Liberté - 14.02.2011
Par : Neila B
Il serait derrière les kidnappings et les faux barrages en kabylie
Le groupe des “faux terroristes” arrêté
Le groupe “terroriste” qui serait derrière des faux barrages et des kidnappings contre paiement d’une rançon dans la région de Kabylie, plus précisément à Aghribs, est finalement tombé.
Il s’agit en fait de malfaiteurs armés en tenues militaires et afghanes qui se faisaient passer pour un groupe terroriste du GSPC. Ils seraient derrière sept actes criminels en moins d’une année, dont l’assassinat d’un entrepreneur, l’enlèvement de son cousin à la forêt de Bouhlalou d’Aghribs et l’attaque qui a ciblé le siège du commissariat de Fréha.
Une rançon versée pour la libération d’une personne enlevée a servi à l’achat d’un lot d’armement. L’enquête des services de la gendarmerie a révélé aussi l’itinéraire de l’acheminement des armes de Tamanrasset à Tizi Ouzou.
Un dangereux groupe de malfaiteurs armés qui activait sous le couvert des groupes terroristes du GSPC en Kabylie a été démantelé par les services de la Gendarmerie nationale (GN) fin janvier de l’année en cours après plusieurs mois d’investigations approfondies menées par le Service central des investigations criminelles du commandement de la GN en coordination avec les groupements des wilayas de Béjaïa, Tizi Ouzou et Biskra. Quatre armes de guerre ont été récupérées lors de cette opération. Ce groupe criminel ciblait les entrepreneurs et les riches commerçants dans des faux barrages.
Quand les fonds extorqués et les rançons servent à l’achat d’armes
Selon des informations fournies par le commandement de la GN, le premier acte criminel remonte au mois de mars de l’année passée, vers 15h, suite à l’extorsion d’une somme de 4 millions de DA sous la menace d’un pistolet, en fait en plastique, dans un faux barrage tendu au niveau de la RN12 au [préjudice du] chauffeur d’une camionnette de distribution de boissons alcoolisées. L’enquête a révélé la complicité du convoyeur de la camionnette qui n’était autre qu’un membre de ce réseau.
L’argent extorqué a servi à l’achat d’un lot d’armes composé de deux PM/AK et de deux PA de calibre 7.65. Ces armes ont été achetées auprès d’un trafiquant d’armes au sud du pays par l’intermédiaire d’une personne détenue au niveau de la prison d’El-Harrach, avec le chef de la bande, pour association de malfaiteurs, faux et usage de faux, vol qualifié et détention illégale d’arme.
L’opération d’achat, selon notre source, s’est effectuée en deux temps à raison d’un PA et d’un PM/AK pour chaque transaction d’une valeur de 300 000 DA et payées respectivement avec les fonds extorqués lors de l’agression du chauffeur de la camionnette et aussi la rançon d’une personne enlevée le 4 juillet 2010 de 7 millions de DA.
Selon la même source, les enquêteurs ont pu récupérer les armes à Tizi Ouzou et à Béjaïa. Les investigations entreprises ont fait ressortir que les déplacements des criminels ainsi que les passages des armes achetées ont été effectués à bord de deux véhicules touristiques loués auprès des agences de location de voitures, à Dergana, à l’est de la capitale, et à Fréha (Tizi Ouzou). Les criminels dissimulaient les armes à l’intérieur de la garniture de la portière droite du siège du passager afin d’éviter la détection des appareils Fennec (spécialisé dans la détection des armes) et en empruntant l’itinéraire de Tizi Ouzou-Boumerdès-Alger-Médéa-Blida-Djelfa-Laghouat-Ghardaïa-El Menea-Aïn Salah et Tamanrasset, au niveau de la frontière algérienne avec le Niger.
Les faux terroristes se déplaçaient à bord de véhicules loués
Les investigations ont également révélé que ce réseau criminel a adopté les méthodes des groupes terroristes avec le port de tenues vestimentaires afghanes et le déploiement de faux barrages à différentes heures de la journée. Mais les terroristes ont dû changer de secteur opérationnel après le resserrement de l’étau sécuritaire dans la wilaya de Tizi Ouzou.
L’expertise balistique de l’Institut national de criminalistique et de criminologie de la GN, effectuée sur les douilles récupérées dans les lieux du crime, a révélé qu’elles ont été tirées par les deux PM/AK utilisés dans les agressions enregistrées à Tizi Ouzou le 14 novembre 2010 et les 10, 16 et 31 décembre 2010, ainsi que celle de Biskra le 6 janvier 2011.
Les numéros de série de ces armes qui avaient été limés ont été percés à jour lors de l’expertise effectuée au niveau de l’Institut national où il a été établi que les deux PM/AK de fabrication chinoise n’étaient pas répertoriés et donc inconnus des services de sécurité, et que le canon du PA Beretta fabriqué initialement pour tirer des cartouches à blanc a été remplacé par un autre de calibre 7.65.
Sept personnes membres du réseau ont été finalement arrêtées, alors que trois autres identifiées demeurent activement recherchées. Le réseau serait derrière plusieurs actes criminels, dont celui perpétré le 14 novembre par trois individus armés de PM/AK en tenues militaires et afghanes qui ont dressé un faux barrage sur la RN71 au lieu-dit forêt de Bouhlalou d’Aghribs, wilaya de Tizi Ouzou, au cours duquel ils ont intercepté un véhicule ayant deux hommes à bord et enlevé l’un d'eux. Le second ayant pris la fuite, les agresseurs l'ont sérieusement blessé. il succomberait trois jours plus tard à ses blessures. Il s’agit de l’entrepreneur Hand Slimana et c'est son cousin Omar qui a été enlevé comme otage puis libéré sous la pression de la population et sans que sa famille n'eût versé la rançon exigée initialement.
Une rançon de 7 milliards pour acheter des armes à Tamanrasset
Une autre affaire perpétrée au village Tala Athmane, commune de Tizi Ouzou visait deux citoyens délestés de leur véhicule. Vers 22h, ces derniers ont été arrêtés à leur tour dans un faux barrage dressé par des membres de ce réseau en tenue militaire et armés d’un PM/AK. Ils se faisaient passer, comme toujours, pour des terroristes.
Se faisant encore passer pour des terroristes, trois bandits roulant à bord d'un véhicule auraient aussi attaqué le 16 décembre dernier la Sûreté urbaine de Fréha.
Trois membres de ce réseau criminel, selon l’enquête, seraient également impliqués dans le guet-apens ayant ciblé deux citoyens à Aghribs, dans la Mizrana, au lieu-dit Netlata. Les criminels ont là aussi délesté leurs victimes de leur véhicule, lequel a été retrouvé le lendemain abandonné sur la plage Tamda-Ouguemoun, dans la commune d’Iflissen. Tout comme ils seraient derrière l’agression d’un chauffeur de camion stationné à proximité d’un relais routier, sur la RN83 reliant les wilayas de Biskra et de Khenchela. Selon les résultats de l’enquête, ce conducteur a été forcé par un individu armé d’un PM/AK de reprendre sa route pour se retrouver piégé dans un faux barrage tendu à deux kilomètres de là par deux autres individus qui étaient à bord d’un véhicule immatriculé à Alger. Ils l’ont dépossédé d’une somme de 30 millions de centimes après l’avoir blessé par balle à l’épaule et au cou.
Ces criminels auraient sans doute profité de l'insécurité générale régnant en Kabylie our commettre leurs forfaits, en s'inspirant de la stratégie propre aux terroristes islamistes.