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 Décès de l'islamologue Mohamed Arkoun

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3 participants
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Oussan

Oussan


Nombre de messages : 274
Date d'inscription : 05/04/2007

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MessageSujet: Décès de l'islamologue Mohamed Arkoun   Décès de l'islamologue Mohamed Arkoun EmptyMer 15 Sep - 18:17

Décès de l'islamologue Mohamed Arkoun Arkoun13 Mohamed Arkoun, professeur agrégé de la pensée islamique à la Sorbonne, dont les œuvres font autorité de par le monde, s'est éteint aujourd'hui à sa 82è année, indique une dépêche AFP.

Le défunt, né à Taourirt Mimoun, Beni-Yenni, en haute Kabylie, s'était fait remarquer par ses sérieuses études islamiques et surtout par ses initiatives pour le dialogue interreligieux.

Lors de sa dernière apparition, toute récente, sur la chaîne Beur.tv, Arkoun se plaignait de l'aveuglement des autorités algériennes qui cultivent toujours un complexe d'infériorité devant de prétendus islamologues du Moyen-Orient, auxquels ils continuent de confier, sans la moindre méfiance, le sort de leurs propres enfants. Il avait cité notamment le cas d'El-Ghazali, un homme porté aux nues par Chadli qui l'avait recruté d'Égypte et l'avait nommé à la tête de l'Université de Constantine.

L'on sait, en effet, aujourd'hui les lourdes conséquences de l'arabisation irréfléchie et effrénée portée par les présidents successifs de l'Algérie depuis l'indépendance. Elle s'est traduite par l'explosion de haine développée chez les jeunes devenus en masse, dès 1990, des sanguinaires capables d'égorger père et mère pour le soi-disant salut de l'islam.

Arkoun, qui avait donc très tôt mis en garde les autorités contre l'enseignement mal contrôlé de l'islam, mesurait alors le grand danger, pour l'avenir des nouvelles générations, de recruter des ignares ou des charlatans du Moyen Orient.

A dire vrai, il est de notoriété publique que le Coran peut être diversement interprété, et l'on ne saurait imputer la responsabilité de leurs crimes aux seuls terroristes qui ont fatalement fait l'une des lectures la plus équivoque de ce texte.

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Nabila

Nabila


Nombre de messages : 224
Date d'inscription : 14/05/2007

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MessageSujet: Re: Décès de l'islamologue Mohamed Arkoun   Décès de l'islamologue Mohamed Arkoun EmptyLun 20 Sep - 19:33

Les funérailles du défunt, bien qu'elles n'aient attiré grand monde du côté des officiels algériens, ont réuni de nombreux hommes politiques, des intellectuels étrangers et autres compatriotes qui ont tenu à lui rendre un dernier hommage.

Les journaux algériens ont, de leur côté, salué la mémoire d'un grand homme dont la dépouille, conformément à ses vœux sans doute, est allé reposer non sur sa terre natale mais au Maroc.

Le site de Benchicou lematin.dz lui a notamment rendu un hommage appuyé, que nous reproduisons ci-après intégralement.

*************************************************************************************
Arkoun inhumé au Maroc : le régime algérien préfère les « intellectuels organiques »

le 18 Septembre, 2010 - lematin.dz

L’Algérie du peuple pleure son penseur, le grand islamologue Mohamed Arkoun. mais l’Algérie officielle ne le reconnaît pas. Aucun geste officiel. Le mépris. A la levée du corps, jeudi dernier à Paris, il y avait l’ambassadeur du Qatar, mais pas celui de l’Algérie. Il y avait des diplomates de plusieurs pays arabes et musulmans, notamment du Maroc, de Tunisie, du Qatar et du Koweït, venus saluer la mémoire de l’homme, mais surtout associer, pourquoi pas, le nom de cet illustre savant de l’Islam à leur pays, pour le prestige et pour la postérité. L’Algérie, sa mère patrie, ne s'est distinguée que par la présence du directeur du Centre Culturel Algérien, Yasmina Khadra, et un représentant de l'ambassade d'Algérie ! Oui, un simple représentant pour dire au revoir à un penseur qui a marqué son siècle par sa pensée profonde et sa réflexion révolutionnaire sur l'islamologie. « L’Algérie a préféré y aller sur la pointe des pieds pour que les autres ne la voient pas se recueillir sur l’un de ses dignes fils… », écrit El-Watan.

