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 Seuil d’incompétence… Mais qui peut mettre François Hollande hors jeu ?

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Lam

Lam


Nombre de messages : 182
Date d'inscription : 24/11/2007

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MessageSujet: Seuil d’incompétence… Mais qui peut mettre François Hollande hors jeu ?   Seuil d’incompétence… Mais qui peut mettre François Hollande hors jeu ? EmptyJeu 5 Juin - 13:27

Atlantico.fr - 5.06.2014
Entretien avec Jean-François Kahn (*)
Gilles Pétaux (**) et Olivier Pluen(***)
Propos recueillis par Gilles Boutin

"On ne peut pas durer trois ans comme cela", avait déclaré François Bayrou à la suite de la dernière allocution télévisée de François Hollande. La mise sur la touche du président pourrait être effectuée par Manuel Valls, les députés socialistes, voire Bruxelles.

Atlantico - Compte tenu de l'amateurisme qui gouverne la réforme territoriale, l'incapacité du président à faire face à la crise, ou l'absence de vision sur l'Europe, sommes-nous aujourd'hui arrivés à un seuil tel qu'il n'est plus possible de garder François Hollande à la tête de l'État ? N'a-t-il plus le pouvoir suffisant pour gouverner ?

Jean-François Kahn - M’auriez-vous posé cette question au sujet de Nicolas Sarkozy ? Il est intéressant de constater que l’on peut la poser concernant Hollande, mais pas Sarkozy. J’ai été le premier à faire une Une de ce type sur Hollande, dans Marianne, "Pourquoi et comment il faut dégager Hollande (par le haut) ?" Personne ne me l’a reproché, mais si j’avais fait la moitié sur Sarkozy, les critiques auraient fusé.

C’est quelque chose d’assez étonnant.

Si nous nous trouvions dans un régime démocratique, comme ceux qui nous entourent en Europe, avec un Premier ministre élu par le Parlement, la question ne se poserait pas, puisque s’il ne suscite plus assez de confiance, il est remplacé par un autre. Notre système est unique, il est rigide et obsolète. Il faudrait donc surtout se demander s’il n’est pas temps de sortir de la Cinquième République, afin de ne pas se retrouver bloqué pendant cinq ans avec un incapable, un psychopathe ou un fou au pouvoir.

Jean Pétaux - Je vous laisse la responsabilité et la propriété des termes que vous employez pour qualifier la démarche sur la réforme territoriale, la réaction face à la crise et l’absence de vision sur l’Europe. Je ne les partage pas du tout. Mais l’essentiel n’est pas de savoir quelle appréciation tel ou tel prof met sur le bulletin scolaire de l’élève Hollande en fin d’année scolaire. Je préfère répondre à votre question : la légitimité de François Hollande à la tête de l’État est intacte ! Elle est sortie des urnes, dans une élection fortement participative, où plus de quatre-cinquième des Français se sont prononcés, soit 80,4% de votants, et un point de plus qu’au premier tour. Le résultat a été incontestable et incontesté : 800.000 voix d’avance sur son adversaire soit 3,28% des suffrages exprimés. Voilà les faits. Seul le verdict de ces mêmes urnes peut remettre en cause la présence de François Hollande à l’Élysée. Il n’a pas été élu par des sondages que je sache. Donc les échantillons représentatifs peuvent dire ce qu’ils veulent, cela n’a aucune valeur démocratique. Notre démocratie n’est pas une démocratie d’opinion, c’est une démocratie élective avec une Constitution… C’est quand même assez sidérant de devoir rappeler les évidences.

