Le journal Le Monde, dans un papier de ses correspondants à Jérusalem, revient sur la question de la corruption en Palestine. A cause d'un film mettant en cause le chef de cabinet de Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, qui a été diffusé sur une chaîne israélienne, tout le crédit accordé jusqu'ici à ce dernier tombe comme un château de cartes.
En vérité, ce n'est pas seulement en Palestine que les responsables politiques, en particulier, font beaucoup parler d'eux, tant du point de vue de la corruption que du sexe.
Aussi, ai-je jugé bon d'insérer ici l'article du jour dans son intégralité, à l'intention des lecteurs de ce site.
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Sexe et corruption, l'affaire qui affaiblit l'Autorité palestinienne
LE MONDE | 16.02.10 |
L'expression "Fatahgate", utilisée par la presse israélienne, est prématurée. Il y a cependant un trait commun entre le scandale du Watergate (1972), qui remonte à l'époque de l'ancien président américain Richard Nixon, et celui qui éclabousse le Fatah, mouvement dominant de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) que préside Mahmoud Abbas : la volonté de dissimulation. M. Abbas savait depuis 2008 que son chef de cabinet, Rafic Husseini, était au centre d'une affaire mêlant corruption et sexe.
Il connaissait l'existence d'une vidéo montrant son principal collaborateur se déshabillant, avant de se mettre au lit en attendant qu'une jeune femme, qui sollicitait de lui un emploi, le rejoigne. Il a cependant fallu que ce film soit diffusé, mardi 9 février par la chaîne israélienne 10, et que le scandale éclate, pour que le président de l'Autorité palestinienne prenne la décision de "suspendre" M. Husseini de ses fonctions, et de créer une commission d'enquête.
La tâche de celle-ci ne sera pas facile : entre la volonté de nettoyer les écuries d'Augias et celle de ne pas davantage porter atteinte à la crédibilité du Fatah et de l'Autorité palestinienne, dont la réputation persistante de corruption commençait à se dissiper grâce à la volonté réformatrice du premier ministre palestinien Salam Fayyad, il va être délicat de placer le curseur.
M. Husseini est "tombé" dans le traquenard tendu par Fahmi Shabaneh, un ancien responsable des services de renseignement palestiniens, qui se présente comme un "Monsieur Propre" déterminé à lutter contre la corruption qui, accuse-t-il, gangrène l'Autorité palestinienne et touche de près les propres fils de M. Abbas.
Se heurtant au refus de celui-ci de châtier les coupables, le "justicier" aurait pris les choses en main, à l'aide d'une caméra cachée... dans l'appartement de la jeune femme à qui Rafic Husseini avait apparemment fait comprendre que ses faveurs sexuelles seraient récompensées. La presse israélienne a exploité cette aubaine avec modération.
"Complot israélien""De la corruption chez les Palestiniens ?, explique un diplomate israélien. Personne ne tombe des nues, mais cela n'influera pas sur nos relations avec les Palestiniens." Le Hamas a également fait preuve de retenue, pour le moment. En Cisjordanie, en revanche, "l'affaire Husseini" provoque déception et colère.
"C'est vrai qu'il y a un manque de volonté politique pour enquêter sur les actes de corruption", reconnaît Ghada Zughayir, directrice de l'organisation non gouvernementale Aman. Depuis la création de l'Autorité palestinienne, relève-t-elle, un seul responsable, Harbi Sarsour, ancien directeur de l'Agence pour le pétrole, a été jugé pour faits de corruption.
"Les gens disent que Rafic a fait une erreur et qu'il doit démissionner", insiste un haut fonctionnaire palestinien. Ce qui place M. Abbas devant un dilemme : va-t-il saisir l'occasion pour assainir les circuits d'argent au sein de l'Autorité palestinienne ou se contenter de la première réaction officielle, un peu simpliste, invoquant un "complot israélien" ?
Benjamin Barthe et Laurent Zecchini (Jérusalem, correspondants)