« Du haut de son érudition, Mohamed Arkoun n’a pas les éloges dus à sa carrure intellectuelle. Ce jeudi, on était loin de la mobilisation d’un ministre d’Etat pour aller représenter le président de la République aux funérailles du cheikh de la zaouïa Tidjania, à Adrar, le regretté cheikh Sidy Mahmoud. On était aussi loin des funérailles quasi officielles organisées pour la défunte épouse d’un ex-président à El Alia. Mohamed Arkoun est-il donc un banni pour qu’il soit fui comme la peste ? », se demande l’éditorialiste.

La question est posée.

Alors Arkoun reposera au Maroc et non pas dans notre pays ! Peut-être là où il ne sera pas traqué.

Comment peut-on bannir un fils si honorable ?

Les ouvrages d'Arkoun enrichissent les bibliothèques du monde entier, mais pas celles de l'Algérie.

Il fut l'initiateur d'une chaire à la Sorbonne sur « l'islamologie appliquée ». Ses cours et conférences dans de nombreuses universités (Princeton, Londres, Berlin, Caire, Strasbourg, Amsterdam…) ont marqué l'aura de ce grand savant méconnu chez lui. Mohamed Arkoun a aussi été membre du Comité directeur puis du jury du prix Aga Khan d'architecture (1989-1998), du jury international du Prix Unesco de l'éducation pour la paix (2002), et du Conseil scientifique du Centre international des sciences de l'homme de Byblos (Liban, Unesco).

Des distinctions, Arkoun en a reçu beaucoup, dont celle d'officier de la Légion d'honneur en 1996, d'officier des Palmes académiques et du titre de docteur honoris causa de l'université d'Exeter au Royaume-Uni. Il a été destinataire d'un des plus prestigieux honneurs qu'un chercheur puisse recevoir en étant invité à donner « les conférences de Gifford » à l'université d'Edimbourg. Il est aussi récipiendaire en 2002 du 17e « Giorgio Levi Della Vida Award » pour l'ensemble de ses contributions dans le domaine de l'étude islamique et lauréat en 2003 du prix Ibn-Rushd.

Oui, comment peut-on bannir un fils si honorable ?

Comment Bouteflika peut-il se dire « homme de paix » et ignorer Arkoun qui militait aussi pour un dialogue interreligieux capable de trouver les ponts d'entente, ce qui lui a d’ailleurs valu d'être qualifié de « passeur » entre les religions ?

La réponse est donnée par l’éditorialiste d’El-Wartan qui rappelle que Mohamed Arkoun « avait divorcé d’avec les régimes d’Algérie depuis l’indépendance. Il avait choisi son camp, celui de ne pas être l’amuseur de la galerie ou le chef de la zaouïa prompt à applaudir au quart de tour les tenants du pouvoir. Mais c’est visiblement d’un crime de lèse-majesté dont il a été rendu coupable sans possibilité de rémission, même après sa mort. »

Ghaleb Bencheikh, le penseur musulman et animateur de l'émission "Islam" sur France 2, confirme en déclarant que Mohamed Arkoun en homme libre, « avait des critiques acerbes contre les régimes successifs ».

Que disait Arkoun ?

« Rien ne se fera sans une subversion des systèmes de pensée religieuse anciens et des idéologies de combat qui les confortent, les réactivent et les relaient. Actuellement, toute intervention subversive est doublement censurée : censure officielle par les États et censure des mouvements islamistes. Dans les deux cas, la pensée moderne et ses acquis scientifiques sont rejetés ou, au mieux, marginalisés. L'enseignement de la religion, l'Islam à l'exclusion des autres, est sous la dépendance de l'orthodoxie fondamentaliste. »

Voilà ce que disait Arkoun. Il parlait en combattant pour la démocratie, la laïcité et la paix.

