DNA - 8 Janvier 2012, 20:21 |
par Amel Bouzidi et Slimane Khalfa
Encore un contrat remporté par des Chinois. Et encore une entreprise chinoise mêlée à un scandale de corruption ! Cette fois-ci avec comme client les douanes algériennes. Le 3 janvier 2012, les douanes annonçaient avoir réceptionné 5 scanners destinés à renforcer le contrôle dans plusieurs ports stratégiques du pays. Les scanners ont été acquis auprès de Nuctech, entreprise chinoise dont l'un des dirigeants est Hu Haifeng, fils du président de la Chine.
Valeur globale de ces scanners : 7,6 millions de dollars. Soit 1,52 million l’unité. Ces nouveaux appareils mobiles seront affectés aux ports d’Alger, d’Oran, de Béjaïa, de Skikda et d’Annaba qui concentrent l’essentiel du trafic de marchandises en Algérie.
Les 5 scanners ont été acquis suite à un appel d’offres international remporté par le chinois Nuctech, spécialisé dans les équipements de contrôle de sécurité et du scanner aux rayons X.
Nuctech liée à un scandale de corruption
Jusque là, rien d’anormal. Sauf que ce marché public, attribué une fois de plus à une entreprise chinoise, pose problème car Nuctech traîne une mauvaise image d’entreprise présumée corruptrice.
Qui est Nuctech?
Nuctech a été créée en 1997 par l’université Tsingua qui compte parmi ses diplômés le président chinois Hu Jintao et son fils aîné Hu Haifeng, aujourd’hui âgé de 41 ans.
Hu Haifeng, né en 1970, dirigeait jusqu’en 2008 Nuctech. Il travaille désormais pour le compte de Tsingua Holdings, une compagnie qui chapeaute Nuctech et une vingtaine d'autres entreprises en Chine.
Les gros contrats du fils du président chinois
Membre du parti communiste chinois, le fils du président chinois a profité de sa position dominante pour obtenir le monopole du marché des scanners à rayons X et des détecteurs d’explosifs en Chine.
Cette entreprise qui fait fabriquer ses équipements dans une usine de 100 000 mètres carrées, près de Pékin, détient actuellement 90 % des parts de ce marché en Chine. L’entreprise affirme exporter son savoir-faire dans plus de 40 pays dans le monde.
C’est Nuctech qui a notamment décroché en 2006 un très gros contrat pour l’équipement de tous les aéroports chinois dans le cadre des jeux Olympiques d'été 2008.
Hu Haifeng, surnommé Prince Teflon pour son habilité à la discrétion, fait ainsi jouer les réseaux de son père président et l’influence acquise par la Chine sur le plan international pour faire décrocher à Nuctech des contrats à l’étranger.
Ce fut notamment le cas en Namibie où Nuctech est mêlée à un scandale de corruption dans le cadre d’un marché des scanners. Tiens donc !
13 scanners pour la Namibie pour 55 millions de dollars
Les faits remontent au printemps 2009. A l’époque, le gouvernement namibien avait acquis auprès de Nuctech 13 détecteurs de sécurité pour un montant de 55 millions de dollars.
La facture avait été réglée, selon les révélations faites à l’époque par l’AFP, grâce à un prêt accordé par le président Hu Jintao lors de sa visite en 2007 dans ce pays d'Afrique australe. Prêt accordé dans le cadre d’aide au développement.
Pour honorer son contrat avec Nuctech, la Namibie avait réglé un premier versement de 12,8 millions de dollars à Nuctech, selon un document de la commission anti-corruption (ACC) namibienne.
Sauf que cette même somme a ensuite été retrouvée sur le compte d'une autre société, dénommé Teko Trading.
Argent détourné
Les deux dirigeants namibiens de Teko Trading, Teckla Lameck et Jerobeam Mokaxwa, ainsi que le représentant chinois en Afrique de Nuctech, Yang Fan, ont ensuite retiré d'importantes sommes du compte de la société Teko. Sommes qui ont servi à l’achat de maisons, de voitures ou encore à l’approvisionnement d’un compte privé, selon le document de l’ACC.
Teckla Lameck et Jerobeam Mokaxwa et Yang Fan ont été poursuivis pour fraude, corruption et versements de pots-de vin.
Le fils du président chinois, lui, a été convoqué en Namibie en qualité de témoin. Toutefois, il ne s’est pas présenté devant la justice namibienne.
Censure
À l’époque des faits, les révélations dans la presse internationale sur ce scandale ont été tout simplement censurées par le gouvernement chinois qui en a bloqué l’accès sur internet.
Sur la toile chinoise, toutes les pages qui évoquaient de près ou de loin cette affaire étaient inaccessibles en chinois comme en anglais. Faute de mettre un terme au scandale, il fallait au moins l'étouffer pour qu'il ne soit pas porté à la connaissance des Chinois.
Si rien ne permet d’avancer que des soupçons pourraient peser sur le contrat signé entre Nuctech et les douanes algériennes, il y a lieu de s’interroger sur deux faits.
Opacité
L’appel d’offres lancé par les douanes algériennes pour l’acquisition de ces scanners auprès de Nuctech n’a pas été rendu public. Du moins, il ne figure pas sur le site de cette institution.
La publication de la liste des soumissionnaires ainsi que les offres avancées par les uns et les autres aurait permis d’en savoir davantage sur ce contrat.
L’opacité qui entoure ce contrat accordé au chinois Nuctech est à même de nourrir des doutes sur son attribution.
Du reste, les autorités algériennes pouvaient-elles ignorer que Nuctech était impliquée dans un scandale de corruption en Namibie précisément pour une affaire de livraison de scanners ?
Difficile de le croire dans la mesure où cette affaire a défrayé la chronique lorsque le scandale a été éventé par le gouvernement namibien.
(http://www.dna-algerie.com/enquete/algerie-le-fils-du-president-chinois-fait-de-bonnes-affaires-avec-les-douanes-2)