Le Figaro - Les news > Actu - 20.02.2013
par Raphaël Gibour étudiant INSEEC
Officiellement, un quart des jeunes sont au chômage en Algérie. En réalité, beaucoup plus et les diplômés n’échappent pas au marasme. Amers, ces titulaires de masters manifestent depuis un an.
Les jeunes représentent 70 % de la population algérienne. Une jeunesse désabusée, qui fait face au chômage de masse et à l’absence de perspectives. Dans tout le pays, la colère gronde et dans la ville de Laghouat, les jeunes se sont rassemblés devant le siège de l’Agence nationale de l’emploi (Anem) pour brûler leurs diplômes mardi 19 février. Une action symbolique filmée pour interpeller les plus hautes autorités de l’État, dénoncer la situation inquiétante des jeunes du pays.
Pas d’emploi pour les jeunes diplômés
Chaque jour, l’Algérie connait des dizaines de manifestations à caractère social, selon des statistiques révélées par Slate Afrique. Un quart des jeunes sont officiellement au chômage, selon une étude réalisée par le Fonds monétaire international en 2012. Un chiffre bien en-deçà de la réalité. Les diplômés n’échappent pas au marasme. « Même si nous avons des diplômes ou de l’expérience, il n’y a pas de travail », affirment les jeunes pour expliquer leur action.
« Le marché du travail est relativement rigide en Algérie, ce qui tend à favoriser les personnes déjà en place par rapport aux nouveaux venus » et "l’économie n’a pu créer assez d’emplois hautement qualifiés", analyse le FMI. Les jeunes diplômés ont beau « frapper à toutes les portes », comme ils le prétendent, le déséquilibre structurel entre les demandeurs d’emploi et les offres disponibles pénalise toute une génération.
« Nous ne pouvons pas nous contenter de promesses »
La crispation est d’autant plus forte, que la région de Laghouat, située dans les terres au Sud, est riche en pétrole et en gaz. Le ministre de l’Énergie et des Mines, Youcef Yousfi, aurait pourtant promis aux jeunes lors d’une visite en 2013, « de revoir les critères de recrutement ». « Les bases énergétiques du Sud ont besoin de milliers de travailleurs et de techniciens dans divers domaines. La création d’emploi dans ce secteur va être profitable aux jeunes du Sud », aurait-il dit aux jeunes révoltés, selon Le Temps d’Algérie.
Abdelkader Mahdjoubi, 26 ans, titulaire d’un Master en ingénierie pétrolière, n’a pas vu les effets de l’annonce. Il est toujours sans emploi. Et les manifestations se poursuivent. « Nous ne pouvons pas nous contenter de paroles et de promesses sans lendemain. Notre action cessera lorsque nous serons recrutés et que nous retrouverons une vie de citoyens dignes », s’exclament les jeunes dans Le Temps d’Algérie .
Des tensions toujours plus fortes
Avec le temps, les tensions s’exacerbent. Lors d’un sit-in de chômeurs en janvier 2013, les forces de sécurité sont intervenues et plusieurs d’entre eux ont été arrêtés. Inculpés d’« incitation à attroupement », et d’« obstruction de la voie publique », des chômeurs jugés coupables ont été condamnés pour certains à de la prison ferme et d’autres à des amendes. Un comble pour ces chômeurs, qui sont « près de 50 % a chercher un emploi depuis plus de deux ans », précise dans son étude le FMI.
Les pouvoirs publics sont autant critiqués que les multinationales, qui feraient venir des employés étrangers. À Laghouat, la défiance l’emporte, les tensions sont de plus en plus fortes et le directeur d’Amnesty International dans la région, Philip Luther, pense, « que les autorités algériennes ont recours à ces accusations pour intimider les manifestants ». En vain. Estimant n’avoir rien à perdre, les jeunes diplômés chômeurs continuent de manifester.
(http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/algerie-des-chomeurs-excedes-brulent-leurs-diplomes-1240/)