La série noire se poursuit pour Airbus

Moins d'un mois après le crash de l'A330 sur l'Atlantique, un second vient de se produire à proximité de Moroni, la grande île des Comores, à l'est de l'Afrique.

L'airbus A310 d'une compagnie yéménite, Yemenia Airways, s'est abîmé en mer, à son tour, après avoir, dans la nuit d'hier vers 23 heures, tenté sans succès d'atterrir sur l'aéroport comorien.

Selon des témoins visuels, il serait descendu à 50 m du sol, en bout de piste, avant de faire demi-tour et disparaître en mer, à 20 kilomètres environ du rivage.

Jusqu'ici deux hypothèses au moins sont émises pour expliquer ce drame. D'abord, on évoque les conditions météorologiques défavorables à l'heure d'arrivée de l'appareil : un vent violent soufflait alors. Ensuite, on rappelle les mauvaises conditions d'entretien de l'aéronef. Là, les autorités yéménites sont formelles et rejettent semblable accusation d'autant que l'avion, qui avait été réexaminé en profondeur en mai dernier, venait de Paris et avait fait escale à Marseille et à Sanaa pour charger ou décharger des passagers. Si l'appareil avait présenté des lacunes menaçant sa sécurité, il aurait été en effet exclu du ciel européen, où des restrictions draconiennes sont imposées à l'ensemble de la flotte qui l'emprunte.

Sur les 153 passagers et hommes d'équipage de diverses nationalités qui se trouvaient à son bord, il semble qu'un seul enfant de cinq ans ait été seulement retrouvé vivant à l'endroit du crash. Le petit malheureux flottait encore sur l'eau, non loin de trois cadavres repérés sur les lieux.

Les autorités françaises ont dépêché immédiatement des secours par voies maritime et aérienne pour tenter de retrouver des rescapés et des débris de l'avion, en sus de ses précieuses boites noires. Signalons, enfin, que 66 Français étaient au nombre des voyageurs pris dans cette catastrophe.

D'abord, contrairement à ce qui avait été annoncé dans la journée d'hier, la fille rescapée n'a pas 5 ans mais 13 et s'appelle Bahia Bakari, vivant d'ordinaire à Marseille. Elle s'est retrouvée éjectée dans l'eau et souffre d'une fracture à la clavicule et de brûlures aux genoux.

Ensuite, si Joyandet, le secrétaire d'Etat à la Coopération, a laissé entendre ce matin que les boites noires avaient été repérées, il vient de se dédire en déclarant que les sons perçus provenaient non de ces précieuses boites mais de balises de détresse. En d'autres termes, la mission des enquêteurs envoyés sur place consiste donc à rechercher au plus vite ces boites noires, seul moyen de connaître les causes de la catastrophe.

Les Comoriens vivant en France et empruntant régulièrement les avions de Yemenia ont énergiquement protesté tant à Marseille qu'à Orly contre cette compagnie qui utilise, à leur sens, des avions "poubelles". Ils ont même réussi à différer jusqu'à demain après-midi le décollage d'un appareil de Yemenia en partance pour les Comores.

Le vice-président de l'Etat des Comores, Idi Nadhoim, s'est indigné que la France n'ait pas jugé utile d'aviser son pays de l'état de délabrement de la flotte de Yemenia : "Il y a énormément de compagnies qui sont interdites de faire voler leurs appareils en France. Etonamment, la France ne nous a pas communiqué la liste des appareils de Yemenia. Air Mozambique ou Air Angola sont interdits : là on a compris. Mais on n'a jamais entendu parler de Yemenia", a-t-il indiqué, laissant entendre que des intérêts commerciaux étaient en jeu, puisque "ce sont des Airbus, une grosse entreprise européenne".

Jusqu'à maintenant, les opérations de recherche n'ont encore donné aucun autre résultat que le sauvetage de la petite Baya.

Les secours envoyés sur place continuent de piétiner. Ils n'ont retrouvé ni les corps des victimes ni l'avion ou ses débris.

Américains, Français et Yéménites participent ensemble aux opérations de recherches menées à bord de zodiacs, depuis le village de Mitsamiouli, sur la côte nord de l'île de Grande-Comore. A vingt kilomètres du rivage, ils fouillent les lieux supposés être le point de chute de l'aéronef, sans parvenir à découvrir le moindre indice, excepté l'odeur de kérozène relevée sur les lieux et une concentration de requins attirés sans doute par le sang des victimes.

Les sauveteurs s'activent toujours à tenter aussi de retrouver les boites noires, si précieuses pour l'identification des causes de la catastrophe.

"Des hélicoptères de l'équipe américaine qui participent aux opérations de recherches et de secours ont repéré près des côtes des Comores une grande partie de l'avion, flottant à la surface de la mer", a indiqué la commission yéménite mise en place au ministère des Transports et chargée du suivi de l'accident. Dans un communiqué publié par l'agence Saba, dans la nuit d'hier, elle a ajouté : "L'équipe américaine tente actuellement de récupérer la pièce repérée par ses hélicoptères, qui survolaient le secteur à une altitude de 3 km".

