À Manama, l'élan de solidarité sunnite qui a poussé Riyadh à dépêcher dès hier 1000 policiers solidement armés pour mater la révolte chiite risque de donner le signal à un embrasement d'une autre nature pouvant déborder sur les pays limitrophes.
Ce qui était au départ une manifestation populaire inscrite dans le prolongement des révoltes tunisienne et égyptienne pour la démocratie et les droits de l'homme prend désormais une tournure confessionnelle porteuse de graves dangers. La monarchie archaïque sunnite qui est en place à Bahrein n'a pas seulement privé les nationaux majoritairement chiites de leurs droits élémentaires depuis des décennies voire des siècles mais elle a tout entrepris pour réduire violemment les manifestations pourtant pacifiques engagées dans la rue tout au long de ces dernières semaines.
En répondant donc à l'appel du petit royaume, l'Arabie saoudite montre par conséquent des dispositions franches et ouvertes à défendre une monarchie sunnite qui lui est de plus inféodée. Or, il s'agit en l'espèce d'une intervention jugée malvenue non seulement par les manifestants bahrenis mais également par des capitales étrangères qu'inquiètent au premier chef les atteintes à la paix dans ces contrées pétrolières très sensibles à l'équilibre du monde.
En provoquant en même temps Téhéran, qui veille particulièrement sur la paix et la sécurité des peuples chiites de la région, Riyadh semble vouloir céder à une panique qui risque de porter le feu jusque sur son territoire, où vit d'ailleurs un peuple chiite estimé à au moins 20 % de la population totale, et qui a déjà eu l'occasion tout récemment encore de montrer les dents pour exprimer ses propres revendications.
Enfin, les débordements qui ont donné naissance aux désordres qui agitent aujourd'hui Manama ne peuvent avoir d'autre finalité, si la répression aveugle venait à se poursuivre, qu'à radicaliser plus avant les revendications populaires pour l'abolition pure et simple de la monarchie médiévale locale.