La Société générale a reçu un bien mauvais coup apparemment

La Société générale, troisième banque française, a annoncé aujourd'hui la perte de quelques 7 milliards d'euros décomposée comme suit :
* Un peu moins de 5 milliards se sont fondus dans des opérations irrégulières, voire des malversations mettant en cause l'un de ses opérateurs en bourse ;
* Deux milliards environ constituent la part assumée par la banque dans des mouvements financiers en liaison étroite avec les fameux subprimes.

L'opérateur en cause est Jérôme Kerviel, un grand spécialiste de 31 ans, recruté en 2000 et rapidement devenu l'un des principaux experts chargés des traitements en bourse pour le compte de la banque.

Comment s'est-il pris pour réaliser pareils dégâts, qui ne lui auraient profité en rien, a-t-on dit ? C'est la question que certains spécialistes financiers se posent ce soir, à Paris, tout en braquant leur regard du côté des principaux dirigeants de la Société générale qu'ils soupçonnent plutôt d'avoir tout simplement maquillé la vérité. Pour eux, la banque aurait fait de bien mauvaises opérations de marché et se trouve, aujourd'hui, dans l'incapacité de se justifier autrement qu'en inventant pareil subterfuge impliquant un homme ne pouvant naviguer seul dans des eaux aussi étroitement surveillées que celles qui font la réputation de premier ordre de la Société générale.

Il reste que l'émoi produit par cette information sur les autorités politiques et monétaires est considérable, même si, dans un souci d'apaisement, le PDG de la banque semble, en projetant d'augmenter incessamment son capital de 5,5 milliards, avoir déjà trouvé la parade permettant, d'une part, de calmer à tout le moins la colère des actionnaires, et de l'autre, de ralentir la chute en bourse, déjà notable, des actions.

On est désormais un peu plus au fait des procédés utilisés par "l'illustre" expert financier, Jérôme Kerviel, pour provoquer la perte de 4,9 milliards d'euros à la Société générale.

Kerviel, dès fin 2006/début 2007, s'est mis en devoir d'engager des opérations dites "d'arbitrage" sur des produits dits à terme, autrement dit des dépôts à échéance fixe, pris en charge dans trois bourses différentes : le Dax (Francfort), le FTSE (Londres) et l'Eurostoxx traitant des actions d'entreprises européennes.

Par arbitrage, il faut entendre vendre et acheter entre un portefeuille A et un autre B, comme l'indique un papier de Tribune paru aujourd'hui.

L'opérateur a donc engagé des opérations fictives sur l'un des portefeuilles qu'il compensait ensuite dans le second, avec toute une gymnastique destinée à dérouter les contrôles pour ne pas éveiller les soupçons.

Fait gravissime, il a usurpé pour ce faire des codes d'accès informatiques de tiers, et falsifié des documents pour camoufler son jeu. Grâce à ce système assez ingénieux, semble-t-il, personne ne s'est aperçu de la supercherie jusqu'au jour où une opération curieuse attire l'attention et mène à la découverte d'un trafic qui aura duré un an.

Sur l'ensemble des opérations ainsi traitées et estimées à quelques 50 milliards d'euros, la Société générale a dû, dès la découverte du pot aux roses, larguer l'ensemble de ses engagements en y laissant une décote de 10 % environ, non sans avoir au préalable avisé les autorités monétaires de sa déconvenue.

C'est une fois qu'elle s'est dégagée totalement de ces portefeuilles ruineux qu'elle s'est décidée de rendre publique la fameuse fraude dont tous les spécialistes financiers s'interrogent aujourd'hui sur la véracité des allégations fournies ainsi par elle.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) s'est finalement décidée à enquêter sur l'affaire dite du délit d'initié qui met en cause l'un des administrateurs de la Société Générale, l'Américain, Robert Dray.

L'on sait que ce dernier avait vendu, le 9 janvier dernier, pour quelques 86 millions d'euros d'actions qu'il détenait sur la banque, au prix de 95,27 euros l'une, soit donc deux semaines avant l'éclatement, le 24 janvier, de l'affaire Kerviel. De plus, cet administrateur s'est séparé d'un autre paquet d'actions, le 18 janvier, pour un montant de 40 millions d'euros, au prix de 90,04 l'unité. Deux fondations plus ou moins contrôlées par lui ont également vendu le 10 janvier pour 8,63 millions d'euros d'actions.

Cet homme fortuné, classé à la 754è place dans le Forbès, est aujourd'hui soupçonné d'avoir profité de sa position privilégiée à la banque pour céder un aussi gros volume d'actions au prix fort, à un moment où la chute de l'action de la Société générale n'était pas encore prévisible.

Pareille attitude justifie désormais les plaintes déposées par les petits actionnaires contre la direction de la Société générale accusée d'avoir bradé leurs portefeuilles. Daniel Bouton, le PDG, tente, en attendant, de rejeter cette accusation, prétextant que l'intéressé n'était pas informé des pertes de trading révélées au public le 24 janvier.

Dans un entretien exclusif accordé à l'AFP, Jérôme Kerviel, le trader rendu principal responsable des gros et récents déboires de la Société générale, rejette le titre de "bouc émissaire" qu'il s'est vu attribuer par cette dernière.

Certes, il revendique une part de responsabilité dans les pertes considérables de cette banque, mais il entend ne pas être seul à devoir en pâtir. D'ailleurs, à titre personnel, il ne gagne rien, affirme-t-il : "Je n'ai jamais eu d'ambition personnelle dans cette affaire. L'objet, c'était de faire gagner de l'argent à la banque".

