ZDnet.fr | 14 Mai 2014
par Olivier Chicheportiche
Juridique : Google devra désindexer des contenus liés à des personnes sur leur demande. Le géant de la recherche se dit déçu et réfléchit à la suite à donner. Le gouvernement français se dit au contraire "satisfait", quand RSF et Jimmy Wales y voient un risque pour la liberté d'expression.
Mise à jour : l’arrêt de la CUJE sur le droit à l’oubli divise. Pour Reporters sans frontières, cette décision consacre un droit à l’oubli qualifié de « dangereux ». « Cette décision ouvre pour chacun la possibilité de retirer des pages accessibles par les moteurs de recherche toute information à son propos qui lui déplaît » réagit un porte-parole de RSF. Le fondateur de Wikipedia, Jimmy Wales critique lui aussi l’arrêt de la CUJE pour qui il s’agit de censure – quand bien même la justice a refusé la suppression de l’information sur le site du journal.
La décision de la Cour européenne de justice de Luxembourg (CJUE) a surpris autant les observateurs que Google lui même. Rappelons que la juridiction a estimé dans un arrêt que Google doit bien proposer aux internautes la possibilité de désindexer des résultats de recherche les concernant.
Étant donné que Google "extrait, enregistre et organise" les dites données, il est "responsable du traitement" et dépend donc du droit européen qui impose d'offrir un droit d'accès aux données ainsi collectées, pour peu qu'elles concernent le plaignant.
La CJUE ajoute que Google est particulièrement responsable du fait de "l’effet de l’ingérence dans les droits de la personne (qui) se trouve démultiplié en raison du rôle important que jouent Internet et les moteurs de recherche dans la société moderne, ces derniers conférant un caractère ubiquitaire aux informations contenues dans les listes de résultats".
De son côté, Google se retranche derrière le sacro-saint droit à l'information. Une notion hautement délicate à encadrer et à définir. En ce sens, la Cour estime donc que les demandes de retrait doivent être examinées au cas par cas. Ainsi, si le plaignant demande le retrait d'informations personnelles ayant trait à la vie publique, on pense à des élus condamnés par exemple, la requête pourra être rejetée.
Impact sur la vie privée des personnes
Mais en règle générale, Google devra se plier aux demandes (qui risquent d'être nombreuses) d'internautes. Suite à cette décision, le géant américain a réagi, visiblement amer.
"Cet arrêt est décevant pour les moteurs de recherche et pour tous ceux qui publient du contenu en ligne. Nous sommes très surpris qu'il s'éloigne si profondément des conclusions de l'avocat général ainsi que des avertissements et des conséquences qu'il y formulait. Nous devons désormais prendre le temps d'analyser les implications de cet arrêt", déclare le moteur.
Rappelons en effet que l’avocat général de la Cour avait considéré que Google n’était pas responsable des données personnelles indexées dans son moteur, annulant de fait les demandes de droit à l'oubli.
De son côté, Arnaud Montebourg, ministre de l'Économie et Axelle Lemaire, secrétaire d'État au Numérique "se félicitent" de l’arrêt "qui a confirmé l’application de la législation européenne sur la protection des données à caractère personnel aux informations personnelles traitées et affichées par les moteurs de recherche. La Cour a notamment souligné le rôle joué par les moteurs de recherche pour agréger des informations provenant de différentes sources et l’impact que ce traitement pouvait avoir sur la vie privée des personnes".
"Cet arrêt constitue une réelle avancée pour la protection de la vie privée des citoyens européens", commente Axelle Lemaire. "Cet arrêt contribue à rétablir l’équilibre entre les pratiques des grandes plateformes numériques et les droits des utilisateurs d’internet, citoyens et entreprises", ajoute Arnaud Montebourg.
(http://www.zdnet.fr/actualites/droit-a-l-oubli-google-decu-de-l-arret-de-la-justice-europeenne-39801061.htm)