François Hollande peut être amené à quitter sa fonction de président de la République, en cours de mandat donc,  en cas de haute-trahison (procédure longue et totalement exceptionnelle liée à des circonstances tout aussi exceptionnelles : invasion du pays par exemple) ou pour des raisons strictement médicales (encore que notre histoire politique contemporaine a montré  la très grande complexité de cet aspect des choses). Il n’existe pas, en France, de procédure d’impeachment comme aux États-Unis. Donc il faut arrêter de raconter n’importe quoi. François Hollande est président de la République jusqu’au mois de mai 2017, s’il le souhaite. C’est aussi simple que cela. Le reste, tout le reste, les « unes » d’hebdomadaires et autres supports d’encarts publicitaires par exemple, sont uniquement destinés à faire acheter des titres qui sont en crise…

En terme d’histoire politique contemporaine, l’exemple du général de Gaulle doit être rappelé ici. Celui-ci, seul des six anciens présidents à avoir quitté l’Élysée de son vivant, l’a fait parce qu’il l’a voulu. Il avait un usage quasi-plébiscitaire du référendum et, après une crise par exemple ou pour régler politiquement un dossier, il court-circuitait la représentation parlementaire, convoquait le peuple et lui donnait à choisir : "Moi ou le chaos ! Je vous demande de voter le projet que je vous propose. Si, d’aventure, le non l’emportait, j’en tirerais les conséquences et je démissionnerais immédiatement de mon mandat de président de la République". C’était la rencontre de deux "bons vouloir". Celui du Général que personne, ni aucun texte constitutionnel, n’obligeait à mettre son mandat en jeu (comme un joueur de poker qui  "fait tapis" en quelque sorte) et celui du "peuple de France". C’est le seul à avoir eu cette conception du pouvoir.

En 1992 pour le référendum sur le Traité de Maastricht (qui recueille 51,05% de "oui" pour 69,70% de participation), François Mitterrand ne met pas du tout son mandat présidentiel dans la balance. Le 24 septembre 2000, le référendum sur le quinquennat mobilise presque le même nombre de Français que celui sur le Traité de Maastricht (69,81% de votants) et le "oui" l’emporte très largement avec 73,21% des voix. Mais dans ce cas, le président Chirac a pratiquement dit aux Français : "Votez ce que vous voulez, je m’en fous"… De Gaulle a dû se retourner dans sa tombe. Et, comble du comble, pour le TCE (Traité Constitutionnel Européen), le 29 mai 2005, avec là encore une participation presque identique aux deux précédents référendums (69,35%), alors que le "non" obtient 54,67% des voix et que le président Chirac a appelé à voter "oui", la seule conséquence politique qui va en découler est le remplacement à Matignon de Jean-Pierre Raffarin par Dominique de Villepin…

On conviendra que l’usage du référendum "à la de Gaulle", seul moyen connu aujourd’hui pour faire quitter l’Élysée à un président (et à condition qu’il le veuille puisque la convocation de procéder au référendum est de sa seule décision et de son seul ressort constitutionnel), est définitivement mort après une telle évolution politique.

Olivier Pluen : Le regard qu’il est possible de porter sur l’action d’un Président de la République, quel qu’il soit, invite sans doute à une certaine prudence. À défaut d’être à sa place, et faute d’avoir exercé la magistrature suprême ou une fonction équivalente, certains paramètres liés à l’exigence et au poids du mandat présidentiel sont effectivement susceptibles d’échapper aux appréciations extérieures. Pour autant, les données objectives sont sans appel, à commencer par le résultat pour la majorité présidentielle des dernières élections municipales, communautaires et européennes. De même, de ce récent sondage d’OpinionWay qui révèle que 3% des français seulement sont aujourd’hui favorables à une candidature de François Hollande à l’élection présidentielle de 2017, au titre du Parti socialiste.

La légitimité de l’actuel Président de la République, qui vient à peine d’achever la deuxième année de son mandat – ce qui représente moins d’un tiers du mandat de sept ans (septennat) qui existait jusqu’en 2000 –, est très fortement entamée. Avec une cote de popularité autour de 18%, il enregistre le plus mauvais résultat pour un chef de l’État sous la Vème République, ce qui pose tout aussi légitimement la question de son maintien à la tête de l’Exécutif. Et ce niveau peut apparaître encore plus gênant s’agissant d’une autorité dont le titulaire est élu, selon la conception gaulliste de la fonction présidentielle, au suffrage universel direct et à la majorité absolue des suffrages exprimés (art. 7 de la Constitution).