Pris dans l'engrenage à la manière d'un joueur compulsif, il reconnaît qu'il ne réussissait plus à se contrôler à partir d'une certaine limite, puisqu'il dit en tentant d'atténuer un peu trop les conséquences de son acte : "On perd la notion des montants quand on est engagé dans ce genre de métier"... On se laisse un peu emporter."

Pour lui, en tout cas, la banque était au courant de ses opérations, même si, tout au début de l'éclatement de l'affaire, il avait pourtant clairement laissé entendre qu'il était, à partir d'un certain moment, taraudé à l'idée de ne pas pouvoir révéler à ses supérieurs l'étendue des profits réalisés, donc des mises. C'est d'ailleurs là la raison d'être des poursuites pour "faux, usage de faux, abus de confiance, etc." engagées officiellement contre lui.

Les déboires se poursuivent pour la Société générale, qui devra désormais affronter des poursuites américaines autrement plus préoccupantes que celles engagées jusqu'ici contre elle en France.

Une plainte, introduite par le cabinet d'avocats Cohen, Milstein, Hausfeld & Toll, accuse la banque française d'avoir fait des "déclarations mensongères et trompeuses", à propos des subprimes et d'avoir dissimulé ensuite des informations portant sur ses "procédures de contrôle interne", mettant en cause Kerviel, indique un article de Libération d'aujourd'hui.

Contrairement à ce qu'elle avait annoncé, en 2007, à propos d'une "exposition limitée concernant les subrimes", la Société générale s'est fait épingler en dépréciant son portefeuille de plus de 2 milliards d'euros, tout au début de l'année en cours.

Les plaignants clouent également au pilori l'un des administrateurs, Robert Day, leur compatriote qui avait revendu pour 140 millions de dollars avant l'annonce publique de l'affaire Kerviel, à l'origine de la chute du cours de la banque.

Ils espèrent, enfin, que d'autres plaignants viendront se joindre à eux pour peser davantage encore devant les tribunaux afin d'obtenir les indemnités auxquelles ils prétendent.

Poursuivi en correctionnel pour avoir causé à son employeur, la Société générale, une perte de 4,9 milliards d'euros dans des opérations de trading qui ont tourné mal, Jérôme Kerviel encourt désormais une peine maximum de 5 ans de prison et une amende de 375 000 euros, selon les réquisitions du parquet faisant référence à la loi et qui viennent d'être rendues publiques.

Il a été en effet reconnu coupable d'abus de confiance, de faux et usage de faux et d'introduction frauduleuse de données dans le système informatique.

Pour l'accusation, Jérôme Kerviel, 33 ans, est "un professionnel de la fraude", "surentraîné", "cynique", ayant mis au point un "système organisé, méthodique, continu" destiné à "trahir la confiance" de la banque et de ses salariés. "Votre tribunal le jugera pour ce qu'il est : un manipulateur, un tricheur et un menteur", qui a causé "un traumatisme planétaire", a conclu le procureur Jean-Michel Aldebert, estimant qu'"il s'agit d'arrêter le discrédit sur les banques" et qu'"il en va de l'ordre public, économique et financier", rapporte le journal Le Nouvel Observateur.

L'accusé, qui reconnaît certes des dépassements, en masquant ses positions, en faisant de fausses déclarations ou en produisant de faux courriels, est resté, lui, impassible, estimant simplement que la direction de la banque était au courant de ses agissements et qu'elle le laissait faire parce qu'il lui faisait gagner de l'argent.

C'est demain que son avocat, Me Olivier Metzner, devra faire sa plaidoirie. Le tribunal mettra son jugement ensuite en délibéré.

Le verdict rendu par le tribunal correctionnel dans le procès intenté par la Société générale contre Jérôme Kerviel, le trader qui avait causé sa ruine, condamne ce dernier à une peine de 5 ans de prison ferme assortie de dommages et intérêts à verser à la banque à hauteur de 4,9 milliards €.

Me Metzner, son défenseur, a aussitôt fait appel du jugement, dont les conclusions sont considérées excessives par la classe politique et écœurantes par les internautes et groupes de soutien.

Selon le président de la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, Dominique Pauthe, "les éléments indiqués par la défense ne permettent pas de déduire que la Société générale ait eu connaissance des activités frauduleuses de Jérôme Kerviel".

Les juges ont estimé que l'ex trader n'avait aucunement l'autorisation de spéculer à sa guise de la part de sa hiérarchie et qu'il avait déjoué pour ce faire les services de contrôle de la banque. "Les carences" de celle-ci "ne sauraient exonérer un trader de ses devoirs professionnels", ont-ils souligné.

La banque exclut cependant de réclamer au condamné une somme aussi gigantesque qui représenterait 177 000 années de travail. « Il n'est pas question d'aller demander de telles sommes à un homme seul », a expliqué Caroline Guillaumin, directrice de la communication du groupe. « Est-ce qu'on a l'intention d'aller endetter Jérôme Kerviel sur 177 000 années, comme je l'ai entendu ? La réponse est non. Nous sommes une banque responsable et nous sommes une banque dans son époque », a-t-elle assuré.

Néanmoins, la Société Générale pourrait s'entendre avec lui sur un montant beaucoup plus modeste. « Il n'y a pas de raison. Le jugement a été très clair, il y a eu condamnation », a-t-elle indiqué.

Il faut attendre le verdict final en appel pour les deux parties avant d'envisager toute forme d'accord.