Telle une sangsue Mugabe s'accroche au pouvoir

Après de multiples et vains atermoiements, Mugabe, président du Zimbabwe depuis 28 longues années, tire enfin sa révérence. La commission nationale électorale a déclaré officiellement son parti battu au Parlement. C'est le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de son adversaire qui est déclaré vainqueur avec 105 sièges contre 93 obtenus par sa formation, la Zanu-PF.

Bien que la commission électorale n'ait toujours pas donné d'indication sur les résultats de l'élection présidentielle, laquelle s'est déroulée en même temps que les élections législatives, tout semble indiquer que le président en exercice, poussé à la porte de sortie depuis déjà de longues années par de nombreux pays, notamment d'Europe, dont le Royaume uni principalement, renonce désormais à son sixième mandat.

Il étant grand temps que ce dictateur, qui a conduit son pays à la ruine - l'inflation y est de 100 000 % - "débarrasse le plancher". A un âge aussi avancé que le sien - 84 ans -, tout commande naturellement de le renvoyer dans ses pantoufles, à défaut de le juger et de le laisser finir ses jours en prison.

Mugabe, en vérité, n'a pas encore tiré sa révérence.

Quand on dit que le pouvoir use, c'est hélas une vérité incontournable. Dans le film "Z" de Costas Gavras, une scène remarquable me revient souvent à l'esprit qui explique on ne peut mieux cette faiblesse humaine que l'homme cultive de ne jamais lâcher le pouvoir quand il le tient. C'est la réponse que donne le chef de l'Etat, héros du film, à son conseiller qui ne comprenait pas pourquoi éprouvait-t-il tant de peine à se séparer d'une fonction aussi haute et prestigieuse que la sienne : "A l'inverse de l'orgasme dont la durée éphémère ne dépasse jamais vingt secondes, la jouissance que l'on tire du pouvoir s'allonge sur les vingt-quatre heures de la journée."

L'on comprend dès lors pourquoi le maître de Harare, contre l'évidence même, s'acharne, lui comme ceux qui gravitent dans son entourage, depuis maintenant une semaine, à explorer en vain toutes les issues possibles l'autorisant à conserver le pouvoir, si possible sans bain de sang.

Bien que la Zanu-PF, son propre parti, ait reconnu publiquement ne pas avoir obtenu la majorité aussi bien aux législatives qu'à la présidentielle, Mugabe continue d'espérer un retournement illusoire de situation lui permettant à la fois de justifier le retard anormalement mis pour énoncer les résultats définitifs de l'élection présidentielle et de s'autoproclamer réélu pour la sixième fois, malgré son âge si avancé et la calamité qui a accompagné son règne interminable de 28 ans.

Pareille situation qui ne peut durer risque néanmoins de déboucher, à l'exemple de celle regrettable du Kenya, sur des violences interethniques qui embraseront l'ensemble du pays, lequel pourtant aspire davantage à ce que l'on abrège ses souffrances qu'à s'offrir à des démonstrations de force ou des violences aussi inutiles qu'irréparables dans la rue.

Toujours entêté, Mugabe ne semble nullement disposé à reconnaître sa défaite aux dernières élections présidentielles. Au bout de douze jours, en effet, les résultats n'ont toujours pas été promulgués, en dépit des pressions qui s'exercent sur le gouvernement par la communauté internationale, d'un côté, et par l'opposition interne de l'autre.

Celle-ci se dit, en effet, victorieuse de ces élections. Et c'est son droit, d'autant plus que jusqu'ici le régime n'a nullement justifié d'une façon ou d'une autre le blocage de l'énoncé des résultats du scrutin.

La convocation d'une réunion au sommet de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) tombe toutefois à point nommé pour laisser espérer que les bons offices de la Zambie, organisatrice de la rencontre, parviendront à résoudre Mugabe à se retirer du pouvoir sans violence. Car, le temps passant, il est fort à craindre que les événements fâcheux du Kenya ne se reproduisent de la même manière au Zimbabwe, un pays non seulement usé mais au bord de la faillite causée précisément par son dictateur Mugabe qui en détient les rênes depuis maintenant plus de 28 ans.

Les choses commencent à se gâter sérieusement au Zimbabwe.