Et ça, le régime d’Alger n’aime pas.

Dans ses études sur les régimes arabes post-indépendance, l'éminent professeur disait que « les échecs ont commencé dès le lendemain de l'indépendance. Partout se sont imposés des régimes policiers et militaires, souvent coupés des peuples, privés de toute assise nationale, indifférents ou ouvertement hostiles à tout ce qui peut favoriser l'expansion, l'enracinement d'une culture démocratique. Les moyens par lesquels les régimes se sont mis en place n'ont, nulle part, été démocratiques ».

On comprend que le régime d’Alger ne porte pas Arkoun dans son cœur.
« Il est pour le moins indécent de vouloir faire descendre un personnage aussi flamboyant et charismatique de son piédestal pour le simple fait qu’il n’émarge pas au registre des intellectuels organiques si bien décrits par Gramsci. »

C’est ainsi : Bouteflika n’aime que les "intellectuels organiques".

Alors Arkoun reposera au Maroc et non pas dans notre pays ! Peut-être là où il ne sera pas traqué. « Les Algériens voudraient qu'il soit enterré en Algérie. Mais c'est sa volonté et celle de sa femme d'être enterré à Casablanca. Mais là où il va, il est chez lui en tout cas. Je sais que son pays, la Kabylie, l'a toujours acclamé, donc peut-être que c'est une double perte pour eux car ils auraient tant voulu qu'il soit parmi eux »,a déclaré, les larmes aux yeux, le neveu de Mohamed Arkoun.
L.M.

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Redflane

Redflane


Nombre de messages : 173
Date d'inscription : 08/06/2007

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MessageSujet: Re: Décès de l'islamologue Mohamed Arkoun   Décès de l'islamologue Mohamed Arkoun EmptySam 9 Oct - 16:22

Ahmed Cheniki revient, par une contribution publiée aujourd'hui dans le Soir d'Algérie, sur le manque d'intérêt marqué par les pouvoirs publics à l'égard de feu Arkoun qui a brillé partout ailleurs dans le monde sauf dans son propre pays.

Il est vrai que le régime algérien n'a jamais blairé qu'on daigne lui faire la leçon sur ses excès notamment dans le domaine des libertés publiques, de la démocratie, de la corruption, etc., surtout quand cette leçon vient d'un authentique ressortissant algérien.

Dans le cas d'espèce, même l'œuvre d'Arkoun, d'un apport pourtant considérable pour la compréhension de l'islam, est restée inconnue de la société algérienne, à cause précisément des obstacles dressés par le système en place, exclusivement obnubilé par l'unique problème de sa pérennité.

Écoutons donc Cheniki :
***************************************************************************************
Les libres choix de Mohamed Arkoun

par Ahmed Cheniki

A n’y rien comprendre. A lire les textes contradictoires de nombreux éditorialistes et universitaires, Mohamed Arkoun qui est de double nationalité, algérienne et française, deux patries, devrait être officiellement reconnu par «le pouvoir» algérien alors qu’on fustige en même temps les gouvernants de ce pays qui, c’est une évidence, n’ont jamais marqué leur préférence à la dimension culturelle et aux vraies élites intellectuelles de ce pays, c’est-à-dire les «intellectuels» critiques.

D’un côté, on s’attaque, souvent à juste raison d’ailleurs, aux gouvernants et à ceux censés diriger la culture et on exige leur reconnaissance. Drôle de logique qui fait du locuteur un soutien, peut-être, involontaire du «pouvoir», qui, pour se dédouaner, aurait dû reconnaître officiellement tel ou tel homme. Discours trop conformiste, à la limite de la stéréotypie. Je verrais mal Kateb ou Alloula quémander cette reconnaissance. Parce qu’ils ont vécu au sein de leur peuple, vivant ses malheurs et ses belles choses et cherchant, à travers leurs actions artistiques et politiques, à changer les choses.

