Au nombre des "brillantes et lumineuses" initiatives mises en place par Sarkozy et son équipe, "le bouclier fiscal" qui avait tant fait parler de lui lors de son lancement, leur pète aujourd'hui à la figure avec les révélations jetées en pâture sur la place publique par l'affaire Bettencourt-Woerth.
Le site Rue89 consacre à cette question un article fort intéressant que j'ai jugé utile de copier ci-après à l'attention des lecteurs de Thilelli.
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Les 30 millions de Bettencourt ou la faillite du bouclier fiscal
Par Pierre Haski | Rue89 | 02/07/2010
A son corps défendant, Liliane Bettencourt est en train de devenir le révélateur de bien des maux actuels, au gré du déluge de révélations qui la concernent, elle et sa fabuleuse fortune. Ainsi, les 30 millions d'euros qu'elle a reçus en 2008 au titre du « bouclier fiscal » font réagir, non pas que ce paiement du Trésor public ne soit pas légal, mais pour ce qu'il révèle de l'arnaque de ce même bouclier.
Face à l'ampleur de ce remboursement de l'État révélé par Mediapart, et qui a été effectué au titre du bouclier fiscal instauré par la majorité UMP dès l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007, Dominique Paillé, le très dévoué porte-parole du parti majoritaire, est monté au créneau avec un argument dont il ne mesurait sans doute pas l'ironie absurde.
Il a réaffirmé sur France culture vendredi matin que le bouclier fiscal avait été instauré pour que les gros contribuables, ceux qui se voient rembourser les montants dès qu'ils dépassent les 50% de prélèvements, restent en France et ne partent pas à l'étranger.
« Évidemment, ce chiffre est important, mais je vous demande simplement de réfléchir. Il est probable, il est possible en tous cas, que si cette disposition n'avait pas été mise en œuvre, Mme Bettencourt aurait pu quitter le territoire national.
Mme Bettencourt, première fortune de France et probablement première fortune d'Europe, reste sur le territoire national et c'est tant mieux, car elle y fait des investissements et des dépenses. »
Le problème pour l'argumentation de Dominique Paillé, c'est que Mme Bettencourt - par ailleurs gros soutien financier de l'UMP - a empoché l'argent du Trésor public en 2008, et a continué à pratiquer ce qui ressemble fort à de l'évasion fiscale à haute dose en Suisse, à Singapour ou aux Seychelles, comme l'ont montré les enregistrements du maître d'hôtel, ainsi que la décision en forme d'aveu de l'héritière de L'Oréal de rapatrier en France ses comptes illicites à l'étranger, en particulier en Suisse.
C'est donc toute la logique du bouclier de Nicolas Sarkozy qui s'effondre avec le comportement de l'une des plus grandes fortunes de France, qui profite sur les deux tableaux, aux dépens du Trésor public et donc de tous les citoyens/contribuables. Et elle n'est pas seule.
Le rétropédalage de Pierre Lellouche sur le bouclier fiscal
En mai, un membre du gouvernement, Pierre Lellouche, secrétaire d'État aux Affaires étrangères, avait lâché sur un plateau de télévision un propos édifiant, se prononçant pour l'abandon du bouclier fiscal avec cet argument choc :
« Sur les 600 millions que ça nous coûte et qui sont versés aux plus hauts revenus, jusqu'à preuve du contraire, je ne vois pas que ceux qui sont partis en Belgique ou ailleurs sont revenus. »
Quelques heures après cette sortie en forme d'aveu dans l'émission d'Yves Calvi C dans l'air, et sans doute après quelques remontrances de Matignon ou de l'Élysée, Pierre Lellouche appelait les journalistes pour rectifier son propos qui avait été « mal compris ».
Mais l'affaire Bettencourt remet sur le tapis ce bouclier fiscal qui ne passe décidément pas, et qui restera le symbole d'une injustice que la crise et les mesures d'austérité drastiques qui s'annoncent rendent carrément insupportable.