La justice, pliée aux ordres, a débouté aujourd'hui l'opposition de sa plainte exigeant des autorités la publication des résultats électoraux. Pire, elle exige d'elle le remboursement des frais de justice.

L'opposition, elle, ayant épuisé toutes les voies raisonnables de recours, s'est tournée à son tour vers une solution de force, la grève générale programmée dès demain. Officiellement, le débrayage est justifié par la demande de publication des résultats du scrutin. "Nous appelons la population à protester contre la ZEC (Commission électorale du Zimbabwe) qui n'a pas annoncé les résultats", a déclaré Thokhozani Khupe, vice-présidente du MDC, le parti d'opposition de Morgan Tsvangirai.

De son côté, Mugabe a déjà déployé ses troupes dans le pays pour contrer le débrayage. Il a même averti que la police traiterait "sévèrement et fermement tout fauteur de troubles".

Toutes les conditions sont désormais réunies pour engager le pays dans un bain de sang.

Pékin est en train de jouer au Zimbabwe un jeu qui tranche notablement et de façon déplorable avec sa réserve habituelle et surtout avec son sens pourtant éprouvé de la mesure.

Le An Yue Jiang, un navire portant ses couleurs, est en rade de Durban, en Afrique du sud, avec un chargement de 77 tonnes d'armes et de munitions en provenance de la Chine et destiné au régime de Mugabe, révèlent les journaux britanniques.

Le plus surprenant dans cette affaire est que cette livraison de Kalachnikov et de millions de cartouches, en sus de lance-roquettes et de mortiers, transgresse un interdit qui frappe toute fourniture d'armes au dictateur du Zimbabwe, d'un côté ; et, de l'autre, qu'elle se rapporterait assez curieusement à une commande établie deux jours après les élections présidentielles dans ce pays.

Fort heureusement, sur ce point, le syndicat des transports (Satawu) se dit non disposé à opérer le déchargement et transbordement des armes en vue de leur transfert au Zimbabwe. Vraiment conscients du danger encouru par le peuple de ce pays, ils semblent en tout cas résolus à ne pas se prêter au jeu de leurs propres autorités.

De toute évidence, en effet, Pretoria perd elle aussi toute crédibilité dans la résolution de la crise créée par Mugabe. Le président Mbeki, aux bons offices duquel avait recouru le parti du MDC, gagnant des dernières élections, a manqué gravement à son devoir de neutralité, à l'occasion de la dernière réunion qu'il avait lui-même organisée, en fustigeant les critiques de l'opposition zimbabwéenne.

Le fait aussi que Prétoria serve aujourd'hui d'intermédiaire entre Mugabe et la Chine pour le transit des armes montre enfin qu'à moins d'une intervention musclée de l'occident, seul capable de mettre un terme à l'imbroglio actuel de l'ancienne Rhodésie, l'on ne peut entrevoir à court terme de solution sans effusion de sang au grave problème posé aujourd'hui.

Une décision de la justice sud-africaine l'ayant empêché de décharger sa cargaison, le bateau chinois chargé d'armements au profit du Zimbabwe a donc quitté les eaux sud-africaines pour cingler en direction des cotes australes.

Ni en Angola ni au Mozambique, ce dernier n'a été jusqu'ici autorisé d'accoster leurs quais. Le président zambien a d'autre part demandé aux pays de la Sadec (Communauté des Etats d'Afrique australe), de ne pas le recevoir.

Washington est intervenu de son côté pour inviter Pékin à rappeler son navire et surtout à renoncer à la livraison de son chargement à Harare.

Quant au Zimbabwe, "Tout pays a le droit d'avoir des armes. La façon dont elles vont être utilisées et à quel moment ne regarde personne", a déclaré le ministre zimbabwéen de l'Information, Bright Matonga, à la radio sud-africaine.

Le Zimbabwe restant sous le coup des sanctions occidentales prises contre lui depuis 2002, il ne peut donc recevoir d'armes que de pays tiers. Et, en ce sens, la Chine, qui accepte de jouer ce rôle, se met du même coup à dos l'ensemble des pays africains qui condamnent les abus d'autorité exercés par Mugabe, ainsi que les exactions de plus en plus graves de sa police contre l'opposition, depuis notamment les dernières élections présidentielles qu'il a sans doute perdues.

