métrofrance.com - 3.04.2012
L'institut des Politiques Publiques (IPP) publie un rapport sur la fiscalité (impôts, taxes, cotisations sociales) lors des quinze dernières années sous le gouvernement Jospin et les quinquennats de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.
Entretien avec le directeur de l'IPP, Antoine Bozio. -
Quels sont les principaux enseignements de votre étude ?- Sur l’ensemble de la période, il y a un fort taux de prélèvements obligatoires pour tout le monde mais qui est régressif pour le 1% des plus hauts revenus. Sous le gouvernement Jospin, les prélèvements sur les salariés modestes ont baissé, essentiellement via l’allègement de charges sur les bas salaires. Cela a permis de baisser le temps de travail de ces salariés sans baisser leurs revenus disponibles. L’imposition des plus hauts revenus a été baissée de 2002 à 2012. Nicolas Sarkozy a essentiellement baissé les impôts sur le patrimoine, notamment en supprimant l’ISF qu’il a compensé par des hausses d’impôts sur les hauts revenus. En apparence, on pourrait croire que cela se compense, mais ce ne sont pas les mêmes personnes qui sont concernées. Les personnes qui ont d’importants patrimoines bénéficient des baisses alors que les hauts revenus sont plus imposés. Sarkozy n’est pas le président des riches mais le président des riches patrimoines.
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Selon votre étude, au-delà des choix politiques, pourquoi de tels effets ?- On sous-estime complètement le rôle des assiettes fiscales, c’est à dire la part des revenus soumis à l'impôt. Ce n’est pas seulement le taux qui compte mais quel revenu est soumis au taux. Si on augmente les taux sur des assiettes qui restent étroites, il y a peu d’effet sur la redistribution. Il faudrait élargir les assiettes pour augmenter les recettes fiscales. On ne parle pas beaucoup de ces assiettes alors qu’elles sont essentielles.
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On voulait lancer l'étude au moment où l'attention est la plus forte"
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À votre avis, pourquoi ces assiettes sont-elles délaissées quand les politiques parlent fiscalité ?- Les politiques préfèrent souvent parler des taux qui sont très visibles alors que les débats sur les assiettes (c’est-à-dire, quels sont les revenus imposables) apparaissent comme un point technique.
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Pourquoi sortir votre étude dans les trois semaines précédents le premier tour de l'élection présidentielle ?- La période de la campagne présidentielle est le moment où il y a une attention accrue sur ces questions. On voulait pouvoir lancer l’étude au moment où l’attention est la plus grande. On espère avoir un impact sur le débat public.
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La baisse de la fiscalité pour les plus riches voulus par Nicolas Sarkozy pour faire revenir les exilés fiscaux a-t-elle donné les résultats attendus ?- On n’a pas de données qui permettent de contredire ou de confirmer les effets voulus par Nicolas Sarkozy sur le retour des exilés fiscaux. Les chercheurs que nous sommes n’ont pas accès à ces données, détenues par l’administration fiscale. On a plusieurs fois essayé d’y avoir un accès via des dispositifs d’accès sécurisé des données. La réponse de Bercy est toujours négative. On nous brandit le secret fiscal. Ce problème d’accès aux données pour les chercheurs est un problème fondamental. Mais de toute façon, le problème est d’élargir les assiettes fiscales avant même de penser aux exilés fiscaux qui représentent des masses étroites par rapport à l’ensemble des contribuables qui payent leurs impôts en France.
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Une action de fin de quinquennat positive"
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Nicolas Sarkozy a prévu de réduire à hauteur de 4,5 milliards d’euros les niches fiscales en taxant notamment les grands groupes et les exilés. Quel regard portez-vous sur ces promesses?
- À la fin du quinquennat, le plafonnement des niches fiscales a augmenté les impôts sur les hauts revenus. L’assiette de l’impôt a été augmentée. Le fait de poursuivre cette action de fin de quinquennat est tout à fait positif. Par contre, pour les exilés fiscaux, cela manque de clarté, notamment sur les dispositifs pratiques de mise en place. Il y a un flou juridique et des conventions à renégocier.
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Quel regard portez-vous sur les promesses en matière de fiscalité de François Hollande, notamment les fameux 75% ?- La réforme fiscale de François Hollande tient en deux choses essentielles : l’élargissement de l’assiette qu’on appelle de nos voeux, qui est une façon d’augmenter les prélèvements, une technique plus efficace que d’augmenter les taux. Le projet de taxer à hauteur de 75% les revenus supérieurs à un million d’euros par an a un effet qui est faible en termes de recette et peu intéressant sur les redistributions. Comme la base fiscale est réduite, il y a peu d’effets. C’est surtout symbolique.
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Sinon, pour les autres candidats ?- On va reprendre les programmes en détail. On a peu de données et on travaille actuellement pour pouvoir en parler.
(http://www.metrofrance.com/info/sarkozy-est-le-president-des-riches-patrimoines/mldc!moekFsxPwy45Y/)