Le Figaro.fr - 26.06.2014
par Laetita Moréni
L'archiduc François-Ferdinand de Habsbourg et sa femme, le 28 juin 1914 à Sarajevo,
quelques minutes avant leur assassinat, qui déclencha la Première Guerre mondiale.
Les officiels serbes n'assisteront pas aux commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale.Sous le pont Latin, l'eau coule, rougeâtre. La Miljacka, gonflée par la pluie, traverse Sarajevo d'est en ouest et longe ce quai empreint d'histoire. Cent ans ont passé depuis l'attentat du 28 juin 1914, mais la capitale bosnienne est toujours divisée. D'un côté, la mairie de Sarajevo organise les commémorations de la Première Guerre mondiale. De l'autre, les autorités serbes se réunissent pour rendre hommage au jeune étudiant serbe qui tua François-Ferdinand. «
Gavrilo Princip s'est battu pour l'indépendance, lance Nebojsa Radmanovic, le président serbe de la Bosnie-Herzégovine.
Il était porté par cette soif de liberté qui circulait en Europe à cette époque. »
Dans sa résidence, rue du Maréchal-Tito, M. Radmanovic annonce son programme: «
Je vais personnellement inaugurer le 28 juin une statue à la mémoire de Gavrilo Princip à l'est de Sarajevo, et dans la ville de Grahovo nous allons reconstruire sa maison natale. » À l'heure où Sarajevo se veut capitale de la réconciliation, les dirigeants de Serbie et de la Republika Srpska, l'une des deux entités de la Bosnie, iront, eux, à Andricgrad. Construite par le cinéaste Emir Kusturica, cette ville située dans l'est du pays accueillera les autorités serbes au moment même où l'Orchestre philharmonique de Vienne donnera un concert à Sarajevo. «
Il ne s'agit pas d'un boycott, précise, avec fermeté, le chef d'État.
Cela aurait été le cas si, dès le début, j'avais refusé de participer aux commémorations officielles. Au contraire, j'étais personnellement en contact avec le président autrichien avant que les organisateurs ne modifient le programme. Les concerts ont toujours lieu au théâtre national. Je ne vois pas pourquoi celui-ci devrait se tenir dans la bibliothèque. »
Disputes politiques
M. Radmanovic accuse la ville de Sarajevo de politiser le centenaire. Depuis la récente ouverture de la Vijecnica, la bibliothèque nationale, une plaque apposée à l'entrée fait polémique. Quelques mots gravés rappellent l'incendie perpétré par les «
criminels serbes » la nuit du 25 août 1992 durant la guerre de Yougoslavie. Si cet événement demeure un fait historique, ces mots sonnent comme une provocation pour les autorités serbes.
La pluie tombe en continu sur la ville de Sarajevo. Près du pont Latin, à l'hôtel de ville, le responsable de l'organisation du centenaire, Hajrudin Ibrahimovic, lève les yeux au ciel: «
Le programme n'a jamais changé. La fin des travaux était même prévue avant le 28 juin, justement pour que ce concert ait lieu à la Vijecnica, fraîchement rénovée. » Les Serbes boycottent-ils les cérémonies officielles? Hajrudin Ibrahimovic hésite. «
Je ne veux pas entrer dans ces disputes politiques. » Avant de lâcher: «
J'aurais été surpris s'ils n'avaient pas organisé leurs propres événements à Andricgrad, mais ils avaient prévu cela depuis déjà deux ans. Ce qui me surprend le plus, c'est qu'aucun représentant serbe ne vienne à Sarajevo, comme s'il y avait une sorte de directive générale. » Malgré l'absence des Serbes, le centenaire est un succès pour la ville de Sarajevo. «
Plus de quarante ambassadeurs ont confirmé leur participation. Nous voulons transmettre un message de paix, spécialement à Sarajevo, qui a connu trois guerres durant le XXe siècle », poursuit Hajrudin Ibrahimovic, posté derrière son bureau au troisième étage. «
Je suis désolé, mais même s'ils ne sont pas là, nous ferons sans. »
Dans les ruelles de la vieille ville, les habitants, un parapluie à la main, sont partagés. Pour beaucoup, l'attitude des Serbes n'est pas une nouveauté. Pour d'autres, trop de place est accordée à ces disputes politiques. Et à cent ans du conflit mondial, Gavrilo Princip demeure plus que jamais un sujet de discorde.
(http://www.lefigaro.fr/international/2014/06/26/01003-20140626ARTFIG00372-cent-ans-apres-l-attentat-de-sarajevoles-serbes-font-bande-a-part.php)