Le navire chinois réapparait sur les quais de Luanda, en Angola, où il a été invité à décharger exclusivement les marchandises destinées à ce pays, interdiction lui étant faite de se délester des caisses d'armes commandées par le Zimbabwe.

Certes, une tentative a été engagée de débarquer ces dernières à Durban, en Afrique du sud, mais les dockers s'y étaient refusés, contrevenant peut-être ainsi au souhait de leur président dont on sait aujourd'hui le soutien aussi incongru que maladroit témoigné à son ami Mugabe.

L'Ouganda ayant elle-même fini par renoncer à recevoir la livraison de ces armes, le bateau chinois sera donc forcé de remporter en Chine sa cargaison et ce d'autant que les USA semblent bien disposés à s'opposer à toute nouvelle tentative de son déchargement en terre africaine.

Selon des sources proches de la commission électorale et du gouvernement, un second tour est sans doute nécessaire pour départager les deux prétendants à la magistrature suprême.

Il semble que Morgan Tsvangirai, le candidat de l'opposition, n'ait recueilli que 47 % des suffrages contre 43 % à Mugabe, ce qui justifierait le renvoi des électeurs aux urnes.

Les circonstances qui ont entouré le dépouillement et surtout la vérification des résultats obtenus, à la fois aux législatives et à la présidentielle, non encore achevée à ce jour du moins pour cette dernière, laissent supposer qu'un possible maquillage aurait été organisé volontairement pour contraindre Tsvangirai à se représenter à un second tour, dont tout laisse craindre un trucage prémédité.

Mugabe, qui refuse toujours de reconnaître sa défaite, ne semble point disposé à quitter le pouvoir sans y être forcé à coups de pied dans le derrière. Il est vrai qu'y ayant goûté vingt-huit ans durant, n'importe quel autre homme finit, comme lui, par ne plus vouloir s'en détacher.

Les résultats définitifs, après vérification des dépouillements, donnent 47,9 % des suffrages à Morgan Tsvangirai, 43,2 % à Mugabe et 8,3 % à l'ancien ministre Simba Makoni, a déclaré aujourd'hui la commission électorale. "Puisqu'aucun candidat n'a obtenu la majorité absolue des bulletins exprimés (...) un second tour devra être organisé à une date qui sera annoncée ultérieurement par la commission", a ajouté Lovemore Sekeramayi, directeur de la ZEC.

Le MDC, parti d'opposition de Morgan Tsvangirai, ayant préalablement déclaré qu'il ne reconnaîtrait pas les résultats impliquant un second tour, la question est de savoir désormais s'il compte se retirer de la course. Il est bien évident, en effet, qu'il y a peut-être là le piège tendu par Mugabe de remporter les élections en cas de retrait de son adversaire.

Toutefois, en se représentant, Tsvangirai pourrait aussi courir le risque de se laisser distancer par Mugabe, les forces de police ayant à charge de forcer les populations de voter pour ce dernier, au second tour.

Seule la pression internationale, à l'exemple de celle des Etats-Unis pour qui les atermoiements et les procédés dilatoires mis en oeuvre par Mugabe cachent mal le rejet de ce dernier par les urnes au premier tour, peut empêcher Mugabe et son équipe sinon d'organiser un second tour du moins de peser sur les électeurs et de falsifier leurs suffrages.

Les limites du jeu démocratique étant connues, seul un mécanisme mûrement réfléchi à l'échelle de l'Organisation des Nations unies doit permettre, dans des cas semblables toujours susceptibles de réapparaître, d'obliger tout président candidat à un nouveau mandat, mais néanmoins défait aux élections, de quitter ses fonctions sans céder à la moindre tentation de les reprendre sous une forme quelconque. Les cas des présidents du Zimbabwe et du Kenya qui sont venus troubler la paix, d'abord dans leur pays, à l'échelle du monde ensuite, en créant des précédents graves qui jettent le discrédit sur le processus démocratique des élections au suffrage universel, doivent être médités par l'ensemble de la communauté internationale pour prévenir leur renouvellement dans les pays principalement du tiers monde.

Le leader de l'opposition Tsvangirai, arrivé en tête au premier tour des dernières élections présidentielles, s'est déclaré, samedi dernier, disposé à aller au second tour. Il se proposait de rentrer aujourd'hui même au pays, en provenance d'Afrique du sud où il s'était réfugié à la suite de la répression qui s'était abattue sur les membres de l'opposition, au lendemain de l'échec subi par le parti au pouvoir aux élections législatives.