Cette question de la légitimité est d’autant plus importante que le Président de la République n’a jamais détenu, sur le plan constitutionnel sous la Vème République, "le pouvoir suffisant pour gouverner". La prérogative gouvernementale appartient au Gouvernement, et à sa tête le Premier Ministre, dont la Constitution prévoit qu’il : "détermine et conduit la politique de la Nation". C’est parce que le Président de la République a pu, sous l’influence du Général de Gaulle et l’introduction de l’élection au suffrage universel direct du chef de l’État en 1962, montrer qu’il possédait une légitimité supérieure à celle du Premier Ministre et du Gouvernement, qu’il a pu s’approprier dans la pratique "le pouvoir de gouverner".

Atlantico - Selon vous, quel est le scénario le plus réalisable ? Comment François Hollande peut-il concrètement être mis hors-jeu ?

Jean-François Kahn - L’article vingt de la Constitution dispose que c’est le Premier ministre qui gouverne, avec une majorité au Parlement. Le président de la République est censé être un arbitre. Pour l’instant, hors un putsch ou la réforme que je souhaite, la seule solution réside dans l’application stricte de cet article. Même si Hollande refusait de promulguer certaines lois, sa capacité de blocage serait celle d’un président de cohabitation, ni plus ni moins.

Les socialiste risquent tellement d’être éradiqués que, bien que ce ne soit pas probable dans l’immédiat, cela pourrait devenir possible un jour. Mais nous n’avons pas la possibilité de souplesse des Italiens qui se sont débarrassés de Berlusconi lorsque la situation n’était plus tenable. Pour l’instant, nous avons le choix entre ne rien faire et aller jusqu’au bout avec toutes les conséquences que cela peut avoir, ou faire un putsch.

Jean Pétaux - Ma réponse est très claire et très simple : François Hollande ne peut pas être mis « hors-jeu » en l’état de notre Constitution.  Il n’y a aucun scénario alternatif que celui que nous dictent les institutions, et c’est très bien ainsi d’ailleurs du point de vue de la légalité républicaine. S’il s’agit de raisonner "hors-Constitution" c’est autre chose. Cela porte un nom : c’est un "coup d’État". Autant dire les choses clairement là aussi.

Si, d’aventure, la rentrée de septembre 2014 est chaude et très agitée socialement : grèves, paralysie du pays (ou simplement de Paris et de l’Ile-de-France, comme en novembre 1995), manifestations à répétition, le président à une arme et une seule : la dissolution de l’Assemblée nationale. Il renvoie les députés actuels devant les électeurs et demande aux formations politiques de faire des propositions alternatives aux Français. Ceux-ci choisissent parmi ces projets. Le président nomme alors un nouveau Premier ministre en accord avec ce choix, à même de « porter » le projet politique qui aura gagné cette élection législative.

À même de "gouverner" donc. Soit celui-ci est conforme aux préférences politiques de François Hollande et c’est, peu ou prou, la situation actuelle qui est prolongée pour lui jusqu’à la fin de son mandat, mai 2017 ; soit ce n’est pas le cas et c’est alors une quatrième période de « cohabitation » qui s’ouvre après les trois que nous avons déjà connues depuis mars 1986. Cela ne remet pas en cause la présence de François Hollande à l’Élysée. On a appris, grâce à la « dissolution de convenance » d’avril 1997, "à froid", sans aucune raison politique majeure (c’était bien ce qu’ont reproché des voix aussi avisées constitutionnellement parlant que celles de Pierre Mazeaud et Philippe Seguin alors), que même dans ce cas-là, le président de la République n’a pas été remis en cause dans sa fonction et dans son statut. Il s’est juste "retiré sous sa tente" jusqu’à la fin de son premier mandat en avril 2002…

Olivier Pluen - Le scénario le plus envisageable réside, non pas dans une destitution – théorique depuis 2007 – ou une démission voulue ou forcée, mais dans un retour à la lettre de la Constitution, s’agissant de la direction de l’action gouvernementale. Au Premier Ministre – aujourd’hui Manuel Valls –reviendrait cette fonction, comme cela était globalement le cas entre 1958 et 1962, lorsque Michel Debré occupait celle-ci, ou en période de cohabitation entre 1986 et 1988, 1993 et 1995, et 1997 et 2002. Le Président de la République – concrètement François Hollande – se trouverait quant à lui cantonné aux attributions que lui attribue le texte constitutionnel : fonction de gardien de la Constitution, fonction d’arbitrage pour assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l’État ; fonction dominante mais non exclusive dans les domaines régaliens (politique étrangère, chef des armées, garant de l’indépendance de la justice).

