Ingrid Bétancourt libérée

Le calvaire d'Ingrid Bétancourt, cette franco-colombienne retenue en otage depuis plus de six ans par les FARC, les forces armées révolutionnaires de Colombie, vient de prendre fin. Une dépêche de l'AFP vient d'annoncer, ce soir, cette information qui inclut également la libération, par l'armée colombienne, d'otages américains et militaires nationaux, au nombre respectivement de 3 et 11.

Ingrid Bétancourt était députée, au moment de son enlèvement. Elle se préparait à être candidate aux élections présidentielles de son pays, la Colombie. Née française, Bétancourt a épousé un Colombien dont elle a divorcé depuis quelques années déjà. Ses enfants vivent en France, où ils essayaient jusqu'ici, avec toute la famille, et des associations créées dans ce but, de mobiliser les médias en particulier pour influer sur les FARC afin d'obtenir la libération d'Ingrid.

Sarkozy a même dépêché, il y a quelques mois, un avion sur Bogota dans l'intention de rapatrier Ingrid, dès sa libération. Car, il était convaincu que ses appels, conjugués à ceux de Chavez, devaient se conclure par la libération de sa compatriote.

C'est par une opération militaro-policière bien ficelée que l'armée colombienne a réussi à libérer Ingrid Bétancourt et quinze des autres otages détenus par les FARC.

Selon le récit qu'en ont fait les médias, les services secrets de Bogota ont agi en deux temps dans ce coup de main.

Ils ont, dans le premier, infiltré le secrétariat de l'état-major des rebelles, grâce à quoi ils pouvaient disposer de renseignements précis concernant les lieux de détention des principaux otages. Mettant à profit les informations ainsi obtenues, l'armée colombienne a commencé à concocter des plans d'intervention.

Dans un deuxième temps, favorisé il est vrai par la mise hors d'état de nuire du second responsable des troupes rebelles et par son nécessaire remplacement, le plan définitivement retenu a exploité ce dernier élément pour donner quelque consistance à l’opération envisagée. Les services colombiens ont alors fait venir deux hélicoptères, préalablement repeints en blanc, aux abords du lieu de détention d'Ingrid et des quinze autres otages. Ils ont ensuite usé d'un coup de bluff pour faire croire au principal geôlier que le nouvel adjoint récemment désigné à la tête des FARC désirait s'entretenir personnellement avec chacun de ces otages, prétextant que leur libération négociée n’allait pas tarder. Des centaines de guérilleros emprisonnés par l'armée colombienne devaient être élargis en contrepartie.

Ils ont pu ainsi faire embarquer à bord de l'un des deux hélicoptères - le second ayant décollé à vide peu après son atterrissage -, Ingrid et quinze de ses camarades détenus. Le commandant geôlier était lui-même du voyage, pour lui permettre de garder l’œil sur ses prisonniers. Mais ce dernier eut à peine le temps de prendre place dans l’avion que des mains expertes l'ont aussitôt maîtrisé et ligoté. Une fois, enfin, les portes de l'hélicoptère refermées, les neuf libérateurs, portant des tenues militaires bardées de l'effigie du Che et armés de Kalashnicov pour donner le change, s'empressèrent de dévoiler leur véritable identité : c'étaient des militaires de l'armée colombienne officielle.

Un dernier rebondissement dans cette affaire, attribué à la Radio suisse romande, obligerait, si l'information venait à se vérifier, à reconsidérer totalement ses tenants et aboutissants.

Il n'y aurait pas eu d'opération militaire, à en croire ce média, s'appuyant sur une source qu'il dit fiable. Toute l'affaire ne serait en fait que le résultat d'un montage honteux, initié par le régime colombien, à seule fin de redorer son blason, à la veille d'élections. L'avenir du président colombien, Uribe, se trouvait en même temps lui-même menacé par la révélation d'actes de corruption le mettant directement en cause. Vingt millions de dollars auraient donc été payés conjointement par Bogota et Washington pour acheter la complicité de gardiens préposés à la surveillance des anciens otages.

Les analystes politiques, qui ont des motifs sérieux de suspecter les conditions invraisemblables ayant entouré la prétendue opération militaire, ne manquent pas de rapprocher à juste raison la révélation de la radio suisse à la déclaration du porte-parole du ministère français des Affaires étrangères : " N'ayant pas été associés à cette opération, nous n'avons pas été associés à ses modalités de financement, si tant est qu'il y ait eu des modalités de financement ", a-t-il déclaré.

Ingrid Betancourt, dans la conférence de presse qu'elle a donnée aujourd'hui, a été interrogée sur ce point particulier de la mise en scène prêtée à sa libération. A travers sa réponse, et surtout ses hésitations, l'on pouvait sentir que la question l'indisposait fortement.

Une chose reste cependant sûre : si elle n'appartenait à la richissime famille des Betancourt, il n'y a guère de doute que son arrivée en France à bord d'un avion spécialement affrêté par le gouvernement français, son accueil à l'aéroport par le président français en personne, tout le tralala enfin ayant entouré sa réception en grande pompe à l'Elysée, n'auraient pas été accompagnés par tout cet éclat princier qui doit faire sourire les anciens otages tels que Florence Aubenas, etc.

S'agissant, enfin, du tapage fait autour de cette libération, à propos notamment du concours apporté par les Israéliens, l'on comprendrait donc qu'il y a là encore une indigeste manipulation au cas où la vérité de l'information donnée par la radio suisse devait prévaloir.