Contrairement aux attentes, Mubarak n'a pas démissionné et ne songe pas à le faire avant l'expiration normale de son mandat en septembre prochain. En ce sens, il a fait un pied-de-nez non seulement au peuple égyptien qui, sous la foi d'informations diffusées notamment par la CIA, avait espéré toute la journée un dénouement heureux de la situation par la démission du despote mais aussi aux USA principalement accusés désormais de se mêler abusivement des affaires intérieures de l'Égypte.
Le dictateur a tenu hier soir un discours qui en dit bien long sur la nature bien tiers-mondiste de la gouvernance en Égypte. L'armée, qui est visiblement impliquée de bout en bout dans les dilapidations des fonds publics, les détournements et autres faits de corruption qui sont à l'origine des manifestations populaires réclamant la fin du régime en place, n'entend pas se dessaisir de sa mainmise sur le pouvoir. Et comme Mubarak relève de ses rangs, il se retrouve du coup amplement protégé par elle.
Aussi, la fermeté avec laquelle l'armée a pris le relais de Mubarak pour sommer ce matin les manifestants de cesser leur rassemblement à la place Tahrir et de reprendre leurs activités habituelles explique pourquoi elle se range totalement derrière Mubarak et ne veut en rien déroger aux décisions prises par lui.
Pourtant, même l'état de la fortune colossale (estimée entre 45 et 70 milliards de dollars) décrié à travers toute la planète et qui est maintenant largement connu de la population égyptienne n'a pas le moindrement ébranlé les responsables militaires, dans un pays où la moyenne des revenus par habitant se situe entre 1 et 2 dollars par habitant et où 11 millions de Cairotes vivent dans des bidonvilles.
Dans ce monde autiste, rien n'étonne en vérité, puisque, selon les enquêtes réalisées au Royaume Uni, l'on attribue aussi à chaque ministre une fortune estimée entre 1,5 et 2,5 milliards de dollars. À lui seul, le secrétaire général du parti au pouvoir, le PND, dirigé par le fils Mubarak, est crédité d'une fortune estimée à 3 milliards de dollars. Et là, l'on s'interroge non sans raison sur l'origine de cet argent, le parti n'étant pas en principe mêlé directement aux affaires économiques, comme peuvent l'être des ministres.
Le peuple ne désarme pas encore ; ses regroupements se multiplient à travers le territoire en même temps que les grèves dans les secteurs publics. Il compte encore poursuivre ses protestations même si ses chances de pouvoir être entendu sont désormais bien minces, en dépit des soutiens de la communauté internationale et surtout des principaux des principaux dirigeants du monde.