En fait, et pour revenir à la question précédente, le Président reviendrait à sa fonction initiale de chef de l’État, par opposition à celle de chef du Gouvernement qui relève du Premier Ministre. Les Présidents Mitterrand et Chirac ont été confrontés à cette situation avant François Hollande, même s’il est vrai que les majorités présidentielles et parlementaires n’appartenaient alors plus au même bord. Cependant, entre 1976 et 1981 et entre 2005 et 2007, les majorités parlementaires "chiraquienne" et " sarkozyste" ont été tentées de faire de même vis-à-vis des Présidents Giscard d’Estaing et Chirac.

Concernant ensuite les modalités concrètes de mise hors jeu du Président de la République, elles devraient – si celle-ci survenait – résulter d’un rapport de force entre sa majorité parlementaire et la majorité présidentielle qu’il incarne. Le blocage des institutions qui en découlerait se résoudrait, ou bien en faveur de la première, ou bien en faveur de la seconde.

Atlantico - Qui pourrait être à la manœuvre pour appliquer un tel scénario ?

Jean-François Kahn - En privé, les socialistes ne cessent de dire que François Hollande les mène à la catastrophe, qu’il fait le jeu du Front National, et qu’il doit prendre de la hauteur en devenant une "reine d’Angleterre".  Manuel Valls ne peut pas mener le mouvement, car cela s’apparenterait à une sorte de coup d’État. En revanche le groupe parlementaire peut taper du poing sur la table. Il est d’ailleurs incompréhensible qu’ils ne l’aient pas encore fait. Dans le cas de la réforme territoriale, personne n’ose se prononcer contre, sauf que Hollande le fait avec un amateurisme inouï. C’est pourquoi je dis que c’est moins sa politique que l’homme qui est mise en cause.

Un des proches de François Hollande ose le lui dire en privé, mais il est le seul. Les autres ministres, même s’ils le connaissent bien, sont tellement liés à lui qu’ils le poussent à s’accrocher au pouvoir et à tenir tête à Valls. Dans ce système absurde de la Cinquième République, tout ce que Hollande fait a pour but d’étouffer le Premier ministre.

Olivier Pluen - Il existe plusieurs hypothèses. S’il s’agit de la majorité parlementaire elle-même, celle-ci pourrait refuser de voter les projets de loi et les amendements gouvernementaux. Au niveau de l’Assemblée nationale, elle pourrait également engager la responsabilité du Gouvernement (art. 49 de la Constitution). Mais le risque serait de déstabiliser le Gouvernement, sachant que le Président de la République ne serait logiquement plus en mesure de protéger ce dernier en décidant – hypothèse ultime – de dissoudre l’Assemblée nationale. L’opposition parlementaire (ou une autre…) serait – à coup sûr – la grande gagnante dans ce rapport de force auquel elle n’aurait pas eu besoin de prendre substantiellement part. S’il s’agit ensuite d’une manœuvre du Premier Ministre, celle-ci pourrait par exemple consister à engager plus fréquemment la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale, afin de montrer que le pouvoir gouvernemental repose d’abord et désormais sur un lien de confiance entre le Gouvernement et le Parlement, et non plus entre le Président de la République et le Peuple. Une autre "manœuvre" pourrait enfin consister, pour les proches du Président, à appliquer une pression "bienveillante" sur celui-ci pour l’inciter à revenir à la lettre de la Constitution. Cette opération se ferait au profit du Premier Ministre, mais en espérant que ce dernier devienne tributaire des mécontentements. Les " chances " du chef de l’État pourraient alors éventuellement être préservées pour 2017.

Atlantico - Quelles autres scénarios d'un retrait de François Hollande serait envisageable ?