Il faut avoir le courage, c’est une entreprise courageuse, aujourd’hui, le grand penseur Arkoun, proche du sérail marocain et quelque peu de Nicolas Sarkozy qu’il considère comme quelqu’un qui connaît très bien les questions de l’islam, a choisi, c’est son droit le plus absolu de s’installer à Paris, après ses études supérieures, en assurant un cours comme professeur à Paris-Sorbonne et en épousant les contours de la nationalité à côté de l’Algérienne. C’est un choix libre d’un homme libre. L’Algérie était trop loin de ses préoccupations.

Encore une fois, il faut rendre hommage à Arkoun pour le fait qu’il ne soit pas tombé dans la quête de médailles dans ce pays. L’intellectuel, et il a bien saisi, c’est surtout le récepteur, celui qui arrive à déchiffrer son discours.

Travail révolutionnaire, au niveau épistémologique et philosophique, la réflexion de Mohamed Arkoun, qui ne se détache pas radicalement des courants classiques de l’islamologie européenne, permet une plongée sérieuse et profonde dans les espaces herméneutiques et ontologiques de la pensée musulmane, privilégiant l’aspect historique à un traitement essentialiste, idéologiquement trop rétrograde. Il inscrit son interrogation dans la même perspective d’Edward Saïd qui, dans la radicalité de son discours (notamment dans son ouvrage L’orientalisme), tombe, à l’instar d’ailleurs de Fanon (surtout dans Les damnés de la terre, il est vrai, rédigé dans la précipitation), dans le travers dénoncé, c’est-à-dire le rejet de l’autre, la culture européenne ou « occidentale » (notion trop ambiguë dont il reste à définir les contours).

C’est vrai que la question de l’altérité est complexe, [?] il apporte d’ailleurs une critique fondamentale de Foucault et de Ricœur qui construiraient leur discours sur l’altérité à l’orée du déni de l’islam, inscrivant leurs pratiques exclusivement dans la logique judéo-chrétienne. Cette critique est essentielle.

Ne rejetant nullement les apports de toutes les cultures humaines, Mohamed Arkoun s’en prend au discours de « monuments » de la culture européenne qui partirait dans leurs constructions herméneutiques, volontairement ou involontairement du terreau judéo-chrétien, appelant philosophes, sociologues, historiens et chercheurs à « réécrire toute l’histoire des systèmes de pensée ».

Proposition fortement osée [est] celle qui invite à une profonde interrogation des outils conceptuels dominants. Mais les universitaires arabes et musulmans, trop marqués par le confort de la paresseuse reproduction de valeurs dominantes, considérées comme universelles, sont-ils à même d’élaborer de nouvelles constructions théoriques en fondant leurs recherches à partir d’un questionnement des espaces culturels universels, excluant tout déni de l’autre, osant élaborer une autre relation avec la question si complexe de l’altérité.

Un communiqué officiel du ministère de la Culture évoquant une illusoire adhésion de Mohamed Arkoun au « dialogue des cultures » ne semble pas avoir saisi le discours de l’intellectuel qui n’a rien à voir avec ces deux slogans peu opératoires « conflit » ou « dialogue » des cultures, préférant favoriser un discours humaniste mettant en jeu un autre rapport avec l’altérité, pensée comme lieu de rencontre de valeurs humaines potentiellement marquées par la nécessité de la « raison critique ». Mohamed Arkoun n’a pas besoin de reconnaissance officielle, ni à Paris ni à Alger. Ceux qui voudraient l’embaumer, en quêtant de tardives reconnaissances, contribueraient à souiller sa mémoire, alors que ce grand intellectuel, qui a passé toute sa vie à interroger les lieux les plus délicats de la sphère musulmane et de la pensée humaine, pourrait être à l’origine de grands débats. Osons les organiser, sans complaisance ni éloge funèbre. On aurait voulu que des intellectuels de renom comme Arkoun, Bencheikh et Dib, par exemple, soient enterrés dans leurs villages respectifs, à côté de leurs parents (qui ne sont nullement des suppôts du pouvoir, mais qui ont souffert le martyre pour leur permettre d’être ce qu’ils sont), à l’instar de Kateb Yacine ou de Abdelkader Alloula, contribuant, par leurs savoirs, surtout, dans les espaces universitaires et même publics, en Algérie, sans l’appui des pouvoirs, à éveiller les consciences, à travers l’organisation de conférences et d’ateliers. Le choix d’être enterrés, loin de leur famille, en Kabylie ou à Tlemcen, est une option qui les regarde. Un point, c’est tout.

