réparti dans le monde permettait, sans même verser en retour le moindre penny dans une autre monnaie, de s’accaparer gratuitement le plus gros volume des transactions opérées dans le monde. Du coup, sauf à améliorer sensiblement les ventes de leurs propres entreprises, les USA ne pouvaient trouver d’autre intérêt à exporter leur production puisque leurs clients leur renvoyaient en paiement leurs propres dollars. Depuis notamment le relèvement substantiel des prix du pétrole, intervenu en 1973, ils n’ont quasiment plus besoin de chercher à accroître leurs exportations à travers le monde, l’excédent requis en dollars pour la consommation mondiale de pétrole offrant davantage de perspectives d’importation de produits étrangers, contre l’émission nouvelle de simples billets verts, au demeurant non garantis officiellement.
Dans une telle arnaque, où le monde entier s’acharne quasiment à contribuer au seul développement des USA, il se trouve, cependant, que des banques, et des plus importantes de ce pays, ont dispensé d’énormes crédits aux entreprises comme aux particuliers qu’un simple retour de manivelle empêche de recouvrer désormais. En effet, des pays, et non des moindres, comme la Chine, le Japon et l’Inde, ont tant amassé de dollars, non garantis faut-il le rappeler, dans leurs caisses qu’ils ne peuvent plus longtemps différer leur besoin de les échanger contre des monnaies plus sûres, comme l’euro ou le yen. Et c’est justement cet afflux impromptu qui sonnerait irrémédiablement le glas du billet vert, et ce faisant de tout l’empire américain, voire de toute l’économie mondiale, que redoutent les trésoriers non seulement américains mais occidentaux en général. Car la chute du dollar entraînerait inexorablement celle à la fois des banques américaines et des milliers d’entreprises multinationales dont les capitaux les lient les unes aux autres.