Il faut maintenant attendre l'examen scientifique de ces débris pour avoir un aperçu des possibles causes ayant entraîné le crash de l'A310 yéménite, dans la nuit de lundi à mardi passée.

En parallèle, la compagnie aérienne propriétaire de l'avion abîmé a déclaré suspendre ses vols en direction de Moroni, à l'exclusion de ceux provenant de Sanaa, la capitale yéménite.

Le signal des boites noires de l'avion yéménite a été repéré, selon les enquêteurs comoriens et le Bureau français d'enquêtes et des analyses qui les assiste. "Le BEA confirme que le signal des deux balises acoustiques a été repéré ce matin dans le cadre des recherches sous-marines entreprises pour localiser les enregistreurs de bord du vol IY 626", indique-t-il, dans un communiqué.

Pour récupérer ces boites à quelques 2000 m de profondeur, un navire basé à Brest et spécialisé dans ce type de mission, le Beautemps-Beauprès, est attendu sur les lieux entre le 12 et le 17 juillet prochain.

Le signal des boites noires - ou enregistreurs de vols - est en effet émis durant un mois, pour faciliter les recherches. Ce signal est donné par des balises, de la dimension d'un tube d'aspirine, qui sont reliées aux boites. L'analyse ensuite de ces dernières permet généralement d'expliquer les causes d'un crash.

Dans le cas de l'aéronef yéménite, 152 passagers et membres de l'équipage sont portés disparus et un seul rescapé, une fille de 12 ou 13 ans, a été sauvé à ce jour.

La compagnie Yemenia s'est fendue d'une sortie médiatique drôlement surprenante. Elle exige de l'avionneur EADS, le constructeur des Airbus, rien moins que de contenir les attaques frénétiques des médias qui jettent sur elle un fort discrédit, suite au crash de son appareil en mer. Faute de quoi elle le menace d'annuler son option portant sur une commande de dix appareils A350.

Elle compte, bien sûr, se rabattre sur Boeing pour l'honorer d'une commande équivalente.

Là, deux questions se posent :

Si Yemenia est vraiment défaillante, au plan de l'entretien de ses aéronefs, elle se trouve naturellement dans ses torts de protester contre une campagne médiatique bien appropriée pour dénoncer ses économies de bouts de chandelle qui auront été inconsciemment faites aux dépens de la sécurité de ses passagers. Dans ce cas, Yemenia doit même s'attendre à de graves répercussions sur son chiffre d'affaires, sa clientèle refusant désormais de lui conserver sa confiance.

Dans le cas inverse où la question du manque d'entretien n'est pas en cause - les examens scientifiques des débris de l'appareil et des boites noires ne manqueront sans doute pas de confirmer ou d'infirmer les accusations portées jusqu'ici contre la compagnie -, là, se pose effectivement un problème de nature plutôt politique dont il n'est pas nécessaire d'être devin pour en identifier l'origine. Auquel cas, non seulement Yemenia a raison de faire pression sur l'avionneur, mais elle doit, par le canal du gouvernement yéménite, poser le problème dans toute sa dimension. Ce que cette compagnie vit aujourd'hui, d'autres de même appartenance géographique et religieuse peuvent avoir à le rencontrer à leur tour. Et se rabattre sur des concurrents américains, chinois ou autres peut alors se justifier, pour bien montrer que le lobby auquel obéissent les médias nuit plus qu'assez dans les relations internationales.

Mais, pour Yemenia, il eût été certainement plus indiqué d'attendre les résultats de l'enquête engagée à propos de l'A310, avant de recourir à une menace quelconque.

Contrairement au voeu des Français qui avaient exprimé le souhait de voir la compagnie Yemenia exclue du ciel européen, la Commission européenne vient de refuser l'inscription de ce transporteur dans sa liste noire.

Les responsables de Yemenia ont en effet été reçus à Bruxelles et entendus sur les reproches qui leur sont faits en matière de manque d'entretien de leur flotte. Ils ont, semble-t-il, convaincu leurs interlocuteurs de leur bonne foi et obtenu que rien ne serait décidé contre leur compagnie avant les conclusions attendues de l'enquête engagée à propos du crash récent de l'A310 au large des Comores.

La Commission de l'U.E. a même rayé de sa liste noire quatre compagnies indonésiennes qui avaient été interdites de vol sur le territoire de l'UE, à la suite de plusieurs accidents très meurtriers de leurs aéronefs, dont le dernier en date remonte à janvier 2007 et avait causé la mort de 102 personnes au large de l'île Sulawesi en Indonésie.

L'une des boites noires de l'Airbus yéménite qui s'est écrasé en mer, fin juin dernier, vient d'être retrouvée, selon l'agence Reuters.

"Les enregistreurs de données du vol de l'Airbus A310-300 de Yemenia ont été retrouvés et ramenés à bord du vaisseau EDT ARES", a annoncé le responsable des opérations de recherches, Mohamed Ali Abdou.

Le navire français "EDT ARES", qui a été dépêché sur les lieux depuis quelques semaines, est équipé d'un robot télécommandé grâce auquel les recherches ont abouti à la localisation puis à la récupération de cette boîte, qui permettra de déterminer les causes du drame ayant coûté la vie à 151 passagers et membres de l'équipage.