Loin des simagrées des « exilés » du troisième type, maintenant leurs fesses entre deux chaises, à Paris ou ailleurs, voulant profiter, sans efforts de la rente ici et là-bas, faisant de l’Algérie leur fonds de commerce fétiche, Arkoun était un véritable quêteur de sens, un intellectuel qui osait porter un regard critique sur le parcours islamique, loin des loupes essentialistes, figeant toute posture scientifique, mais en interrogeant l’histoire, empruntant les chemins ouverts par l’école des Annales, usant de sa triade préférée : transgression, déplacement et dépassement, engendrant ainsi la production d’un nouveau sens, d’une nouvelle attitude critique, déconstruisant sciemment le discours pour en ressortir un lexique drapé d’une enveloppe sémantique nouvelle, née justement de cette interrogation approfondie d’un langage souvent atrophié, connaissant de sérieux dérèglements. C’est une véritable bataille du sens, une révolution sémantique, mettant en danger ces « bricolages idéologiques », espaces privilégiés du conformisme faussement scientifique de zélateurs médiocres, peuplant nos universités, champions d’une accumulation factice de faits, incapables de développer un raisonnement critique. Arkoun parle justement de « raison critique », non pas de « raison aristotélicienne » ou « cartésienne », mais cela ne veut nullement dire qu’il rejette ces apports fondamentaux, d’ailleurs repris par les philosophes de l’«âge d’or» de l’Islam (IVe-Xe siècles) dont il vante souvent les mérites d’une extraordinaire ouverture. Ainsi, il met en pièces les discours nationalistes et wahhabite, mais également les attitudes de certains orientalistes européens.

C’est dans ce sens que son discours, au même titre que Jabiri, Mroua ou Tizini, Fanon et Saïd, est singulier, empruntant une perspective multithématique, interrogeant les paramètres culturels, sociaux, politiques et religieux, nous donnant à voir les lieux réels présidant à l’évolution du monde musulman, avec ses régressions et les nouvelles attitudes culturelles d’aujourd’hui. Il rompt ainsi avec cette linéarité narrative caractérisant les travaux de certains orientalistes et lettrés musulmans, se satisfaisant d’une plongée essentialiste, décontextualisant ainsi les faits, les isolant de leurs conditions de production et d’énonciation. Ce qui est peut-être discutable dans cette logique, c’est ce récurrent parallèle que fait Arkoun entre l’âge d’or, considéré comme foncièrement positif et le monde musulman contemporain, trop négatif, sans aller chercher dans les contradictions travaillant les sociétés, proposant un regard trop statique, évacuant les différentes articulations caractérisant le vécu de communautés humaines engluées dans des antagonismes sans fin et une extraordinaire course pour le pouvoir.

La couverture du décès de ce grand penseur a failli évacuer la triste réalité des « élites » dans notre pays, marginalisées et mises au ban de la société. Les rares « intellectuels » critiques subissent tragiquement le contrepoids d’un tel discours contribuant à enterrer davantage ces quelques voix libres investissant le champ intellectuel national et confortant l’idée d’un terrain intellectuel vierge que ne pourraient dignement occuper que ceux qui ont fait le choix personnel de s’installer ailleurs.

Ayant choisi de ne pas quitter leur pays, ni opter pour une autre nationalité, ils tentent, avec les moyens du bord, de produire un autre discours, révélant la situation trop peu enviable des espaces « lettrés » en Algérie et construisant un contre-discours pouvant permettre de mieux cerner, à partir de la culture de l’ordinaire, la gestion anachronique des espaces sociaux.

Arkoun reste un grand penseur, un empêcheur de tourner en rond.
A. C.
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