latribune.fr (avec AFP) - 18.04.2012
Après une offre de comptes courants en 2011, la finance islamique, toujours embryonnaire, va franchir une nouvelle étape en France avec le lancement prochain d'un contrat d'assurance-vie spécifique, grâce auquel ses promoteurs comptent aussi attirer des non musulmans.
La finance islamique franchit une nouvelle étape dans son développement en France. Après une offre de comptes courants en 2011, elle va lancer prochainement un contrat d'assurance-vie spécifique. "On a identifié une demande de plus en plus manifeste. Comme l'assurance-vie est le contrat d'épargne préféré des Français, cela faisait sens de convertir aux principes de la finance islamique un contrat d'assurance-vie", a expliqué à l'AFP Anouar Hassoune, directeur de la Sicav.
Mais la finance islamique, qu'est-ce que c'est ? En accord avec le droit musulman, elle se présente comme une "finance vertueuse" et se fonde sur deux principes : l'interdiction de l'intérêt et la responsabilité sociale de l'investissement. Elle prospère surtout en Asie, notamment en Malaisie, même si elle reste un moyen de financement très minoritaire dans le monde, y compris dans le monde islamique.Ses actifs devraient doubler dans les prochaines années à 1800 milliards de dollars.
Objectif : une levée de 50 millions d'euros d'ici à la fin de 2013
Contrairement à un contrat d'assurance-vie traditionnel, celui-ci est uniquement composé d'unités de compte (à capital non garanti), en raison de l'absence d'obligations islamiques (les "sukuks") libellées en euros. Il s'apparente donc à un fonds de fonds islamiques. L'argent récolté par la Sicav est ensuite investi dans des fonds répondant aux règles de la finance islamique, qui s'appuient sur la charia qui interdit l'usure.
Préalablement au lancement du contrat d'assurance-vie, d'ici la fin avril, le respect de la loi islamique par le portefeuille doit être validé par une entité indépendante, un "Sharia Board" ou comité de conformité. "Le principe de l'assurance-vie n'est aucunement illicite, ce sont davantage les éléments qui le composent qui doivent respecter certains principes", a souligné M. Hassoune, qui vise une levée de 50 millions d'euros d'ici la fin 2013. Parmi eux figure par exemple le fait de n'avoir recours qu'à des actions d'entreprises faiblement endettées, au plus à hauteur d'un tiers de la valeur économique de leurs fonds propres.
Caractère éthique de la finance islamique
Car les promoteurs de la finance islamique s'attachent à mettre en avant son caractère éthique, soulignant que les investisseurs sont de plus en plus sensibles à cette thématique sur fond de crise financière. "On sent que les gens veulent se positionner sur de l'éthique. Ils n'ont plus confiance dans le système financier", a relevé Patrick Zen, dirigeant de la Compagnie française de conseil et d'investissement (CFCI), distributeur non exclusif de cette assurance-vie.
Anouar Hassoune a ainsi fait valoir que la première personne à avoir souscrit au contrat d'assurance-vie qu'il propose n'est pas musulmane et qu'elle avait investi "plusieurs centaines de milliers d'euros".
Une niche embryonnaire encouragée par l'État
La France avait annoncé en 2008 sa volonté d'encourager la finance islamique sur son sol et a publié depuis plusieurs instructions fiscales en ce sens pour favoriser le développement de produits d'investissement. "Malgré tout, la finance islamique reste embryonnaire en France. Elle part de rien et, depuis trois ans, ça s'améliore chaque année. Il faut du temps pour que les gens, musulmans ou non, s'y intéressent", a souligné Kader Merbouh, coordinateur du pôle finance islamique à l'Université Paris Dauphine.
Contactée par l'Agence France Presse (AFP), Chaabi Bank, filiale française du groupe Banque populaire du Maroc, n'a pas souhaité communiquer le nombre de clients ayant souscrit à son offre de compte courant respectant la loi islamique, lancée en juin 2011.
Problème d'image en France
Certains pointent aussi des raisons extra-financières quant au faible développement de la finance islamique en France. "La France est le seul pays au monde où il n'y avait pas de fonds 'charia compatible'. Même en Israël, il y en a. Personne n'a voulu les commercialiser en France. On est dans un tel problème d'image qu'ils n'ont pas osé", a affirmé Patrick Zen.
À titre de comparaison, les actifs respectant les préceptes de la finance islamique s'élèvent à quelque 19 milliards de dollars au Royaume-Uni, selon une étude du cabinet TheCityUK qui promeut la finance britannique à l'étranger, datant du mois de mars.
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