Il a posé toutefois quelques conditions à son retour. D'un côté, la SADC (la Communauté de développement de l'Afrique australe) doit l'assurer à la fois de "l'arrêt total des violences" exercées contre ses partisans et du déploiement des forces chargées du maintien de la paix. Les observations internationaux ainsi que les médias doivent aussi avoir l'accès libre, qui leur avait été refusé au premier tour. De l'autre, Tsvangirai demande que les élections aient lieu avant le 23 mai prochain et que les membres de la Commission électorale, qui se sont montrés de connivence avec le régime, soient remplacés.

Que feront Mugabé et ses lieutenants devant ces conditions posées ?

A Harare, l'opposition a toutes les raisons de craindre de possibles trafics à l'occasion du scrutin qui s'y prépare pour le deuxième tour de la présidentielle.

Le journal officiel Hérald révèle lui-même une prise de position du chef d'état-major des armées suffisamment édifiante quant à l'intention prêtée non sans raison au président Mugabe de conserver le pouvoir coûte que coûte. "Les soldats ne sont pas apolitiques. Seuls les mercenaires sont apolitiques. Nous avons signé et accepté de nous battre et de protéger les principes de défense de la révolution du parti au pouvoir. Si vous avez d'autres pensées, vous devriez ôter cet uniforme", a lancé le général Martin Chedondo lors d'une visite aux troupes, vendredi soir. "Nous devons donc nous tenir aux côtés de notre chef des armées", a-t-il ajouté.

C'est bien là une curieuse approche des notions de citoyenneté et de patrie, qui n'est pas propre en réalité au seul Zimbabwe. Dans l'ensemble des pays africains, du nord au sud et d'est en ouest, les tenants du pouvoir ont cette fâcheuse tendance à considérer qu'ils sont les seuls citoyens ou patriotes dignes de gouverner valablement leur pays. Autrement dit, tous les autres concitoyens, sans distinction aucune, doivent être rangés dans la seule case des exécutants ou de la claque, auxquels il n'est reconnu ni capacité de choix de leurs dirigeants ni compétence pour juger de l'action de ces derniers, fût-elle corrompue, nulle ou ruineuse.

Sinon, comment expliquer que les Zimbabweens, menés 28 années durant à la faillite par un prétendu patriote, sénile par surcroît, n'aient pu, depuis leur accession à l'indépendance, connaître de président que Mugabe, cet homme vomi non seulement par les siens mais par toute la communauté internationale. ?

Et les exemples sont légion qui, comme le dictateur de Harare, totalisent plus de vingt ou trente années de règne sans n'avoir jamais rien changé au sort des populations qui étouffent sous leurs bottes. Benali, Mubarak, Kadhafi, Biya, Lansana Conté, etc, sont au nombre d'entre eux.

A moins d'un mois du deuxième tour des élections présidentielles au Zimbabwe, Morgan Tsvangirai, le challenger de Mugabe, a été appréhendé aujourd'hui avec quelques-uns de ses camarades du parti d'opposition MDC.

Hier, Tsvangirail avait accusé le président Mugabe de "vouloir transformer le pays en zone de guerre pour affaiblir la volonté du peuple et voler les élections du 27 juin", avant de le défier : "Mais nous n'arrêterons pas notre campagne. Le peuple n'arrêtera pas de soutenir le MDC et ensemble, nous ferons tomber ce régime illégitime et désespéré".

L'arrestation de ce leader vient donc confirmer les craintes que lui-même avait exprimées avant de rentrer d'Afrique du sud où il s'était réfugié après le premier tour de vote.

C'est maintenant du devoir de la communauté internationale de réagir avec énergie puisque tout indique désormais que Mugabe continue de mener son pays à la baguette et n'entend surtout pas passer la main malgré son échec cuisant aux législatives et au premier tour, et son prochain échec plus que probable au second.

La communauté internationale devrait en même temps se pencher sur la recherche de solution susceptible de préserver les règles de démocratie quand un dictateur de cette espèce ose imposer sa présence au pouvoir même quand les urnes l'ont éjecté. Sinon, c'est la porte ouverte, avec les conséquences déplorables que l'on imagine, à l'usage de la force qui suppose la création de milices armées au niveau des partis d'opposition pour se faire entendre raison.

