L'on a évoqué, à l'occasion des crises tunisienne et égyptienne, la fortune colossale de Ben Ali estimée entre 8 et 10 milliards de dollars, d'un côté, puis, de l'autre, celle de Mubarak, beaucoup plus élevée, entre 40 et 70 milliards de dollars qui place ce dernier dans les tout premiers rangs des grands riches de la planète. Toutes deux, rappelons-le, ont été acquises sous l'empire des détournements de fonds publics ou des rétrocommissions exigées des fournisseurs de biens et autres équipements acquis à l'étranger.
Ce faisant, l'on a complètement perdu de vue les vols perpétrés par Bouteflika du temps où il exerçait les fonctions de ministre des Affaires étrangères entre 1964 et 1978. La Cour des comptes qui le poursuivait à ce sujet l'avait jugé et condamné à rembourser le montant total des soldes budgétaires des ambassades inutilisés et virés sur ses deux comptes personnels en Suisse.
Voici l'arrêt rendu à l'époque par la Cour et tel que le journal El-Moudjahid l'a publié et tel que repris aujourd'hui par le site lematin.dz de Benchicou :
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Dans son arrêt définitif du 8 aout 1983, la Cour des comptes rendait public son verdict (publié alors par le quotidien El Moudjahid dans son édition du 9 aout 1983):
"M. Abdelaziz Bouteflika a pratiqué à des fins frauduleuses une opération non conforme aux dispositions légales et réglementaires, commettant de ce fait des infractions prévues et punies par l'ordonnance n° 66-10 du 21 juin 1966 et les articles 424 et 425 du code pénal.
Agissant alors en qualité de ministre des Affaires étrangères, M. Abdelaziz Bouteflika avait successivement ordonné aux chefs de missions diplomatiques et consulaires, par instructions :
- N° 20 du 14 février 1966 et n° 33 du 1er décembre 1966, de conserver au niveau des postes les soldes disponibles qui devront faire l'objet d'instructions ultérieures particulières;
- N° 36 du 1er mai 1967, d'ouvrir des comptes particuliers devant abriter ces disponibilités;
- N° 68 du 1er octobre 1969, enfin, de procéder au transfert des reliquats disponibles vers deux comptes bancaires ouverts auprès de la Société des Banques Suisses, les reliquats des exercices ultérieurs devant avoir désormais la même destination.
Le gel de cette importante trésorerie, qui a notamment profité à un organisme étranger, n'a donc obéi à aucun texte législatif ou réglementaire et sa gestion échappait totalement au contrôle du Trésor".
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Remarque :
1) Compte tenu du chèque libellé en francs suisses d'une contre-valeur de 12 212 875,81 dinars émis en faveur du Trésor public en date du 5 janvier 1979, sous la pression de Chadli Bendjedid, président de la République à l'époque, il reste un montant dû à l'État algérien de 58 868 679,85 dinars. Réévaluée au cours actuel, cette somme doit être théoriquement multipliée par 20,5, soit 1 206 807 920,00 dinars, sans préjudice, bien sûr, des sommes pouvant être dues pour des opérations éventuellement frauduleuses effectuées depuis son accession à la présidence de la République en 1999.
2) En s'abritant derrière l'argument selon lequel il faudrait que d'autres responsables ayant également détourné de l'argent public le restituent avant que lui-même ne se plie à cette obligation, Bouteflika fait montre d'une légèreté et d'une malhonnêteté qui en disent long sur son approche de la morale publique.