La surprise, pour le chef du gouvernement, est venue du Sénat, et, pis encore, du tiers présidentiel, de cette frange considérée à tort comme théoriquement acquise au régime.
Drif Zohra, dont le nom seul rappelle les hauts sacrifices consentis à la lutte de libération nationale, et notamment les durs affrontements vécus à Alger durant la bataille sanglante menée contre les parachutistes de Massu, et qui, au Conseil de la nation, a mené les premières escarmouches, non sans finir par fondre en larmes, a interpellé vivement Belkhadem et son équipe, à propos de tous les désordres devenus le propre de l’Algérie : corruption, violence, chômage, harraga (du nom des malheureux candidats à l’émigration qui échouent en haute mer le plus souvent en y perdant la vie), gaspillage des deniers publics, manque de logement, inégalités, fraude aux examens, etc. En mettant en exergue le manque de confiance du peuple en ses institutions, qu’à traduit de façon cinglante d’ailleurs le dernier vote des législatives, Drif a rappelé qu’il y a là le vrai sujet de préoccupation qu’il échoit au gouvernement de prendre sérieusement en charge.
Relayée ensuite par d’autres sénateurs, essentiellement du RCD, la critique s’est étendue à l’absence totale d’un vrai programme de gouvernement - le projet présenté ne constituant en réalité qu’une espèce de bilan plus ou moins édulcoré des deux mandats présidentiels -, à la fermeture des libertés publiques et individuelles, au manque de repères pour préciser les échéances prochaines, etc.
Indirectement aussi, ces critiques s’adressaient à un Zerhouni, ministre de l’Intérieur, qui avait cru faussement trouver l’explication de la désaffection du peuple, telle qu’exprimée au dernier scrutin, dans l’incapacité ou l’incompétence des partis à jouer pleinement leur rôle.
Si enfin l’assemblée nationale n’a pas estimé de son devoir de mettre le holà aux dérives du chef de gouvernement, à cause principalement des intérêts communs qui lient les uns aux autres les députés de l’alliance présidentielle, le Conseil de la nation a donné vraiment à réfléchir à Belkhadem, à l’effet de revoir sérieusement et dans le fond son programme de gouvernement.