Jean Pétaux -

Fronde des députés pour forcer Hollande à démissionner

Si les "députés frondeurs" font la grève du vote, si la majorité parlementaire actuelle entre dans l’opposition face à l’exécutif, le président de la République doit en tirer les conséquences et dissoudre l’Assemblée nationale. C’est l’article 12 de la Constitution du 4 octobre 1958. Cela s’est passé une seule fois dans l’histoire constitutionnelle de la Vème République : le 10 octobre 1962 suite à l’adoption d’une motion de censure par l’Assemblée renversant le premier gouvernement Pompidou, le 5 octobre 1962 en application de l’article 50 de la Constitution. Il faut bien comprendre que dans notre système constitutionnel, sur le modèle de la célèbre réplique de Clint Eastwood dans "Le bon, la brute et le truand", il y a "celui qui a le flingue et ceux qui ont la pelle"… Le président a le pistolet et il est braqué sur les députés, donc les députés creusent ! C’est assez simple comme logique. Et efficace surtout. Tout le reste c’est un concert de petites phrases dans la salle des "Quatre colonnes" et des effets de manche devant les caméras des chaines d’infos en continu… Mais au final, n’en déplaise à Laurent Baumel, Philippe Doucet, et à leurs amis de «la Gauche populaire», c’est le président de la République qui dissout l’Assemblée et pas l’inverse…

Situation de cohabitation

Cette question a été tranchée par Valéry Giscard d’Estaing dans son discours de Verdun-sur-le-Doubs avant les législatives de 1978 où se profilait une potentielle victoire de ce qui n’était déjà plus "l’Union de la Gauche" explosée en septembre 1977. Dans ce discours, dès cette époque, VGE expliquait qu’en cas de défaite de la majorité parlementaire sortante, celle issue des urnes législatives de 1973, lui, en tant que Président de la République, ne se retirerait pas car sa légitimité politique et électorale était d’une autre essence, celle de l’élection présidentielle du printemps 1974 et qu’elle serait réexaminée seulement à fin du septennat en avril-mai 1981. On connait la suite… Cette même question a appelé ensuite trois réponses identiques : une majorité de députés différente de la majorité présidentielle ne signifie pas le départ du président. C’est cela la cohabitation. Les institutions, les termes de la constitution de 1958, ont prouvé en 56 ans leur grande résilience. Le président de la République doit laisser "le gouvernement déterminer et conduire la politique de la nation" et il signe les lois votées par le Parlement. Que cela lui plaise ou non. En revanche il n’est pas obligé de signer des "ordonnances" : c’est la jurisprudence instaurée par François Mitterrand lors de la première cohabitation dans son premier "bras de fer" avec Jacques Chirac, Premier ministre, en juillet 1986. Il aura fallu alors que Jacques Chirac repasse par le canal parlementaire (alors qu’il voulait aller vite) pour faire voter les textes de dénationalisation.

Mise sous tutelle de la France par Bruxelles

On peut toujours jouer à imaginer le pire en politique. Généralement d’ailleurs les faits montrent que la réalité est pire que le pire des scénarios… Je répète ici que rien sauf le cas exceptionnel que j’ai cité (celui de la mise en cause pour haute trahison et la traduction en Haute-Cour), rien ne peut obliger François Hollande à se retirer, pas plus une "mise sous tutelle de Bruxelles" qu’une crise sociale majeure. Pour répondre à votre dernière question, je dirai donc, tout simplement, qu’il faut s’attendre, pour ceux qui veulent voir François Hollande quitter l’Élysée, à attendre que le lent court du temps s’écoule jusqu’en mai 2017… S’attendre à attendre en somme… Apprendre à attendre !... On sent bien que ce n’est pas un art qui se pratique aisément.