Un acte grave a été commis, aujourd'hui, au Zimbabwe. Des diplomates américains et anglais, en déplacement dans le nord du pays, ont été interceptés par la police, tandis qu'ils cherchaient à s'enquérir de la situation sociale, à une vingtaine de jours du second tour des élections présidentielles.

Selon les autorités locales, les diplomates étaient assemblés avec des villageois dans la demeure d'un opposant et participaient à des débats politiques, avant que la police n'intervienne pour leur demander des explications. Mais, ils auraient pris la poudre d'escampette, dès que l'alerte eût été donnée. Et c'est à un barrage routier que les pneus de l'une de leurs voitures ont été percés par les policiers auxquels ils auraient refusé de répondre. Arrêtés ensuite, ils ont été conduits au commissariat de police où ils se trouveraient encore à l'heure actuelle.

Selon le 10, Downing Street de Londres, les diplomates britanniques ont été relâchés depuis.

Cette question doit en principe être discutée aujourd'hui même au Conseil de sécurité de l'ONU, sur plainte des USA.

Quant à Tsvangirai, l'opposant à Mugabe, il a été relâché au terme de 9 heures de détention par la police et sur pression de Mbeki de l'Afrique du sud. Il se dit résolu de reprendre le combat pour "rétablir la dignité du peuple du Zimbabwe".

C'est donc aujourd'hui que les électeurs du Zimbabwe ont été appelés à voter, dans le cadre du deuxième tour des élections présidentielles.

Mugabe, toujours décidé à conserver le pouvoir coûte que coûte, n'aura donc en rien cédé à la pression de la communauté internationale l'ayant appelé à ajourner ce second tour. L'opposant Tsvangirail, arrivé pourtant premier lors du précédent scrutin, a refusé, en effet, de se représenter, faute d'abord qu'on lui assure sa propre sécurité. Toujours réfugié à l'ambassade néerlandaise à Harare, ce dernier avait de sérieuses craintes pour sa vie, d'autant que son propre adjoint, arrêté depuis plusieurs jours, vient à peine d'être libéré et placé sous le contrôle de la justice avec la perspective de risquer une condamnation à mort pour de soi-disant crimes graves.

Dans un pays en ruine, Mugabe, 84 ans, malgré ses vingt-huit ans de règne catastrophique, entend garder le contrôle du pouvoir. Pas même les menaces réitérées à lui adressées depuis Washington ou Londres n'ont entamé sa résolution.

Les Africains eux-mêmes auront montré par leur silence criant dans cette affaire leur complicité pleine et entière dans les agissements de ce dictateur d'une autre époque. Il est vrai qu'ils lui ressemblent tous par leur soif du pouvoir. Tant au nord que dans le reste de l'Afrique, les chefs d'Etat s'inscrivent dans la lignée des Tchombé et autres dégénérés n'ayant d'autre souci que celui de remplir leurs comptes suisses aux dépens de la sueur et de la misère de leurs compatriotes.

Je viens, depuis moins de deux heures, de défendre la même thèse sur le journal Libération.

Derrière un long article consacré à la critique des élections du Zimbabwe, de nombreux commentaires ont quasi unanimement désapprouvé cette attitude, considérant que l'Europe, en particulier, est responsable partiellement des dérives de l'Afrique.

Voulant y ajouter ma propre vision des choses, j'ai joint le mot suivant dans son intégralité :

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« Si votre article, dans le fond, est assez pertinent, les réactions contraires qu'il inspire restent pourtant tout aussi sensées. J'en veux pour preuve l'appel du pied que fait en ce moment même Sarkozy auprès des dictateurs arabes, et ils le sont tous sans exception, pour sauver son projet d'UPM de la déconfiture. Or, nous savons bien que de gros intérêts socio-économiques motivent la réussite de cette Union. Il faut dire que rien n'intéresse l'Europe et le monde occidental en général qu'un statu quo leur permettant de continuer à tirer les marrons du feu à bon compte de ces contrées encore arriérées d'Afrique. Sans les Bongo, N'guesso, Assad, Bouteflika, M'bya, Benali, Mubarak, etc., il est quasiment certain que l'approche du débat serait autrement différente. Et d'ailleurs, ces derniers eux-mêmes se sentent-ils quelque devoir de rappeler Mugabe à l'ordre, tout comme leurs prédécesseurs n'avaient pu le faire contre des Mobutu, des Bokassa ou des Amin Dada ? Non ! tout simplement n'ayant pas de leçon à donner, ils se savent tout autant vomis par leurs peuples pour le rôle de potiches qu'ils jouent au seul profit des anciens empires coloniaux qui les ont mis en place.»

