Dans une atmosphère de tristesse et de morosité compréhensible à bien des égards, les Russes, et principalement les anciens vétérans d'Afghanistan commémoreront demain le 20è anniversaire marquant le retrait des troupes soviétiques du bourbier de Kaboul.
L'intervention de Moscou, en 1979, dans ce pays livré, comme toujours, au désordre et à la gabegie de dirigeants locaux irresponsables, était en fait décidée pour soutenir Babrak Karmal en lieu et place de Hafizulah Amine à la tête de l'Etat.
L'enlisement du corps expéditionnaire qui s'ensuivit, durant dix ans, a poussé Michael Gorbatchev, le père de la
Pérestroïka, à prononcer son retrait total, vu le grave échec constaté sur tous les plans.
Politiquement, d'abord, les Talibans, qui avaient à l'époque la haute main sur les opérations de résistance contre l'armée soviétique, bénéficiaient d'un large soutien de la communauté internationale principalement actionnée par Washington. Militairement, ensuite, les pertes humaines enregistrées, soit 1 million de civils afghans et 13 000 soldats soviétiques tués, militaient fortement pour un arrêt des combats, et ce, d'autant que Moscou ne pouvait strictement rien tirer d'avantageux de la poursuite de ses opérations militaires.
De plus, les Américains défaits à plate couture au Vietnam, au milieu de la décennie soixante-dix, se devaient de regagner, sur un autre terrain des combats, leur prestige sérieusement ébranlé. Accusant directement Moscou dans la dégelée reçue au Sud-Est asiatique, Washington trouvait dans le conflit afghan l'occasion bienvenue de s'en venger. Il s'était tourné vers la résistance afghane pour lui fournir une aide colossale. Avec les derniers joujoux les plus sophistiqués destinés à décimer l'aviation soviétique engagée sur le terrain, les Américains avaient alloué aux Talibans des crédits énormes pour stimuler les combattants. Et Benladen, précisément, se trouvait être alors l'un des meneurs les plus en vue de la résistance.
Aussi, les vétérans russes, rescapés des affrontements de l'époque, ont-ils aujourd'hui encore de bonnes raisons d'en vouloir aux Américains qui, à leur tour, sont en train de vivre le même cauchemar qu'eux dans ces montagnes si hostiles d'Afghanistan. Ils leur souhaitent bien du plaisir à se casser les dents, là où, si étonnamment, les Anglais eux-mêmes avaient échoué au 19è siècle.