Priorité aux travailleurs nationaux en Espagne

Qui pouvait prédire, il y a trois ou quatre ans au moment où le pays accusait un taux de croissance des plus élevés d'Europe, que l'Espagne serait aujourd'hui si rudement confrontée à la crise ?

Pour un Etat qui a régularisé d'un coup 700 000 travailleurs étrangers sans papiers, provoquant en même temps l'ire de capitales européennes les plus fermées à l'immigration notamment africaine, la période des vaches grasses semble résolument terminée.

En effet, la ruée qu'a déclenchée, dans le sud, la cueillette des olives pour les nombreux chômeurs nationaux notamment du bâtiment explique le grand désarroi que vivent désormais les Espagnols. Ils ont accouru de partout et par milliers dans des petites bourgades pouvant à peine employer quelques centaines de travailleurs durant quelques jours et pour quelque maigre salaire. Devant une demande inhabituelle et aussi forte que pressante, les employeurs en sont arrivés jusqu'à exclure l'embauche des étrangers, qu'ils soient régulièrement installés ou non. Du coup, les milliers d'immigrés qui avaient coutume d'assurer la cueillette ont trouvé partout porte close. Des affiches en espagnol, en français et en arabe sont placardées à leur intention pour leur demander de se retirer.

Des dortoirs provisoires ont été ça et là ouverts par contre au profit des seuls travailleurs espagnols occasionnels. Eux-mêmes, d'ailleurs, n'ont pas tous la chance d'être recrutés, tant l'offre est réduite en termes d'effectifs et de durée.

A cause des prix bas du marché, même la cueillette des oranges et des citrons n'a, par ailleurs, pas amassé grand monde et l'on craint que la récolte prochaine des fraises ne suive le même chemin, faute pour les agriculteurs de ne pouvoir, ici comme là, récupérer leurs frais.

La situation sociale se dégrade de plus en plus gravement en Espagne. Réduits pour la plupart au chômage, les travailleurs du bâtiment, issus généralement du monde agricole, tentent désespérément de retrouver une occupation dans le milieu qui fut le leur à l'origine.

Et là, non seulement ils ne trouvent que des occupations temporaires, le temps d'une cueillette, d'une récolte, mais ils doivent se satisfaire de salaires dérisoires.

Les dizaines voire les centaines de milliers d'immigrés, africains principalement, qui étaient jadis affectés à ces tâches, sont rejetés du coup dans le monde des sans emploi. En même temps que s'installe le chauvinisme, les esprits s'échauffent, des rixes se déclenchent, mettant aux prises des nationaux avec ces immigrés ou encore ces derniers entre eux. Les communautés s'entredéchirent. Les Noirs en veulent aux Marocains, ou inversement. Les policiers interviennent et couvrent souvent, dans un cycle infernal, les ratonnades qui en résultent.

Les autorités commencent aussi à regretter le geste, certes plein d'humanité, grâce auquel 700 000 immigrés, dans un passé récent, ont été régularisés par le gouvernement socialiste de Zapatero. Elles se posent la question : que faire de tous ces immigrés, à 40 % placés au chômage désormais ?