Ce pantin s'est autoproclamé président pour un nouveau mandat de six ans, sans la moindre honte et au mépris des injonctions de la communauté internationale.

Le spectacle le plus abominable nous a encore été donné par cette assemblée de chefs d'Etats africains totalement délurés qui ont osé soutenir cet énergumène, à l'exemple d'Omar Bongo. N'est-ce pas que ce dernier est fort bien placé pour donner des leçons d'intégrité à ses collègues, lui qui a dépouillé son peuple depuis maintenant quarante ans qu'il est au pouvoir ?

Tout cela, en vérité, reste toujours l'Afrique, un continent, le seul, qui recule pendant que les autres avancent plus ou moins vite et au grand bénéfice de leurs peuples. C'est bien l'Afrique des Tchombé, des Mobutu, des Bokassa, etc.

Conforté par un succès invérifiable au second tour des dernières élections où il se trouvait seul candidat en lice, Mugabe tente désormais de s’imposer comme président régulièrement élu. Le soutien indéfectible de son homologue sud-africain Mbeki est toujours là, bien sûr, pour servir ses intérêts. Nombre d’autres dictateurs africains, comme Omar Bongo du Gabon peuvent aussi se réclamer de ses amis pour couvrir honteusement les massacres et autres débordements ayant eu cours juste avant le dernier scrutin pour barrer la route à son adversaire, mais la vérité reste toujours présente et criante. La crédibilité de Mugabe s’est éteinte du jour où il avait bloqué la publication des résultats du premier vote, pendant cinq longues semaines. Rien ne prouve encore que ces mêmes résultats n’aient pas été préalablement trafiqués avant leur divulgation. Et, en cela, l’Occident, en particulier, n’a pas tort de ne pas reconnaître son dernier soi-disant succès. Des sanctions internationales contre lui et son régime seront incessamment discutées au Conseil de sécurité. Il faut seulement espérer que la Chine et la Russie ne s’interposeront pas pour bloquer leur adoption.

Le refus enfin de ce sénile dictateur de se réunir avec ses adversaires, pour tenter de désamorcer la crise, comme le lui avaient suggéré ses collègues à Charm-el-Cheikh, le place d’ici là dans une situation à tout le moins critique. Car, si lui exige de Tsvangirai qu’il reconnaisse préalablement son statut de président régulièrement investi, Tsvangirai n’est guère disposé de son côté à se plier à cette outrageante exigence. Mieux, il refuse carrément de rencontrer Mugabe dans les locaux présidentiels, et n’accepte d’entamer avec lui aucune autre discussion n’ayant pas trait à la préparation d’un nouveau scrutin honnête et libre mettant en cause les dernières élections.

Le Conseil de sécurité réuni hier a débouté les Occidentaux, à propos de leur motion commune, présentée par les USA, ayant pour objet d'imposer des sanctions au régime de Harare.

Deux vetos ont été déposés par la Russie et la Chine pour contrer cette motion, au motif que les élections au Zimbabwe demeurent une question mineure n'ayant aucune influence sur la sécurité mondiale.

Cette position, qui a été également soutenue par l'Afrique du Sud et deux autres pays du tiers-monde, vient rappeler à Washington que les choses prennent une nouvelle tournure désormais et qu'il n'est pas question pour les deux membres de l'ancien bloc communiste de servir de pantins à l'avenir pour plaire à la Maison-Blanche.

L'on comprend en même temps qu'en définitive seuls les intérêts particuliers des uns et des autres déterminent leurs position respectives dans les affaires internationales. Nous en avons eu d'excellentes démonstrations à propos de l'Irak, de l'Afghanistan et même du Darfour, où les décisions prises ne se sont jamais appuyées sur les notions de justice, d'équité et de véritable défense de la démocratie.

