Un article publié sur le blog de Big Browser (du journal Le Monde) donne à réfléchir pour plusieurs raisons, à propos de l'activisme observé chez Sarkozy ces derniers temps.
Ballotté par une série de déconvenues au plan interne, à cause de ses échecs aux élections régionales et locales mais aussi de ses prises de position bien souvent maladroites à propos des Roms, de l'islam, de l'immigration mais aussi de la loi sur les retraites, des scandales qui ont affecté plusieurs de ses ministres, le président français a eu beau se démarquer de l'extrémisme de droite, chacune de ses décisions en démontre le contraire.
À propos particulièrement de la Libye, il y a aussi quelques motifs de rattacher son soudain intérêt pour la démocratie chez les États arabes et particulièrement en Libye à la menace brandie publiquement par le dictateur de Tripoli de dévoiler les preuves du financement sur fonds libyens de la campagne électorale de Sarkozy de 2007 qui lui a permis de se hisser à la magistrature suprême. Pourtant, chacun garde le souvenir très frais d'une diplomatie française complètement marginale de M.A.M., largement soutenue par ses supérieurs, qui était a contrario aux antipodes des attentes des Tunisiens et des Égyptiens il y a quelques semaines à peine...
Mais l'approche de Big Browser est d'une tout autre nature non moins intéressante qui mérite de figurer ici. La voici.
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Blog de Big Browser (http : http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2011/03/29/libye-fait-on-la-guerre-pour-la-popularite-de-sarkozy/
29 mars 2011
Plus d’une semaine après le début de l’intervention militaire internationale en Libye, l’éditorialiste américaine Anne Applebaum n’y va pas par quatre chemins et s’interroge publiquement sur Slate.com : “Le président français a-t-il défendu l’intervention en Libye pour avoir de meilleures chances d’être réélu ?”
Depuis le début de cette intervention militaire, la France a en effet joué un rôle prépondérant. Paris a été le premier pays à reconnaître officiellement les rebelles libyens du Conseil national de transition. L’article rappelle que c’est surtout grâce à Bernard-Henri Lévy, “philosophe-pop tellement français qu’il n’y a pas d’équivalent américain”.
“Nous n’avons pas de philosophes qui portent des chemises déboutonnées, épousent des actrices blondes, et choisissent avec enthousiasme un camp dans des guerres au Bangladesh, en Angola, au Rwanda, en Bosnie.”
La diplomatie française a également largement contribué à faire adopter la résolution 1973 à l’ONU. Et le gouvernement français a pris les devants politiques, en organisant un sommet à Paris pour acter le début des bombardements.
Sarkozy espère clairement que l’aventure libyenne va le rendre populaire, écrit Anna Applebaum, avant de raconter l’anecdote suivante :
“Personne ne s’en étonne, d’ailleurs. Lors d’une conférence de presse à Bruxelles, la semaine dernière, j’ai vu un participant français se vanter du rôle de la France dans la campagne aérienne en Libye. A peine une minute plus tard, il était tout à fait d’accord pour dire que cette guerre était un stratagème pour aider à la réélection de Sarkozy.”
Pour Anne Applebaum, les Etats-Unis sont désormais embarqués dans une intervention militaire dont les buts ne sont pas précis et l’issue plus qu’incertaine. L’Union européenne, elle, ressort de cette guerre en très mauvaise posture. “Si le but de Sarkozy était d’exposer la faiblesse et les incohérences de la diplomatie européenne, il n’aurait pu mieux faire”, écrit-elle.
Pour étayer son analyse, l’éditorialiste fait ensuite un paralèlle entre les bombardements en Libye et les élections cantonales en France :
“Les socialistes français ont triomphé lors d’élections locales ce week-end. Les rebelles libyens ont triomphé à Brega et Ras Lanouf. En France, les regards sont déjà tournés vers l’élection présidentielle de 2012. En Libye, le regard des rebelles est tourné vers Tripoli. Vous ne pensez pas que ces choses sont liées. Mais, bien entendu, elles le sont.”
Elle conclut en disant que pour Nicolas Sarkozy – “un président français dont l’empressement à prendre de vrais risques pour jouer un rôle, n’importe quel rôle (…), est sans précédent” –, cela se joue désormais “à quitte ou double”.