Olivier Pluen - Le Président de la République est politiquement irresponsable (art. 67 de la Constitution), de sorte qu’il n’est pas tenu par le résultat d’une élection – sous réserve de l’élection présidentielle s’il est de nouveau candidat – ou la mise en minorité du Gouvernement par l’Assemblée nationale. Il existe bien un mécanisme exceptionnel de destitution devant une Haute Cour, en cas de : "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat" (art. 68 de la Constitution). Cependant, la loi organique qui est nécessaire à l’entrée en vigueur de ce mécanisme de responsabilité – pourtant introduit à l’occasion d’une révision constitutionnelle du 23 février 2007 –, n’a toujours pas été adoptée. Il existe au-delà des cas de vacance et d’empêchement définitifs susceptibles de conduire à l’organisation de nouvelles élections (art. 7 de la Constitution), mais la présidence de la République n’est pas vacante aujourd’hui – en l’absence de démission du chef de l’État – et le Président de la République n’est pas empêché – en l’absence d’une maladie grave ou d’une autre incapacité à exercer son mandat.

Reste alors la décision du Président de la République de démissionner de son propre mouvement, ou sous la pression bienveillante ou non de ses proches, de sa majorité ou du Peuple, en cas d’aggravation de la crise économique, de poursuite de la montée du Front National, de "mise sous tutelle" de la France par l’Union européenne,…Le souci de François Hollande serait alors de préserver à la fois l’intérêt national, la continuité de l’État, de l’Union européenne et du Parti socialiste… Même s’il est vrai qu’un Président de la République a vocation a être le chef de l’État et le président de tous les français et non d’un parti.

Atlantico - Quelles seraient les conséquences concrètes du scénario le plus plausible ? Comment la gouvernance se fait-elle dans ces conditions ?

Jean-François Kahn - Si l’article 20 de la Constitution est strictement appliqué, dans le cas de la présidence de François Hollande on se retrouvera dans une situation classique de cohabitation. Il garderait ses fonctions de chef des armées, il représenterait le pays à l’international, mais laisserait la conduite de la politique interne au Premier ministre. Or ce n’est pas ce dernier qui a défendu la réforme territoriale, mais Hollande, sur un bout de table, en téléphonant aux présidents de régions pour tenter de ne pas trop les mécontenter. Nous aurions tout intérêt à nous mettre au diapason de nos voisins européens; or notre système n’existe nulle part, sauf dans la Russie de Poutine.

Olivier Pluen - En cas de retour à la lettre de la Constitution, le Premier Ministre redeviendrait le véritable chef du Gouvernement. Dans un contexte marqué par la crainte d’une « mise sous tutelle » de l’Union européenne, cette lecture ne serait pas négligeable puisqu’il serait y compris amené à s’investir plus activement au niveau de l’Union européenne, certes toujours au côté du Président de la République. Cependant, deux aspects méritent d’être soulignés. D’une part, les États membres sont majoritairement représentés par leurs chefs de gouvernement, de sorte que la France constitue depuis longtemps une exception avec sa représentation présidentielle. D’autre part, à la différence d’un Président Mitterrand qui a été quatorze ans président – avec quatre ans de cohabitation –, et d’un Président Chirac qui avait déjà été deux fois Premier Ministre et était chef de l’État depuis deux ans en 1997, le Président Hollande possède "seulement deux ans d’avance" sur son Premier Ministre, Manuel Valls, en matière européenne. Ici pourrait se jouer, entre autres, le sort de la prochaine élection présidentielle au niveau du Parti socialiste…
 
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(*) Jean-François Kahn est un journaliste et essayiste. Il a été le créateur et directeur de l'hebdomadaire Marianne. Il a apporté son soutien à François Bayrou pour la présidentielle de 2007 et 2012. Il est l'auteur de "La catastrophe du 6 mai 2012".

(**) Jean Pétaux est docteur habilité à diriger des recherches en science politique, ingénieur de recherche, politologue à Sciences Po Bordeaux, responsable, au sein de cet établissement, du parcours de master « Métiers du politique ». Il a co-publié aux Éditions Biotop, en 2010,  Figures et institutions de la vie politique française.

(***)  Olivier Pluen est Maître de conférences en droit public à l'UAG (Université des Antilles et de la Guyane). Prix de l'Ordre des avocats aux Conseils. Il est l’auteur de L’inamovibilité des magistrats : un modèle ?


(http://www.atlantico.fr/decryptage/seuil-incompetence-qui-peut-mettre-francois-hollande-hors-jeu-demission-reforme-territoriale-jean-francois-kahn-jean-petaux-1599559.html)
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