Mugabe peut donc jubiler à volonté aujourd'hui. Un retournement de situation extraordinaire le conforte dans sa position de dictateur bénéficiant d'un nouveau mandat de six ans.

L'U.E. s'est bien passée du soutien de l'Afrique, dans sa confrontation avec le Zimbabwe. Elle, qui attendait du sommet réuni à Charm-el-Cheikh, en Egypte, que l'U.A. assume ses responsabilités pour dénoncer la parodie d'élection présidentielle de Harare, se dit désormais libre de prendre à sa guise les mesures de rétorsion qu'appelle la rébellion de Mugabe face à ses obligations les plus élémentaires du droit humain.

Certes, si nombre d'Etats africains continuent d'être dirigés par des dictateurs du même acabit, rien n'oblige l'Occident développé de restreindre ou même de mettre un terme à ses relations avec eux. En ce sens, oui, les sanctions prises contre Mugabe et sa tribu sont méritoires à plus d'un titre. Geler les avoirs de la famille, des dirigeants et même des sociétés commerciales mises au service du régime participe d'une volonté de mettre un terme au pillage concerté des ressources nationales auquel, pour leur grande majorité, s'adonnent sans vergogne les dirigeants du tiers-monde en général.

Un tel rappel à l'ordre, un peu tardif certes, qui sert d'avertissement à tous, ne peut être que bienvenu.

En attendant que les USA décident, de leur côté, des mesures qu'ils comptent prendre dans le même sens, Mugabe peut donc rabaisser son caquet, lui qui a mis à genoux son peuple, depuis maintenant 28 ans qu'il le dirige de manière aussi catastrophique que condamnable.

Mugabe et Tsvangirai, son rival aux dernières élections présidentielles, ont réussi enfin à se mettre d'accord, grâce à la médiation du président M'beki d'Afrique du sud.

Les deux antagonistes se sont entendus, au terme de longues semaines de négociations, pour partager le pouvoir. Mugabe garde les rênes suprêmes ainsi que le contrôle des armées, tandis que Tsvangirai s'empare du poste de Premier ministre. Cependant, la composition du gouvernement n'a pas encore été arrêtée. C'est à partir d'aujourd'hui que les discussions reprendront sur cette question épineuse qui est loin de trouver sa solution.

C'est une espèce de douloureux compromis, a déclaré le nouveau Premier ministre, conscient des difficultés qui s'annoncent pour gouverner un pays marqué par des échaffourées sanglantes s'étant soldées par 86 morts et une dizaine de milliers de blessés, principalement dans ses rangs. Le marasme économique qui ronge le pays depuis de longs mois menace sa propre survie, à un moment où l'aide étrangère est suspendue.

Ayant compris qu'il lui fallait impérativement jeter du lest, Mugabe n'avait d'autre choix que de composer avec un adversaire qu'il s'était pourtant juré de lui barrer le passage quoiqu'il arrive. Il en est réduit à travailler forcément avec lui, sans quoi son pays resterait isolé pour bien longtemps encore.

Nouveau rebondissement dans le partage du pouvoir au Zimbabwe : Tsvangirai, l'opposant de Mugabe auquel, en vertu de leur dernier accord commun, est normalement échu le poste de Premier ministre, rend public un différend de taille avec le président, à propos de la composition du cabinet.

Comme l'on pouvait s'y attendre, Mugabe, qui avait claironné publiquement que ses adversaires ne s'empareraient jamais du pouvoir, entend conserver sous son contrôle l'ensemble des postes ministériels dits de souveraineté. Pour lui, la Défense, l'Intérieur, les Finances et la Sécurité d'Etat ne doivent en aucun cas être attribués au parti adverse, le MDC de Tsvangirai.

Ce dernier, soumis à une grande pression aussi bien interne qu'externe pour mettre fin à la crise qui place en sommeil le pays tout entier, avait pourtant donné le meilleur de lui-même pour boire le calice jusqu'à la lie. Il avait accepté de démordre sur tous ses droits, allant jusqu'à s'apprêter à partager le pouvoir avec Mugabe, lequel s'était pourtant illustré par une espèce de félonie condamnée à l'échelle mondiale. Mais, aujourd'hui, cette faiblesse est mise à profit par Mugabe pour l'empêcher de détenir certains postes clefs.

