Comme si les Algériens, qui vivent quasiment sur Mars, se découvraient tout à coup des inclinations pour la défense de l’environnement, le ministre Chakib Khellil vient leur annoncer, tout de go, qu’il va falloir, dans le souci environnemental de diminuer sa consommation, augmenter le prix du gasoil, un carburant considéré, dit-il, très polluant. Autrement dit, dans un pays qui compte peut-être l’un des taux les plus bas en matière de pollution atmosphérique, vu sa vaste superficie rapportée à la faiblesse de son parc de véhicules lourds, le ministre de l’énergie veut faire d’une pierre deux coups : augmenter le prix du gasoil et réduire en même temps sa consommation.
Mais il y n’a pas que ce motif, explique ce haut responsable. Les raffineries algériennes n’arrivent plus à répondre à la demande croissante de gasoil, et il faudra attendre encore des années avant que la nouvelle raffinerie de Tiaret apporte son appoint. Et, comme d’ici là, les raffineries existantes entreront dans une phase d’obsolescence, il faudra sans doute attendre que d’autres raffineries soient mises en place pour remédier à la carence de ces dernières, et ainsi de suite.
En termes économiques, cela s’appelle incompétence des responsables chargés de la prospective. Près d’un demi siècle après son indépendance, l’Algérie vit toujours au jour le jour, aujourd’hui comme hier. En ployant sous la masse des problèmes posés le jour, nos décideurs n’ont plus le temps nécessaire pour réfléchir à demain, planifier nos besoins futurs. Et d’ailleurs, à quoi bon ? puisque la planification elle-même est une notion périmée, depuis des décennies déjà ? Le pays est riche ; il a son pétrole et cela suffit…
Il est donc beaucoup plus simple, de décider de but en blanc, comme le fait Chakik Khelil, à présent, comme l’a fait Harchaoui, aux finances il n’y a pas si longtemps, des augmentations au prétexte encore que notre dinar étant dévalué, le vrai prix du pétrole sur les places internationales est autrement plus élevé. Mais ce que ne nous disent pas ces responsables, un peu trop coutumiers des raisonnements farfelus, c’est que, une fois l’augmentation décidée, personne ne s’avisera de la corriger dans le sens de la baisse si le prix du pétrole venait demain à chuter, et parfois très fortement, comme cela a été le cas bien souvent.
Mais ils ne se trompent pas de société, eux, qui savent que leurs concitoyens se sont effectivement mis une fois pour toutes d’accord pour se disputer entre eux, avec violence au besoin, la moindre place de la chaîne par exemple chez le boulanger, mais s’interdisent formellement de sortir dans la rue pour exiger qu’on mette un frein aux augmentations intempestives du pain, du lait, du sucre ou de la patate, etc.
Ce n’est donc par pour demain que les choses changeront dans ce pays faussement appelé de cocagne.