M'beki, l'ex président sud-africain, qui s'était, dès le départ, interposé entre eux, est aujourd'hui appelé à la rescousse, par Tsvangirai. Mais, est-ce vraiment la bonne voie à suivre ?

Après plus de quatre mois de tergiversations, Mugabe s'est résolu finalement à collaborer avec son adversaire, Tsvangirai, qui l'avait battu aux législatives et peut-être aussi aux présidentielles. Il vient, aux termes des négociations menées sous l'égide de la SADC (Communauté de développement de l'Afrique australe), de le nommer Premier ministre, une fonction n'existant pas jusque-là dans la Constitution du pays.

Tsvangira a même prêté serment devant le maître du pays. Ce dernier continue, à 85 ans, de s'accrocher fermement à son siège, malgré la situation catastrophique que vit le Zimbabwe, malgré aussi les pressions internationales qui s'exercent sur lui pour abandonner le pouvoir.

La formation du gouvernement d'union, conformément aux voeux de la SADC, est attendue pour vendredi. Le ministère des finances sera piloté par un membre du MDC, le parti de Tsvangirai, qui aura la lourde tâche de remettre de l'ordre dans les finances publiques. Tendai Biti, c'est son nom, compte d'ores et déjà sur le concours de la communauté internationale pour aider au redémarrage de l'économie nationale.

Mais les principaux donateurs, dont le ministre attend l'aide, montrent quelque frilosité et préfèrent rester pour l'instant dans l'expectative. Ils veulent, avant de se prononcer, juger "sur pièce", autrement dit ils s'impatientent de voir tout particulièrement si le gouvernement attendu activera dans le sens du respect des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la stabilisation macro-économique.

Le cabinet zimbabwéen vient d'être formé, avec une trentaine de membres des deux camps. Il a même prêté serment, aujourd'hui, devant le chef de l'Etat, l'irascible et indétrônable Mugabe.

Cependant, un des ministres choisi par l'opposition pour prendre le portefeuille de l'Agriculture, Roy Bennett, manquait à l'appel. Cet ancien fermier blanc, qui a perdu sa plantation, saisie en 2003 dans le cadre d'une réforme agraire très contestée, a été arrêté, dès son arrivée à Harare. Il revenait d'Afrique du Sud, où il s'était réfugié après avoir purgé 8 mois de prison en 2004 et 2005 pour avoir frappé un ministre dans l'enceinte même du Parlement. Il avait préféré l'exil à une nouvelle condamnation que lui faisait encourir le régime pour un imaginaire complot dont on l'accusait à sa libération.

L'on s'interroge, à présent, sur les suites que ne manquera pas d'avoir cet abus de pouvoir qui ébranle directement le nouveau Premier ministre et risque de compromettre la somme d'efforts de la SADC pour réconcilier les deux adversaires, Mugabe et Tsvangirai.

Roy Bennett, le vice-ministre de l'Agriculture, arrêté à sa descente d'avion le mois dernier, vient d'être libéré sous caution, jeudi dernier.

Dès sa sortie de prison, le ministre, proche de Tsvangirai, a dénoncé "les graves violations des droits de l'homme dans les prisons du Zimbabwe", en précisant que "Les gens souffrent. Ils ne mangent que de la farine de maïs, une quantité pas plus grande que mon poing. Ils n'ont qu'un seul repas par jour".

La Cour suprême saisie de sa requête a fini par débouter l'Etat et admis sa remise en liberté, sous réserve du versement d'une caution de 5 000 dollars, du dépôt de son passeport et d'un titre de propriété. Il devra aussi, condition humiliante, pointer à la police 3 fois par semaine.

Ce fermier blanc de 52 ans est accusé d'avoir eu l'intention de commettre des actes de sabotage et de terrorisme, après avoir été dénoncé comme étant le propriétaire des armes découvertes chez un policier blanc, en 2006.

Il avait passé huit mois en détention, suite à une altercation qui l'avait opposé à un ministre. Par suite, il est allé se réfugier en Afrique du Sud, d'où il rentrait le jour de son arrestation à l'aéroport, en février dernier.

C'est sans doute à cause des poursuites exercées encore contre lui le mois passé que Washington a jugé bon de maintenir les sanctions décidées contre Hararé.